Le
lecteur sera peut-être étonné et même éberlué devant
les nombreux thèmes qui seront évoqués dans ce qui
suit. Il est vrai que nous avons perdu bien des clefs de l’organisation
du temps telle que nos anciens nous l’ont léguée.
Remettre
en lumière les sens calendaires oubliés donne parfois au calendrier
un aspect surréaliste. Mais que l’on ne s’y méprenne
pas, ce n’est pas parce que nous n’en comprenons plus la logique
que ces organisations sont délirantes. Elles obéissent à une
logique mythique qui a son rationnel que le “rationnel” ne
connaît pas.
Aujourd’hui,
nous suivons un déroulement annuel devenu pratiquement une simple
organisation horlogère exempte de sens, à l’exception
de quelques grandes fêtes qui, elles aussi, nous échappent en
grande partie.
Nous évoquerons
ici la pensée et la mythologie populaire. Il ne s’agit ici
ni de science ni d’élaboration savante. De même, il
ne s’agit pas non plus de telle ou telle religion. Le populaire a
toujours eu un caractère “syncrétique”, mélangeant
aisément différentes religions avec ce qu’on appelle
les superstitions du polythéisme paysan. Bien sûr, le christianisme
prédomine mais en mettant en évidence son enracinement païen
et donc paysan.
Afin
de rassurer le lecteur, nous pourrions référencer tous les
thèmes aux textes traditionnels anciens qui les cautionnent. C’est
impossible à faire dans le cadre de cet article, ce serait trop
long et trop compliqué. nous aurons tout juste le temps d'évoquer
les thèmes en jeu.
Nous
souhaitons que le lecteur se laissent emporter par le déroulement
qualitatif - ô combien poétique - de ce temps qui passe et
qui nous dépasse, quitte à revenir ensuite sur des points
obscurs qui demanderaient de plus amples explications.
Pour
se maintenir, le christianisme a dû poser sa marque sur les anciennes
fêtes dites “païennes”.
C’est
donc en “lisant” puis en “grattant” le calendrier
chrétien que nous pouvons retrouver la logique des calendriers précédents.
A
la manière d’un palimpseste, le calendrier propose plusieurs
couches successives qui ne sont pas toujours facile à percevoir.
Les saints sont quelquefois venus masquer et remplacer d’anciens
dieux. De même les grandes fêtes ne sont pas toutes inventées
par l’Église. Un exemple clair est donné par la fête
de Noël qui, au 4ème siècle, a été placée
au solstice d’hiver pour masquer, entre autres, la fête de
la naissance de Mithra ainsi que les cultes solsticaux du soleil. D’autre
part, certains démontrent que Jésus est né le 25 juillet,
en pleine canicule. (cf. Odile Ricoux, Christ caniculaire, la nativité le
25 juillet,
Presses Universitaires de Valenciennes, distribué par Les Belles
Lettres)
Un
autre exemple est donné par la fête de la Toussaint qui est
venue sacraliser la fête celte de Samain et d’Hallow’en,
en espérant leur disparition. Comme Samain avait la vie dure, Odilon
de Cluny a encore rajouté la fête des morts au 2 novembre.
En
pratiquant de telles opérations de “sacralisation” l’Église
occultait les organisations païennes en même temps qu’elle
assurait, sans le vouloir, leur pérennité clandestine. Il est étrange
de voir combien Hallowe’en revient en force aujourd’hui.
C’est
donc en observant le calendrier chrétien - grégorien - qui
est le nôtre, que nous pourrons approcher le sens de l’organisation
du temps telle que le concevait la multitude de nos ancêtres.
Repères solaires
Pour
comprendre facilement l’organisation calendaire, il est recommandé de
tracer un cercle dont un des diamètres reliera les deux solstices
: solstice d’été, au 21 juin et solstice d’hiver
au 21 décembre. Ces deux fêtes sont donc opposées à 6
mois avant et après.
Le
cercle représente l’anneau de l’année et le temps
qui revient régulièrement en passant par les solstices et
les équinoxes. L’année se déroule donc du solstice
d’hiver, moment où le soleil se met à monter de plus
en plus haut dans le ciel jusqu’au solstice d’été,
moment où il commencera à redescendre vers l’hiver.
Perpendiculairement
au diamètre des solstices, un autre diamètre reliera les équinoxes
: l’équinoxe de printemps au 21 mars et l’équinoxe
d’automne au 21 septembre.
Les
quatre repères formés par les deux points solsticiaux et les
deux points équinoxiaux seront marqués par des fêtes
importantes.
En
hiver, la Noël et la Saint Jean d’hiver, en été Saint
Jean-Baptiste, Saint Jean d’été, au printemps l’Annonciation.
L’équinoxe d’automne sera moins marquée sur le
plan festif, la fête de Saint Michel étant située au
29 septembre, le 21 est marqué par la Saint Matthieu, l’apôtre
qui fut, sans doute, le plus populaire. Le 22, Saint Phocas le jardinier.
Le 23 ou le 24 étant
marqués
par Sainte Thècle et Saint Lin. Il faut rappeler que c’est
l’époque où, autrefois, on faisait rouir le chanvre.
Pour
des raisons que nous ne pouvons développer ici, les solstices et les équinoxes étaient
situés à la date du 25 (début des calendes dans le calendrier
romain). Il nous en reste les grandes fêtes : Noël, Annonciation,
Jean et ensuite, Michel au 29.
Ce
cercle nous indique les deux grandes phases du mouvement du soleil qui est
le maître de la fécondité de la terre.
La
première phase (ascendante) qui débute à Noël
ou à la Saint Jean d’Hiver (28 décembre, l’apôtre
: Jean qui rit parce qu’il voit remonter le “soleil invaincu”)
et qui voit la terre se couvrir progressivement de végétations,
de fleurs et de fruits.
La
seconde phase (descendante) qui commence à Saint Jean-Baptiste
(Jean qui pleure parce qu’il voit le soleil descendre) et qui voit
la terre se dépouiller de sa végétation et aboutir
au dénuement hivernal.
La
tradition, reflet des textes bibliques, a toujours représenté Jean-Baptiste
avec des caractères oursins : vêtu de peaux de bêtes,
vivant au désert, mangeant du miel et des sauterelles.
A
l’annonce de sa naissance, à son père Zacharie, l’ange
Gabriel dit : il ne boira ni vin ni bière et le rasoir ne le touchera
pas. Il fut donc naziréen. Sa position au solstice d’été le
met en rapport avec l’aspect de la terre. Le mythe de Jean-Baptiste
velu et oursin est isomorphe (de même forme) de celui de la terre
couverte, à cette époque, de végétation. (La
végétation est associée aux poils animaux, symboles
de fécondité) La terre prend un caractère oursin qui
naît avec le printemps et s’achève à la fin de
l’été.
Le
personnage de l’ours - qui fut considéré autrefois
comme un dieu - jouera un rôle important, autant au passage à l’hiver
qu’à celui du printemps.
Repères Celtes
L’année
est ainsi divisée en 4 trimestres. Afin de préciser davantage
la marche du temps, notre calendrier (dit grégorien) adopta 4 autres
points de repères Celtes : 4 fêtes qui se situent à mi-chemin
entre les solstices et les équinoxes. Au 2 février : Imbolgh
(fêtes des souffles) au 1 mai : Beltaine (fête solaire et fête
des sorcières) au 1 août : Lugnasad (fête de l’assemblée
du dieu Lug) au 1 novembre : Samain (fête des morts).
Ces
repères Celtes font que l’année est réparties
peu ou prou en quarantaines successives (à chaque fois une lune
et demie environ) qui sont des temps de conversion ou de guérison. Équinoxe
d’automne/Toussaint - Toussaint/Noël - Noël/Chandeleur
etc.
Bien
sûr, 8 fois 40 ne font pas 365 jours annuels, mais une quarantaine
de jours forment tampon souple entre le temps solaire et le temps lunaire.
L’imprécision
des quarantaines vient aussi des deux références : solaire
et lunaire.
Le temps incalculable
Si
nous pouvons, relativement, maîtriser l’espace, le temps nous échappe
totalement. Par contre, nous ne lui échappons pas. Il nous entraîne
inéluctablement dans son mouvement. C’est sans doute pourquoi
bien des religions établissent que Dieu est le temps. Un des premiers
grands dieux était Janus, dieu “bifront” ayant deux visages,
un tourné vers le temps passé et l’autre tourné vers
l’avenir. Il personnifiait le Temps. Il n’a pas, lui non plus, échappé au
destin temporel en laissant sa place, en Grèce, à Cronos devenu
un nouveau dieu du temps sous le nom de Chronos. Chronos symbolise le temps
en mangeant ses enfants : “ce temps qui nous dévore” et
qui nous mène vers la mort.
Lorsque
nous nous mettons à vouloir calculer et mettre en ordre le temps,
nous devons sans cesse y revenir pour réajuster nos calculs. C’est
ainsi que tous les quatre ans, nous sommes obligés de rajouter un
jour à l’année dite “bissextile”. Cette
opération se fait en février.
Mais
un autre élément vient perturber nos savants calculs. Pour
organiser un cycle temporel, il faut bien prendre une référence
cosmique. Les deux références les plus claires et les plus
faciles sont le soleil et la lune. Mais selon la référence,
les calculs sont différents et ne correspondent pas. Ainsi, dans
notre calendrier dit “soli-lunaire” qui tient compte à la
fois du soleil et de la lune, la différence d’une année
est de 12 jours ou 12 nuits et 11 jours. On appelle ces jours “épagomènes”,
c’est-à-dire supplémentaires.
“ Le
soleil a rendez-vous avec la lune...” Cette chanson est loin d’être
simplement fantaisiste.
Repères lunaires
Bien
des calendriers ont (ou avaient) une référence lunaire. Aujourd’hui
encore, le calendrier musulman et le calendrier hébraïque comptent
avec les mouvements de la lune. Il y a peu, c’était la même
chose pour les calendriers grecs et chinois. Notre calendrier soli-lunaire
chrétien contient quelques fêtes dépendantes de la lune.
Ainsi en est-il pour la fête de Pâques, autour de laquelle tourne
le carême (et donc le mardi-gras et le mercredi des cendres), l’Ascension
et la Pentecôte. On les appelle “fêtes mobiles”.
Les
repères solaires ne bougent pas dans le courant de l’année
en raison du retour régulier des solstices et des équinoxes.
Les fêtes qui s’y réfèrent sont appelées
fêtes fixes : Noël, Chandeleur, Annonciation, Saint Jean.
Les portes solsticiales
La
tradition veut que le ciel soit ouvert à deux périodes de l’année,
celle qui correspond au signe zodiacal du cancer et celle qui correspond
au signe du capricorne. Ces deux temps coïncident avec les solstices.
Le
ciel est ouvert afin que les âmes des morts puissent remonter au ciel.
C’est surtout le cas pour la porte du capricorne qui est appelée
porte des dieux. La porte du cancer permet plutôt aux âmes qui
s’incarnent de descendre sur la terre - le long du fleuve de la Voie
lactée et accompagnées par Saint Jacques ou Saint Christophe.
Les
deux portes sont symbolisées par la présence de deux clefs
sur les armoiries du Pape : le Pontife (établisseur de ponts) qui
relie le Ciel et la Terre.
Le
cancer amène, simultanément la Canicule, période du
chien, (enragé) et le capricorne amène la fécondité de
la terre grâce aux souffles qui sortent des enfers et remontent vers
le Ciel.
La circulation des souffles
Un
des grands soucis de l’humanité a toujours été celui
du destin des âmes (souffles). D’où viens-je et où vais-je
? La mythologie calendaire organise, de manière très créative,
les cycles par lesquels les âmes circulent. Dans la mytho-logique qui
préside à l’établissement de nos calendriers,
nous provenons du grand “réservoir” d’âmes
qu’est la Voie Lactée.
Certains
disent que la période qui entoure le début novembre aurait été la
première des fêtes.
Commençons
donc notre voyage à partir de ce temps si important que représente
la période dite “des morts”.
Aucun
peuple de ne vit sans ses morts. Si, sous nos latitudes, nous avons relégué la
mort au rang d’un objet médico-hospitalier, sauf à entretenir
quelques fleurs que nous portons à la Toussaint, sur les tombes, il
n’en va pas de même en dehors de l’Occident. La plupart
des peuples ritualisent, en permanence, la présence des âmes
des ancêtres, comme le faisaient aussi nos anciens.
Ces âmes,
ont de fréquentes tendances à “revenir”. Chez nous,
autrefois, c’était à partir du début novembre
que se situait la période des revenants. Cette période durera
jusqu’à Pâques, date à laquelle le dernier des “revenants",
Jésus, clôturera le cycle.
La
première fête - qui avait disparu mais qui revient en force
- est celle d’Hallowe’en, ou Samain. (Hallowed evening : soir
des saints) (Samain : fin de l’été) Ce n’est pas
une fête chrétienne, c’est l’ancienne fête
celte des morts qui a lieu dans la nuit du 30 octobre au 1er novembre.
Premier
jour de l’année celtique, c’est une fête joyeuse
où l’on fait bombance et où l’on s’amuse.
Il y est pourtant question de morts qui commencent à errer. Les morts
sont craints, il faut les honorer et les aider. On allumera des bougies que
l’on placera aux fenêtres afin de guider les “pauvres âmes” (Puça)
errantes.
On
creusera aussi des citrouilles en forme de têtes, dans lesquelles
on placera des bougies. Ces citrouilles sur les fenêtres permettront
aux morts de trouver leur chemin.
Cette
nuit inaugure le temps des “revenants” avec lesquels il faudra
bien compter jusqu’au printemps. C’est le début de la
grande période carnavalesque qui occupera tout l’hiver.
Au 1er
novembre l’Eglise a placé la fête chrétienne
de Toussaint, instituée en 835 par Louis le Pieux afin de sacraliser
la fête païenne de Samain. Fête qui se voulait joyeuse
puisqu’il s’agit de saluer les bienheureux. Notre rapport
romantique et craintif à la mort en a fait une fête plutôt
triste, sauf peut-être aux Antilles où ces journées
remplissent les cimetières d’activités multiples
et de chants. Nous nous contentons de porter des chrysanthèmes
sur les tombes devant lesquelles de courts instants de recueillement
inhibés - et peut-être apeurés - suffiront à ritualiser
ce jour en le réduisant à sa plus simple expression. Nous
ne connaissons même plus le sens des chrysanthèmes (fleurs
d’or : l’or étant un symbole d’éternité par
son caractère inaltérable)
Mais
peut-être est-ce le fond de paganisme qui réside en chacun
de nous qui nous porte à honorer plutôt les âmes des
morts que les saints eux-mêmes. Ceux-ci étant bien moins dangereux
que celles-là.
Quoi
qu’il en soit, l’instauration de la Toussaint n’avait pas
mis fin au rapport des païens avec les morts. Odilon de Cluny, au Xème
siècle, instaura donc la fête des morts le 2 novembre.
Jamais vraiment acceptée par l’Église, elle ne fut que
progressivement avalisée au cours des siècles.
La
quatrième fête remarquable pour le temps des morts est la
Saint Martin au 11 novembre.
La
fête de l’armistice occulte celle de Saint Martin sur les calendriers.
Elle est née en 1918 lorsque les maréchaux français
ont signifié aux allemands qu’il fallait attendre la Saint
Martin pour signer l’armistice. Saint Martin est en effet patron
de l’infanterie, et par extension, des armées, avec Saint
Michel. Curieusement, on trouve approximativement dans le mot “armistice” l’anagramme
de Martin.
Le
fait de différer la signature de l’armistice en l’honneur
de Saint Martin fit sans doute pas mal de morts en plus.
Le
traité d’armistice fut signé à 5 heures du matin
et pris cours à 11 heures. (le 11 du 11ème mois à 11
heures) C’est à cette heure que la tradition veut que l’ours
commence son hibernation.
Martin
est associé à l’ours. On appelle souvent l’ours “Martin” (ou
Bruno, le Brun) La Légende Dorée décrit Saint Martin
un peu comme un ours, en remarquant qu’il prêchait dans les églises
assis sur un tabouret comme le font les montreur d’ours. Jacques
de Voragine insiste sur le côté dru de son manteau de poils.
Saint Martin est, d’autre part, décrit comme ayant un aspect
très fruste et sauvage. Mythologiquement, il fait partie de la série
des “hommes sauvages” avec Saint Jean-Baptiste, Merlin et bien
d’autres... (Cf. Jacques de Voragine, “La légende
Dorée” Garnier-Flammarion)
L’ours,
en descendant dans sa caverne d’hibernation, emmène avec lui
les âmes destinées au séjour des morts : dans les enfers
(in-fernum : ce qui est en bas).
C’est
donc à 11h00 précise que pris fin la guerre de 14-18.
Deux
thèmes sont liés au mythe de Saint Martin. Le partage
de son manteau et l’été de la Saint Martin.
Les
représentations de la “charité de Saint Martin” sont
nombreuses. Martin était un militaire hongrois qui faisait partie
du corps d’armée romain. Un jour, dans la froideur de novembre,
aux portes d’Amiens, il aperçoit un pauvre dénudé.
Il coupe alors on manteau en deux et lui en donne la moitié afin
qu’il puisse se couvrir.
Cet
acte charitable valu à Martin une punition pour avoir détruit
du matériel militaire. Il fut attaché nu à un poteau,
dans le froid pendant trois jours. Mais dès le début de cette
humiliation, le soleil réapparut avec les fleurs et la douceur,
ce qui lui permit de supporter aisément sa punition.
C’est
l’été de la Saint Martin. (que nous appelons faussement
et par snobisme l’été indien) C’est aussi le
dernier sursaut de l’été. Nous entrons maintenant dans
la période froide
Nous
pouvons remarquer que Martin est quelquefois représenté prêchant
sous un châtaignier duquel sont tombées les bogues et leurs
châtaignes. Les bogues éparses se présentent sous la
forme d’enveloppes piquantes (manteaux) lorsqu’elles tombent
de l’arbre, elles s’ouvrent en deux et symbolisent la coupure
définitive entre l’été et l’hiver. Le manteau
de Martin symbolise donc lui aussi le passage entre les deux régimes
météorologiques.
Le
jour de la Saint Martin, on mange l’oie et l’on fait bombance.
On allume aussi les feux pour l’hiver.
Deux
jours plus tard, ce sera la Saint Brice, le 13 novembre. Brice est
le frère ennemi de Martin. D’abord son disciple, il se révolte
et provoque bien des conflits. Les conteurs qui racontent “la jeune
fille sans main” ou “la fille aux mains coupées”,
doivent savoir que Martin et Brice sont, dans une certaine tradition, les
enfants de la fille au main coupée - Sainte Brigitte. Brice, appelé d’abord “Bras” se
promène avec le bras de sa mère en bandoulière.
Ensuite
vient la Sainte Cécile le 22 novembre. Elle est patronne des
musiciens. C’est une fête toujours bien vivante surtout dans
les campagnes où l’on trouve des fanfares de Sainte Cécile.
On
ne sait pas trop pourquoi elle patronne des musiciens rien dans sa “Passio” n’indique
quoi que ce soit sur sa “vocation” musicienne. Cependant, elle
est quelquefois représentée jouant de la harpe. Or, le 22
novembre est le jour du passage au signe du Sagittaire qui tient un arc
entre ses mains. Entre les cordes de l’arc et celles de la harpe,
il n’y a qu’un pas qu’on peut aisément franchir.
(Cf. J-C. Rey, “Donnez-vous votre saint quotidien”,
Credel)
Il
se pourrait que l’élection de Cécile au sommet de la
hiérarchie des musiciens vienne tout simplement de son nom qui signifie “cécité”. Étant
aveugle, ses oreilles prennent le relais. Sa vie n’indique pourtant
pas qu’elle fut aveugle.
Lors
de son martyre, dans sa salle de bain, le bourreau était si impressionné par
la beauté de sa victime qu’il rata trois fois son coup d’épée.
La loi voulait qu’après trois fois, on n’insista pas,
Cécile agonisa alors, pendant trois jours, dans la salle d’eau.
Elle est représentée avec trois blessures au cou.
Le 25
novembre fêtera Sainte Catherine d’Alexandrie, patronne
des jeunes filles. Par son martyre, elle préfigure le temps qui
vient. En effet, elle fut placée sur la roue pour y être
battue. Mais le feu du ciel vint briser la roue. Elle eut ensuite la
tête tranchée. Catherine est aussi patronne des philosophes
car c’était une femme d’une grande beauté mais
surtout d’un grand savoir. Elle conversait avec les grands savants
et argumentait parfaitement.
La
roue de Sainte Catherine va de pair avec la croix de Saint André au 30
novembre. Ces deux signes forment la roue du temps qui se met en mouvement
pour entrer dans la période de l’Avent et nous amener au 1
décembre, fête de Saint Éloi. On ne sait pas grand
chose sur Saint André sinon son amour immodéré de
la croix du Christ qui le porta à se faire crucifier sur une croix
en X, comme sur les rayons d’une roue.
Saint Éloi
est patron des orfèvres et un des patrons de tous ceux qui travaillent
dans la métallurgie. Il est aussi patron des forgerons, maréchaux-ferrants,
horticulteurs, cavaliers et chevaux. On le représente souvent en
train de ferrer un cheval en compagnie de son fils Oculli qui, un peu benêt,
avait coupé la patte d’un cheval pour la présenter à Éloi.
Celui-ci prit la patte, la ferra, puis, sans s’émouvoir, vint
la “recoller” au cheval. On lui consacre deux fêtes :
celle-ci et celle dite de Saint Éloi d’été au
25 juin, date à laquelle il aidera à “tourner” le
mouvement des pinces du cancer, à l'instar du soleil qui tourne pour se mettre à revenir dans l'autre sens afin de diminuer.
Cette
période de l’Avent est aussi le temps des feux sous-terrains.
C’est que la mère nature prépare déjà,
clandestinement, le printemps. C’est aussi la période des
alchimistes qui transforment la substance de notre mère la terre
afin de la métamorphoser en or. C’est le temps de ce qui “advient” afin
qu’apparaisse, au solstice, le SOLEIL INVAINCU.
Le 4
décembre, Sainte Barbe, (Barbare : étrangère)
que son père avait enfermé dans une tour, au milieu d’un
jardin-forteresse dans laquelle il avait placé de nombreuses idoles
païennes, sera, elle aussi une patronne des gens du feu : pompiers,
métallurgistes. On l’invoque contre la foudre.
Un
jour que son père était absent, elle se fit construire un
salle de bains avec trois fenêtres afin de symboliser la Trinité.
Puis elle la décora avec des croix. En rentrant, son père
qui n’avait pas apprécié, la dénonça,
comme chrétienne, au gouverneur. Elle fut condamnée à avoir
la tête tranchée. Son père demanda la faveur de pouvoir être
son bourreau. Ils montèrent sur une montagne au sommet de laquelle
le père trancha la tête de sa fille. En redescendant, il fut
consumé par la foudre.
Le 6
décembre, Saint Nicolas (Victoire du peuple) évêque
de Myra (aujourd’hui en Turquie)
Patron
des marins, sans doute en raison de ses nombreux rapports à la mer.
Patron des avocats car il tira d’affaires deux soldats condamnés à mort.
Patron des enfants car il ressuscita trois écoliers “mis au
saloir comme pourceaux”. Patron des alchimistes : le plus grand des
alchimistes s’appelait Nicolas Flamel.
Pour
se venger, des ennemis voulurent couvrir sa maison d’huile pour y
mettre le feu. Mais Nicolas s’aperçu à temps de la
menace et jeta l’huile dans la mer. Elle prit feu et l’eau
brûla longtemps.
Le 13
décembre, Sainte Lucie (Lumière) et Sainte Odile (patrimoine).
Aujourd’hui, Odile est honorée le 14, elle est patronne
de l’Alsace. Mais les deux saintes ont un rapport avec les yeux.
Lucie veux dire “Lumière”. Elle s’arracha les
yeux pour les offrir à l’amant qui voulait la posséder.
Odile était née aveugle et recouvra la vue en se faisant
baptiser.
C’est
donc la Sainte Luce, qui, autrefois, avant le passage du calendrier Julien
au calendrier Grégorien, était placée le jour de Noël,
d’où le dicton “à la Sainte Luce, les jours augmentent
du saut d’une puce.”
Nous
sommes toujours dans l’attente de la lumière de Noël
qui arrive au solstice d’hiver - en l’occurrence le 25 décembre
plutôt que le 21).
La
liturgie chrétienne évoque, pendant le temps de l’Avent,
des thèmes qui préparent l’arrivée d’un
sauveur : “Sortir du sommeil.” “La nuit s'en va.” “Le
jour approche.” “Aurore d'un monde nouveau.” etc.
Pendant 7 jours avant Noël, la liturgie Catholique propose une inversion du temps, comme s'il fallait que le temps s'inverse pour annoncer le temps nouveau proposé par la naissance et l'incarnation divine. 7 antiennes appelées antiennes d'O, seront lues à raison d'une antienne par jour. À condition de les lire à l'envers, telle une anagramme, les premières lettres de chaque antienne constituent la phrase "ero cras" : "demain, je serai là".
Tout
attend l’arrivée du “Sol invictus”(Soleil invaincu)
des romains et des adeptes du culte de Mithra. Au 4ème siècle,
l’Église plaça la naissance de Jésus au solstice
d’hiver afin de christianiser les festivités de Mithra, né,
lui aussi, d’une vierge, dans une grotte. Jésus est donc identifié au
nouveau soleil
Le 24
décembre à minuit est
témoin d’une inversion fabuleuse : Dieu se fait enfant.
De plus, il naît dans le ventre d’une vierge qui l’enfante dans la pauvreté.
Marie et Joseph ne trouvent pas à loger. On leur prête une étable
ou une grotte. Pour aider à l’accouchement, la tradition
veut qu’on soit allé quérir la servante : Brigitte.
Or, celle-ci n’avait pas de bras. Elle vint quand même et,
en récompense de son geste, ses bras repoussèrent.
Nous
entrons dans la période des 12 jours appelés “épagomènes”,
c’est-à-dire “supplémentaires”. Ils font lien
entre le temps de l’année lunaire (354 jours) et celui de
l’année solaire (365 jours). Soit, un laps de temps de 11
jours ou 12 nuits - ou encore de 12 nuits ou 13 jours, tout dépend
de la façon de les calculer.
Les
13 desserts que l’on déguste à Noël, en Provence,
ne sont sans doute pas étrangers à ces jours.
Ce
temps, hors du temps, sera considéré comme un temps d’inversion
pendant lequel tout ira à l’envers. Il nous mènera
jusqu’à l’Épiphanie, au 6 janvier, jour des Rois,
Noël orthodoxe, doublet exact de la fête de la nativité..
Il
est curieux que l’Église ait placé au 25 la fête
de Sainte Eugénie qui se déguisa en homme afin de vivre une
vie monastique. Son père était gouverneur de la province.
Attristé par la disparition de sa fille, il persécuta les
chrétiens. Pour diverses raisons, il fit arrêter les moines
du monastère où elle vivait. Celle-ci, devant le tribunal
et une foule nombreuse que présidait son père, déchira
son vêtement et montra sa poitrine afin qu’on découvrit
qui elle était. Cette ambiguïté se retrouve à une
autre date de “passage”, au 1 janvier, fête de
Sainte Euphrosine qui se déguisa aussi en homme afin de vivre religieusement
dans un monastère sous le nom de Smaragde. Son père inconsolable,
croyant que sa fille était morte, vint au monastère pour
y trouver du réconfort. On lui conseilla de s’adresser à Smaragde.
Il s’entretint avec elle durant 38 ans sans découvrir qu’il
s’agissait de sa fille. Puis elle mourut, mais avant de mourir, dénonça
son secret.
Avant
le 4eme siècle, l’Église ne fêtait pas la naissance du Christ.
Les églises orientales avaient une fête qui assemblait le baptême
de Jésus et les noces de Cana, son premier miracle : le 6 janvier. En
Égypte, le 6 janvier était la fête de l’Épiphanie d’Osiris.
Comme il était de mises en ces temps là, on christianisait les
fêtes dites “païennes” et l’épiphanie d’Osiris
devint Épiphanie chrétienne et visite des Mages.
Les
Romains avaient fixé le solstice d’hiver au 25 décembre
- premier jour des calendes de janvier - et fêtaient la renaissance
du “sol invictus”, soleil invincible. Ils invitaient les chrétiens à leur
joyeuse fête. C’est pour “récupérer” cette
fête païenne que, au 4ème siècle, l’Église
inventa la fête de la naissance de Jésus : Noël. Les
deux fêtes étaient, au début, en interdépendance.
Petit à petit, elles prirent leur indépendances et devinrent,
l’une la naissance de Jésus et l’autre la visite des
rois mages.
Quoi
qu’il en fut, elles sont les limites de cette période de “non-temps”,
jours épagomènes, jours d’inversion du temps qui se
remonte comme le ressort d’une horloge afin de repartir au 6 janvier
pour une nouvelle année. C’est sans doute à rapprocher
du temps de Chronos, dont parle Platon, où les gens naissaient vieillards
et mouraient bébés après avoir rajeuni toute leur
vie. De Noël à l’Épiphanie, on vit un peu à l’envers,
on fête les nuits et on dort le jour. On illumine tout et surtout
la nuit.
Dans
tous les cas, il s’agit bien de fêtes de la Lumière.
Le terme Noël, en allemand, signifie Neue Helle : nouvelle lumière.
Il n’a rien à voir avec une quelconque fête de la famille.
Le 26
décembre, Saint Etienne (Stéphane : petite couronne étroite).
Le nom de ce premier martyr de l’Église évoque l’étroitesse
d’un passage : c’est après ce passage difficile que le soleil
inverse sa trajectoire et commence à remonter. C’est le jour le
plus étroit de l’année, à la fois sphincter et passage
sacré et initiatique à partir duquel la terre va, petit à petit,
retrouver sa fécondité et sa végétation (son aspect
velu et oursin). (La couronne est, en substance un lieu de passage.
C’est l’instrument que l‘on place sur la tête des rois
afin qu’ils puissent remplir leur rôle d’intermédiaire
entre le ciel et la terre.
L’angoisse
du passage solsticial hivernal réside dans la peur de la disparition
définitive du soleil et l’augmentation du royaume du noir
(du démon), alors que le passage estival de juin engendre la peur
de l’embrasement de la terre à cause du manque d’humidité.
Saint
Jean, au 27 décembre fera pendant au Jean d’été (le
Baptiste). Il s’agit de l’Apôtre, celui des noces de Cana,
qui pria la Vierge d’intercéder auprès de Jésus
afin de changer l’eau en vin.
C’est
le Jean “glabre”, en opposition, six mois plus tard au Jean “velu” d’été,
gardien de l’humidité grâce à sa toison. Il faut
remarquer que la terre d’hiver est glabre, sa végétation étant
rasée.
Le 28
décembre, la fête des Innocents commémore le
massacre des enfants par Hérode qui recherchait Jésus.
On lui avait fait remarquer qu’un enfant était né et
qu’il le détrônerait.
C’était
aussi une fête de l’inversion des pouvoirs, fête des
fous, jour où les enfants étaient maîtres, élus
rois de confréries de fous. Ce jour là, dans certaines villes
de France, on disait des messes à l’envers en commençant
par l’Ite missa est. Les textes chantés étaient scatologiques
et grossiers.
Certains
enfants pouvaient être élus dès la Saint Nicolas au
6 décembre. Ils avaient de réels pouvoirs, y compris celui
de prélever quelques impôts.
Cette
fête faisait pendant aux Saturnales romaines, jour d’inversion
des pouvoirs où les maîtres, pendant une journée, étaient
au service de leurs esclaves.
Ces
rituels d’inversion existent encore en Inde aujourd’hui.
Le 31
décembre sera la fête de Saint Sylvestre (Sylva : la forêt),
dernier jour de l’année civile précédent le 1er
janvier, fête de la circoncision de Jésus et marquant métaphoriquement
la coupure et le passage au mois de Janus (janvier). Janus est un dieu bi-front,
il est représenté avec une tête tournée vers l’année
qui s’achève alors que l’autre tête se tourne vers
la nouvelle année : c’est l’ancien dieu du Temps mais
aussi des passages.
Au 1
janvier se trouve la fête de la circoncision de Jésus. Coupure
corporelle, métaphore de la coupure du temps au passage d’une
année à l’autre.
La
fin des jours épagomènes de l’inversion est marquée
par l’Épiphanie (Noël des orthodoxes) au 6 janvier. Ce jour là, des rois se prosternent
devant un enfant (inversion des pouvoirs).
C’est
le jour de la galette. Dans cette galette, on place une fève (aliment
flatulent et pourvoyeur de souffle et donc de fécondité)
et l’on découpe en parts égales. Le plus jeune de l’assemblée
passe sous la table et le maître de maison chante “fébé Domine,
pour qui cette part ?” “seigneur fève, pour qui cette
part ?” Celui qui aura la fève sera élu roi grâce
au souffle de sa fécondité.
Cette
période d’inversion se prolonge en inaugurant la préparation
du printemps. Quelques fêtes vont jalonner le mois de janvier. Le 17,
Saint Antoine ermite,
patron des mélancoliques qui, aujourd’hui, dispute la journée
avec Sainte Roselyne, une des patronnes des menstrues (les roses). Le 20 janvier, Saint
Sébastien, (vénérable) patron des archers présente
son corps meurtri, percé de flèches, représenté souvent
attaché à un poteau et surélevé comme l’est
le coq des confréries archetières et qu’il faut abattre pour
devenir roi annuel des archers. Après Sainte Agnès, (la pure) au
21, le 22 janvier, Vincent, (Victoire)
patron des vignerons et... des ivrognes, est largement fêté aujourd’hui
dans toute la France, sans doute en raison de son nom qui rassemble le “vin” et
le “sang”.
Puis,
le 25 janvier, la conversion de Saint Paul voit, traditionnellement
le début de la bataille des vents de printemps. Du côté de
la ville de Saint Dizier, des groupes vont encore, à minuit, sur
une certaine colline, planter une girouette et mesurer les vents de l’année.
La conversion de Saint Paul est une belle métaphore du tissage des
vents printaniers. Saint Paul était lui-même tisserand et
d’une certaine manière, “convertissait” les fils
qui servaient à fabriquer des tentes pour les militaires.
L’entrée
dans ce temps très venté nous amène à un cycle
d’une douzaine de jours qui commencera à la Chandeleur,
le 2 et se terminera à la Saint Valentin, le 14. C’est
une période où les souffles fécondent la terre. Il
faut dire que, le capricorne (comme son opposé à six mois
: le cancer) ouvre la porte du ciel et propose aux âmes qui remontent
des enfers de continuer leur voyage vers le ciel. Ces deux périodes
sont symbolisées sur les armoiries du Pape avec deux clefs qui se
croisent. Le pape est appelé Pontife : celui qui établit
des ponts entre le ciel et la terre. Il est gardien des deux portes.
Dans
la tradition, la porte de janvier-février est appelée porte
des dieux et la porte de juillet-août est appelée porte des
hommes.
Cette
période est marquée au 1er février par Sainte
Brigitte, une des patronnes des enfants. Ce n’est pas Sainte Brigitte
de Suède qui, elle, est fêtée le 23 juillet. Il s’agit
de Brigitte de Kildare, qui n’est pas sans parenté avec la
grande déesse Irlandaise : Birgit. Elle avait aussi la spécialité de
discuter avec les animaux. Mais n’entrons-nous pas dans la mouvance
et l’animalité fécondante ?
Depuis
la réforme du calendrier, en 1969, on y a mis Sainte Ella, une anglaise.
Ce n’est même pas Sainte Ella de Wintherthur qui mourut dans
un éclat de rire. Ca s’imposerait pourtant en cette période
féconde.
C’est
que le lendemain, 2 février,
jour de la Chandeleur, il est de tradition que l’ours sorte de son
hibernation.
Le
2 février est appelé CHANDELEUR,
en souvenir des chandelles qui ont marqué la vie de Saint Blaise
(3 février). Une veuve avait un pourceau qui fut enlevé par
un loup. Le saint ordonna au loup de rendre le pourceau à la femme.
Lorsque Blaise fut arrêté et mis en prison, la veuve tua le
pourceau et apporta au prisonnier la tête, les pieds de l'animal,
ainsi que du pain avec une chandelle. Blaise promit le bonheur à tous
ceux qui, chaque année, offriraient une chandelle à une chapelle
qui porterait son nom.
Mais
il faut noter que la Chandeleur porte aussi deux autres noms : La “présentation
au temple” et la “purification”.
La
fête de la Purification est célébrée
40 jours après la Noël, soit, environ une lune et demie, temps
d'une conversion, ce qui donne à la quarantaine valeur de changement
radical.
Selon
les lois juives, une femme qui a enfanté un fils est impure pendant
7 jours. Il lui reste alors 33 jours avant de pouvoir entrer au temple
pour y présenter son enfant et se laver de sa souillure. (Cf. La
Légende dorée - Jacques de Voragine - p. 188 et 196 - GF
Flammarion 1967)
Parmi
les appellations populaires des règles féminines, il en est
une qui s'applique bien au 2 février : les OURSES. Les "souillures" féminines
ont un statut global incluant à la fois les eaux de la parturition
et le sang menstruel. Le jour de la Purification célèbre à la
fois l’élimination des eaux et la sortie du sang menstruel.
Le terme “ourse” désigne, sous forme de condensation l’eau
impure, le sang cataménial et l’ours qui termine son hibernation.
Car c'est ce jour où, pour la tradition, l'ours sort de son hibernation.
(Curieusement, un Saint Ours est fêté le 2 février) De
son séjour dans les régions infernales il ramène avec
lui - dans son ventre - les âmes des
morts. (Cf. Cl. Gaignebet “A plus hault sens” Maisonneuve et
Larose)
Il
les lâchera grâce à un pet obligé qui lui chasse
le bouchon anal. Bouchon formé par sa longue hibernation accompagnée
de fermentation intestinale.
Mais
si la lune est blanche, il se gardera de péter. En effet, un des statuts
de la lune est d’être psychopompe (conducteur d’âme
ou encore, selon l’étymologie populaire : pompe à âme),
elle attire les âmes pour les projeter ensuite vers les ciels supérieurs,
mais elle n’attire les âmes qu’en lune montante. Libérer
les souffles en lune descendante les oblige à errer avant le travail
lunaire du cycle suivant, c’est-à-dire au moins 14 jours plus
tard. Tout cela est bien dangereux pour les vivants.
Si
la lune est noire (nouvelle lune qui commence à être montante),
alors l’ours fait son office de libérateur des âmes
mais aussi des vents de printemps.
Les
humains ont tout intérêt à ce que la lune soit noire.
Si elle est blanche au 2 février, c’est que le printemps n’est
pas là. Si elle est noire, les “âmes-souffles du printemps” peuvent
alors se répandre, féconder la terre, et remonter vers le ciel
grâce aux efforts conjugués de la lune et des rituels de carnaval.
C’est
pourquoi, le 2 février, en même temps qu’un rituel de
grimage noir ou blanc (au bouchon), les gens fabriqueront une pâte
de couleur lunaire qu’il feront cuire dans une poële ronde. Tout
en ayant en poche un symbole de la fécondité (Louis d’or)
ils retourneront l’image de la lune afin de la faire noircir et, magiquement,
faire venir le printemps : ce sont les crêpes de la Chandeleur.
C’est
véritablement le jour des femmes. Dans certaines régions
de l’Espagne, on trouve encore un rituel qui permet aux femmes de
passer le tablier de cuisine à leurs maris et, pendant que l’homme
endosse le rôle de gardien de la maison, elles envahissent les cafés,
boivent, chantent et dansent jusqu’au soir. (Candelaria)
Le 3
février, Saint Blaise (“souffle” ou “loup”)
marquera l’acmé dans le rôle des vents. Ce jour là,
les paysans, ayant assisté à la messe, emporteront des cierges
de Saint Blaise et marqueront par la flamme les poutres des étables
où séjournent leurs bêtes. Cela, afin de les protéger
des maladies pour toute l’année.
Le 4
février, Sainte Véronique (“qui porte la victoire” ou “image
vraie”) rappellera, elle aussi, l’importance des signes de
la fécondité. C’est une patronne des menstruées.
De même qu’elle est patronne des photographes parce qu’elle
a essuyé le visage de Jésus pendant sa passion. Visage
qui est resté marqué sur le tissus.
Le 5
février, Sainte Agathe (la bonne) est une des patronnes de
l’allaitement et des enfants. Lors de son martyre, on lui a coupé les
mamelles. Mais avec la grâce Dieu, elles lui ont été restituées.
La
période de fécondité trouvera un point d’orgue
au 14 février, jour de la Saint Valentin. On ne sait pas trop
pourquoi Valentin est patron des amoureux mais, traditionnellement, c’est
le jour où les oiseaux s’accouplent. Des paysans de la Marne
m’ont assuré que c’est le premier jour de l’année
où l’on entend chanter les oiseaux le matin.
Ce
qui vient de se passer inaugure l’arrivée du printemps.
La
quarantaine qui suit est à référer au cycle lunaire
: Pâques et les 40 jours précédents qui forment le carême.
(“carême” signifie “quarante”) Pâques étant
une fête mobile, le temps qui la sépare de la Chandeleur est
variable. Théoriquement, le 2 février pourrait être la “clef
antérieure” du mardi Gras. (début du carême) Les
termes “clef antérieure” ou “clef postérieure” s’appliquent
aux dates des fêtes mobiles et désigne la première ou
la dernière date possible. Mais Mardi-gras, (carnaval) dépend
de la quarantaine qui s’inscrit juste avant la fête de Pâques.
Il dépend donc aussi de la première pleine lune de printemps.
Les âmes
qui viennent de sortir des enfers, avec l’aide de l’ours, errent
en attendant leur remontée vers le ciel. CARNAVAL qui vient
juste avant Carême, peut être considéré comme
la fête qui aide les morts à quitter ce monde pour s’en
aller vers le septième ciel, celui de Saturne, au-delà duquel
elles trouveront le repos.
C’est
une fête pendant laquelle les évocations rituelles des “souffles” sont
nombreuses. On prête des masques aux morts afin de leur assurer un
corps de substitution. Les souffles (les âmes) animent ces corps
provisoires et sont appelés à regagner leur patrie d’origine.
S’il n’y a pas de carnaval sans masques, il n’y a pas
non plus de Carnaval sans musique. Les instruments à air, comme
les tambours, représentent la vibration des âmes.
Dans
certains carnavals, des personnages que l’on appelle des “soufflaculs”,
portent des bonnets en forme de coqs (coqueluchons). Ils portent à la
mains des “follis” (soufflets d’âtre) et s’ingénient à faire
circuler les souffles pour qu’ils puissent remonter au ciel grâce
au chant du coq. Ils dansent à la queue-leu-leu, et chacun danse
en plaçant le follis dans le fondement du danseur qui est devant
lui. Tous chantent des chansons obscènes.
Carnaval
est une fête pendant laquelle on mange des aliments flatulents :
viandes, saucisses, andouilles, etc. Ces aliments provoquent la circulation
des souffles.
Il
faut rappeler que les anciens avaient, de l’âme, une idée
plus concrète que nous. Elle était située dans le
grand axe corporel qui va de la bouche à l’anus. Sans elle,
plus rien ne pouvait plus fonctionner dans le corps humain. C’est
par la bouche que nous “empruntons” notre âme à notre
naissance et c’est pas la bouche que nous la “rendons” à notre
mort. Mais pendant la vie, l’âme (les souffles) circule et
s’exprime dans les différents souffles corporels : paroles,
chants, rots, soupirs, pets, menstrues et émissions spermatiques
etc.
Février
signifierait “purification”. On se purifie des miasmes de l’hiver,
les souffles purifient les conduits tout en fécondant la terre. Carnaval
signe le nouveau printemps en honorant les morts qui reviennent, qui passent
et qui remontent. On brûlera le bonhomme Carnaval en le chargeant de
tous les péchés de la communauté.
Si
la Chandeleur et Carnaval marquent le début du printemps Celte, 40
jours plus tard, la fête de Pâques marquera le début du
printemps Chrétien. Un autre personnage (Jésus) sortira lui
aussi de sa caverne (son tombeau) et annoncera le renouveau et la fécondité de
la terre.
Nous
avons là un bel exemple de syncrétisme qui ne s’inquiète
pas de l’appartenance des thèmes à une ou l’autre
religion mais qui les assemble selon une logique bien plus pragmatique.
Pâques
marquera aussi la fin de la grande période des morts, qui commence
au début de novembre avec Hallowe’en, Toussaint, Morts et
Saint Martin.
Le
mois des purifications est plus court que les autres, il se termine le 28,
jour de la Saint Auguste. (c’est aussi la Saint Romain) Lors
des années bissextiles il se termine le 29 et la Saint Auguste se
fête ce jour là. Il est le seul saint mobile. Comme le temps
doit sans cesse être “remis en ordre”, tous les 4 ans,
dans notre calendrier, nous rajoutons un jour afin de ne pas faire prendre
de retard à l’année.
Jean-Claude
Rey (Donnez-vous votre saint quotidien - Crédel) raconte l’histoire
de février. Au temps où les mois avaient 30 jours, Février était
jaloux de Janvier qui ouvrait l’année. Il lui faucha donc un
jour pour devenir le mois le plus long, mais il perdit un jour au jeu et
Janvier en eut un de plus. Février tenta de se rattraper en jouant
un jour avec Mars, et perdit à nouveau... Février n’avait
plus que 28 jours. Furieux, il jura que s’il était le mois le
plus court, il serait aussi le mois le plus dur... Bien plus tard, on s’aperçut
qu’il restait 5 jours dont un à Février qui, compte tenu
de sa mauvaise humeur n’en disposerait que tous les 4 ans... Ce qui
ne l’a pas rendu plus doux pour autant.
Il
fut un temps ou le 1er mars, Saint Aubin, marquait la nouvelle année.
Mars
nous emmène vers l’équinoxe de printemps que nous plaçons
au 25.
C’est
le temps du carême qui, liturgiquement, se déroule d’un
dimanche à l’autre (bien que les dimanches ne fassent pas partie
du carême) La mi-carême voit resurgir un sursaut de Carnaval.
Passant par la Saint Patrick (17 mars) la Saint
Joseph (19 mars),
la Saint Benoît (21 mars) l’équinoxe
amènera l’égalité entre les jours et les nuits.
On dit qu’à l’équinoxe de printemps, à minuit,
l’âne brait. Parce qu’il est animal diabolique, il est
désespéré de voir que la lumière est en train
de gagner sur les ténèbres.
C’est
que le 25 mars est le jour de l’Annonciation. Avant Vatican II, le
24 était la fête de l’archange Gabriel (“le fort”,
placé aujourd’hui au 29 septembre avec saint Michel) Le 25,
Gabriel apparaît à Marie et lui annonce qu’elle concevra
Jésus. (par l’oreille - Il existe, à Würzburg, en
Bavière, un tympan de portail de la Marienkapelle qui représente
l’Annonciation et la conception de la Vierge : un long tuyau sort de
la bouche de Dieu le Père et descend jusqu’à l’oreille
gauche de Marie)
Le
jour de la conception de Jésus, les rapports charnels sont interdits.
Le risque est de faire naître un enfant le 25 décembre, puis
de le faire mettre en croix le 25 mars suivant !!!
C’est
aussi, traditionnellement, le jour anniversaire de la création du
monde. Ce n’est sans doute pas pour rien que l’Église
propose aujourd’hui d’honorer la patriarche Melchisédech
dont on vante l’ancienneté et la longévité.
Le
jour des Rameaux amène la semaine sainte. Le vendredi saint commémore
la mort de Jésus sur la croix. Les chrétiens ont “fait
carême”, ils se sont purifiés et se sont préparé à “faire
leurs Pâques”.
En “mangeant” le
corps du Christ, les chrétiens se font “tombeau”. Ils
reçoivent Jésus dans leur corps. Il existe toute une littérature
au sujet de la communion et de l’ingestion de l’Hostie, depuis
la bouche jusqu’à l’estomac, qui lui, est considéré comme
un enfer. (Cf. L’enfer et le fantasme de l’hostie , Piero
Camporesi - La force des idées - Hachette 1987)
En
outre, la fête de Pâques permet au Christ de ressusciter et
de sortir du tombeau. Le thème fondamental du christianisme est
la résurrection de Jésus. Si l’on ne croit pas à ça,
on ne peut pas être chrétien.
Pâques,
fête centrale dans la liturgie catholique est celle où il
faut être joyeux et rire.
Le
rire force à ouvrir la bouche, donne la voix (la voie) pour le chant
et permet de laisser sortir la “parole fécondante”. Le
rire est infernal, il est signe de la sortie des enfers. C’est une
perspective printanière. (Même les non-chrétiens disposeront
des oeufs - symboles de fécondité - dans les jardins, afin
que les enfants les découvrent) De
plus, le prêtre en chantant l’alleluia de Pâques sur trois
tons successifs, constitue l’échelle musicale (la musique des
sphères) qui favorisera la remontée au ciel de Jésus.
Chez
les Romains, avait lieu, à ce moment, la fête des Hilaries
(Hilares) en l’honneur d’Atys. C’était une fête
où le rire était roi.
Dans
les pays de l’Est, Pâques est une date possible pour la déshibernation
de l’ours.
On
pourrait considérer que le Christ est le dernier des “revenants” des
enfers. Il est descendu aux enfers où il a réenchaîné les
démons puis remonte vers le ciel.
Nous
nous dirigeons vers la période d’été. Mais les sursauts
de l’hiver sont loin d’être terminés. Les 23 avril,
avec la Saint Georges,
commence la période des “Cavaliers” du froid. Sortes de Saints
de glaces qui risquent fort de geler les pousses. C’est aussi le temps
de la lune rousse. Il fait souvent assez froid à la fin du mois d’avril.
Les
cavaliers sont : Georges, (23) Marc, (25) Vital, (28) Eutrope,(30) Philippe
(1 mai) et la Sainte croix. (3) Quelquefois,
on va jusqu’à Saint Jean Porte Latine. (6)
C’est
vers cette période qu’aura lieu la fête mobile des trois
jours des Rogations (Rogare : prier) On partira en procession, dans les
campagnes, pour demander en chantant, la protection du monde agricole.
Georges,
qui a été destitué par le concile de Vatican II, est
pourtant un saint que l’on continue de fêter surtout dans le
monde orthodoxe. Il faut dire que, dans son histoire, il fut cavalier sauvant
une jeune fille de la gueule d’un dragon.
Le
1er mai, fête de Saints Philippe et Jacques le mineur, est l’ancienne
fête Celte de Beltaine. Fête
du soleil et passage à l’été. C’est aussi
la fête des sorcières : les Walpurgis. Il est dangereux
de sortir la nuit du 30 avril au 1er mai car les sorcières rôdent. On
offre le muguet qui est une fleur vénéneuse et qui sied aux
sorcières. Fêter le travail n’est pas une tradition, l’idée
est née au États-Unis en 1889 et la fête a “émigré” en
Europe en 1890 mais elle ne sera officialisée qu’en 1947. Il
se pourrait que ce thème disparaisse dans quelques années.
Nous
sommes aussi le jour de la fête de Sainte Walburge (même mot
que “Walpurgis”) qui avait pour don d’éloigner
les chiens enragés.
Le
mois de mai est le mois des rituels de luttes contre les dragons (cf. le
Doudou de Mons - Belgique) mais c’est aussi la période où l’on
désigne les “rosières”, jeunes filles vertueuses
qui préfiguraient - avec un sens plus “spirituel” -
les “miss” d’aujourd’hui. A Orléans, la
rosière vertueuse et méritante s’appelle désormais “Jeanne
d’Arc”. L’élection des rosières est d’invention
récente.
C’est
aussi le jour où l’on plantera un arbre qui pourra être
l’axe du monde autour duquel la jeunesse dansera.
“C’est
le mois de Marie, c’est le mois le plus beau, ouvrez vos paraplui-e,
il va tomber de l’eau.” Attention, on ne fait pas d’enfants
en mai. Dans les Balkans on dit que “mai est le mois des amours
des ânes“.
Ovide écrivait
: “Que les vierges et les veuves se gardent bien d’allumer
dans ce mois les flambeaux de l’hyménée. Ces flambeaux
se changeraient bientôt en torches funèbres.”
Bien
sûr, les enfants naîtraient en carnaval au contact des âmes
des morts, ça risquerait de faire des changelins. (raptés
par les démons, les enfant sains sont remplacés par des enfants
handicapés)
On
disait aussi que les petits chats nés en mai étaient dévorés
par les matous et que les cochons qui naissent crèvent ou deviennent
fous.
C’est
aussi le mois où l’on trouvera, 40 jours après Pâques,
l’Ascension, puis, 10 jours plus tard, la Pentecôte, commémorant
la descente de l’Esprit sur les apôtres sous forme de langues
de feu. Le temps de Pentecôte - fêtée avec magnificence
au Moyen-âge, quand elle durait parfois 8 jours - est celui des jeux
et des tournois.
Mais
le 1er mai est aussi la Saint Marcoul (ou Marcolfe) qui, au 5ème siècle,
donna aux rois de France la vertu de guérir des écrouelles.
Il est d’ailleurs invoqué pour toutes sortes de maladies de
peau. On le prie aussi (avec Saint Cloud) pour guérir des excroissances.
Le plantain, utilisé contre les plaies scrofuleuses est appelé aussi “herbe
de Saint Marcoul”.
Il
a un rapport avec les grenouilles. Je ne résiste pas à vous
communique cette histoire racontée dans un manuscrit du XIIème
siècle de la Bibliothèque Nationale :
“Lorsque
Saint MarcouI rentrait dans sa patrie, il y eut, chemin faisant, un miracle
que je ne puis passer sous silence. Le saint homme, en traversant le diocèse
de Bayeux, s’arrêta dans un oratoire situé sur la voie
pour y célébrer le saint sacrifice. Près de là était
un étang vaste et profond, rempli de limon et de fange, et dans lequel
se trouvait une grande quantité de grenouilles. Le bienheureux étant
monté à l’autel pour y célébrer les saints
mystères, les batraciens criards se mirent à faire entendre
une clameur telle que le saint homme en fut troublé. Supportant ce
bruit avec peine, il fit signe à un de ses ministres, nommé Cariulphe
d’ordonner aux grenouilles de cesser leur tumultueux coassement. Le
disciple du saint s’approcha alors du marais et, plein de confiance
dans la force d’en haut, plein d’assurance dans la sainteté de
son maître, se mit à élever la voix en disant “Êtres
bavards et importuns, mon maître vous commande à tous, sans
exception, de garder le silence, afin que désormais vos chants ne
puissent le troubler”.
“O
Merveille ! Aussitôt que ces petites bêtes eurent entendu l’ordre
du bienheureux, elles gardèrent un si profond silence qu’on
eût pu croire qu’elles étaient mortes. Le bienheureux
Marcoul ayant achevé les saints mystères, monta sur son petit âne
et, suivi de ses deux disciples, continua sa route. Il avait à peine
parcouru deux milles, qu’il se rappela ce qu’il avait ordonné. “Arrêtez
le pas, dit-il à ses frères nous avons oublié de rendre
aux bestioles ce que nous leur avons enlevé, c’est-à-dire
le langage que Dieu, par sa puissance suprême, a naturellement donné à,
leur espèce. Qu’un de vous retourne à l’étang
et leur commande au nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ, de reprendre
leur chant accoutumé.”
“En
entendant ces paroles, Cariulphe, le serviteur de Dieu toujours disposé à obéir
aux ordres de son maître, retourne aussitôt sur ses pas.
Arrivé au marais, il retrouve les grenouilles conservant un calme
profond, et comme nulle d’elles ne faisait entendre aucun son,
il leur dit “Comme mon maître t’a ordonné le
silence, quand ton coassement le troublait pendant les saints mystères,
maintenant il t’ordonne, ô grenouille, de reprendre selon
ton usage ce qui appartient à ta nature. Chante donc, ô petite
raine, chante et ce que tu as perdu pour un temps, par la permission
de Dieu, recouvre-le puisque l’autorisation t’en est donnée”.
Et les grenouilles se remirent à coasser de plus belle.
Cette histoire est aussi celle de Sainte Ulphe d'Amiens. (23octobre).
Au
premier mai, mois des “accordailles”, les jeunes gens vont “esmayer” les
jeunes filles. Il vont planter un “mai”, une branche d’arbre
devant la porte de celles à qui ils ont un “message” à communiquer.
Il va sans dire que le genre d’arbre choisi est en rapport avec la
réputation de la fille et avec ce qu’on veut lui dire. La branche
de charme n’a pas de rapport avec celle de sureau qui, traditionnellement,
est l’arbre auquel Judas s’est pendu.
Les
11, 12 et 13 mai, ce seront Saints Mamert, Pancrace et Servais. Ce sont les
vrais Saints de glace. Une fois passé ce dernier sursaut de l’hiver,
on peut commencer à planter. L’été est là.
Au
12 mai, on trouve Saint Pancrace à qui un empereur coupa la tête
: il avait 14 ans.
On
l’appelle aussi : Crampas ou Cranpace ou Plancart ou Blancat ou Planchas
ou Planchais ou Brachs ou Branchais ou Blanchars ou Blancé. En Normandie,
on l’appelle Planchers.
Il
fait partie des Saints de glace :
“Les
trois Saints au sang de navet, Pancrace, Mamert et Servais sont
bien nommés les Saints de glace, Mamert, Servais et Pancrace.”
Le
15 mai fête une sainte Belge : Sainte Dymphe,
que l’on honore dans la ville de Gheel, non loin d’Anvers, en
Belgique. Gheel est la première ville qui fut et qui est toujours
une institution psychiatrique. Les malades y résident en milieu ouvert.
Les
conteurs verront en Sainte Dymphe le modèle de la jeune princesse
de peau d’âne. Sa mère était morte. Son père
en ressentait une grande douleur. Avant de mourir, sa femme lui avait fait
promettre que, s’il se remariait, il n’épouserait qu’une
femme aussi belle qu’elle.
Le
père envoya ses messagers dans toute la contrée. Ils revinrent
avec la conclusion qu’aucune femme du royaume n’égalait
la fille du roi en beauté. Par conséquent, il lui conseillèrent
d’épouser sa fille Dymphe.
Mais
Dymphe s’enfuit vers la Belgique avec son vieux directeur de conscience,
Géréberne. Le père les poursuivit et décapita
lui-même sa fille.
Plusieurs
saints de mai illustrent ce mois fleuri. Arrivons donc, après Saint
Pascal et Saint Brendan au 17, à Sainte
Rita au 22. Sainte Rita (diminutif
de Marguerite) est patronne des causes désespérées.
Elle est surtout invoquée pour se protéger des maris fâcheux.
Elle
avait épousé un mari qui devint un assassin puis se fit
assassiner. Ensuite, ses deux fils prirent la même voie en voulant
venger leur père mais ils se firent tuer à leur tour. Une
fois son mari et ses deux fils morts, elle voulut se consacrer à Dieu
au couvent Sainte Marie-Madeleine à Cassie. Comme on n’y acceptait
pas les veuves, elle fut refusée par trois fois. Mais quelques saints
vinrent à son secours et la transportèrent de nuit au milieu
du cloître. Après ce miracle, on fut bien obligé de
l’accepter.
Dieu
lui fit don d’une couronne d’épine qu’il posa
sur sa tête. Cela fit une blessure qui n’arrêtait pas
de s’infecter et de répandre une odeur de putréfaction.
Un jour, les religieuses décidèrent de partir en voyage à Rome.
Mais Rita ne pouvait être du voyage en raison de sa puanteur. Elle
pria Dieu qui l’exauça en guérissant ses plaies. Elle
pu donc accompagner ses soeurs à Rome. Au retour, les plaies se
rouvrirent.
Sainte Pétronille (la
fille de Saint Pierre) est fêtée au 31 mai. Sainte Pétronille
est éminemment observée pour le temps car “elle trempe
ou non une guenille”. Elle était
paralysée et passait tout le temps au lit. Un jour, un hôte
de passage reprocha à Pierre de ne pas la guérir, lui qui était
si saint et chef de l’Église. Pour prouver qu’il en avait
le pouvoir, Pierre commanda à Pétronille de venir servir à boire.
Elle se leva et vint servir à table. Puis elle se recoucha à nouveau
paralysée. Pierre voulait qu’il en soit ainsi afin qu’elle
atteigne plus facilement la sainteté.
Claude
est au 6 juin, Saint Médard et
son frère jumeau Saint Godard au 8 juin.
S’il
pleut à la Saint Médard, il pleuvra 40 jours plus tard à moins
que Saint Barnabé (11 juin) ne lui coupe le nez (ou l’herbe
sous le pied)
Le
soleil va monter jusqu’au 24 juin à minuit, jour où,
anciennement, on plaçait le solstice d’été.
C’est la Saint Jean-Baptiste, moment où le soleil commence à descendre. "Il faut qu'il croisse et que je diminue", Jean, 3:30.
Mais son éclat
est loin d’être déjà terni. Nous allons bientôt
entrer dans la période de Canicule qui par son ardeur aidera à raser
les poils de la terre (la végétation). Ce sera la période
où le chien caniculaire aboiera de toutes ses forces et où le
lion solaire zodiacal rugira de tous ses feux. Le lever héliaque
de Sirius (la Canicule, le chien) faisait penser qu’à partir
du 21 juillet, il y avait 2 soleils dans le ciel. Sirius est, en effet,
l’étoile la plus brillante du ciel. Elle se lève avec
le soleil, et l’accompagne pendant toute la journée à partir
de cette date, cela pendant environ un mois. Dans les croyances populaires, c’était la raison pour
laquelle il faisait si chaud.
La
Saint Jean marque les jours les plus longs et l’angoisse de voir la
terre s’embraser sous une chaleur torride. Il est nécessaire
de prier ceux qui peuvent nous sauvegarder de ce fléau. Jean-Baptiste est de ceux-là, il
a un rapport clair avec l’eau. Non seulement
il porte une épaisse toison mais il baptise. C’est d’ailleurs
pourquoi il est le patron de ceux qui plantent des asperges : “asperges
me Domine”. La culture des asperges se termine à la Saint Jean.
Le
jour de sa fête, on mariera l’eau et le feu. On dressera des
bûchers mais aussi on prendra des bains. Sur les bûchers, on
jettera des plantes en faisant des voeux et le jeunes gens sauteront le
plus haut possible au-dessus des feux pour faire advenir la fécondité.
La
nuit du 24, avant le lever du jour, on cueillera des plantes dites de la
saint Jean pour en faire des onguents : la sauge, l’armoise, la verveine,
la fougère mâle et bien d’autres.
Après
avoir pris un bain - de minuit - on gardera de l’eau dans une bouteille
afin de se protéger des maladies.
Les
bains sauvent la terre de l’embrasement. D’autres saints, un
peu plus tard, prendront le relais de cette sauvegarde.
Le 25,
Saint Éloi et ses tenailles (à l’image du cancer)
marquera la rotation du soleil qui inversera son trajet. Le 29, Saint
Pierre, le pêcheur, se présentera quasi comme un doublet
de Saint Jean. Il arrosera la chaleur d’humidité bienfaisante.
On dit que Saint Pierre “noie son poisson”.
Sautons
au 20 juillet, Saint Élie,
prophète, maître de l’humidité et de la sécheresse.
L’Évangile présente Jean-Baptiste comme le “nouvel Élie”.
Mais c’est aussi Sainte Marguerite d’Antioche qui paraît
depuis peu, sur le calendrier des postes sous le nom de Marine. Marguerite
et Marine sont les mêmes noms : Mar-gharita : perle marine. En fait,
elle a été enlevée du calendrier par Paul VI parce que
son histoire est trop légendaire. Elle fut aimée par le gouverneur
de sa province : Olibrius. Mais elle se refusa à lui. Furieux il la
tortura et la fit frire dans l’huile. Mais c’est bien connu,
ce genre de martyre n’atteint pas les saints. Elle en sorti donc vivante.
Dépité, Olibrius la mit en prison. Le diable lui apparut alors
sous forme de dragon et la dévora.
Voilà
donc Marguerite dans le ventre du dragon. Heureusement, elle avait une croix dans sa poche. Elle s’en servi pour percer les flancs du dragon
et parvint à sortir. En désespoir de cause, Olibrius lui
fit couper la tête. Avant de mourir, Marguerite annonça que
si les femmes enceintes la priaient, elle intercéderait pour elles
auprès de Dieu. Elle devint alors patronne des femmes enceintes.
Lorsqu’une
future mère devait accoucher, un aide accoucheuse répétait
sans cesse l’histoire de Marguerite sortant du dragon. L’enfant
sortait alors plus aisément du ventre de sa mère.
Il
n’y a pas si longtemps, à l’église Saint Germain
des prés, à Paris, il y avait un culte à Sainte Marguerite
- qui semble aujourd’hui avoir fait place à Sainte Rita ?
- Les femmes enceintes processionnaient en s’entourant de ceintures
dites de Sainte Marguerite - que l’on peut encore trouver aujourd’hui
dans certaines églises. La rue du dragon qui se trouve à 200
mètres de l’église évoque le dragon de Sainte
Marguerite.
Les
rapports de Sainte Marguerite avec les eaux est clair, en référence
aux accouchements.
Le
22 juillet fête Sainte Marie-Madeleine qui
lava les pieds de Jésus avec ses cheveux mouillés des larmes
de son repentir. Elle émigra ensuite vers la France où elle
parvint aux Saintes Marie de la Mer. De là, elle se dirigea vers la
montagne de la Sainte Beaume où elle résida dans une grotte
au pied du saint Pilon.
Le
25, Saint Jacques et Saint Christophe sont
des passeurs. Christophe a été supprimé depuis Vatican
II, sans doute parce son histoire est particulièrement mythique. Il
est, en effet, associé au géant Gargantua. Dans sa légende, il passe le fleuve
avec un enfant sur les épaules. Cet enfant se révèle être
le Christ. (cf “La légende Dorée” - Jacques
de Voragine - Garnier Flammarion 2 Vol.) Il est invoqué pour la bonne
mort en même temps qu’il est patron des voyageurs.
Jacques
est associé à l’eau et à la mer par le fait
qu’il fut, après sa mort, placé dans une barque sans
gouvernail. La barque se dirigea vers l’Espagne et accosta près
de la ville qu’on appelle aujourd’hui Saint Jacques de Compostelle.
Les pèlerins qui vont à Saint Jacques, doivent trouver une
coquille Saint Jacques sur la plage et la fixer sur leur chapeau.
Le
26 juillet, Sainte Anne, la sainte Grand-mère, qui succède
sans doute à la grande déesse Celte : Ana ou Nana, mère
de tous les dieux. Elle assure le fil de la généalogie qui
donnera naissance au Christ.
Elle
eut, paraît-il trois maris : Joachim, Cléophé et Salomé qui
lui donnèrent chacun une fille nommée Marie, dont la Vierge,
mère de Jésus. Avant Joachim, elle était pourtant
stérile mais un ange lui apparut et lui prédit qu’elle
aurait un enfant.
Sa
soeur Hismérie enfanta Élisabeth, qui enfanta Saint Jean-Baptiste,
cousin de Jésus.
On
dit que son corps était dans la barque du groupe des femmes qui abordèrent
aux Saintes Marie de la Mer. Il fut transporté à Apt où il
resta caché pendant quelques siècles. Ce fut lors d’une
visite de Charlemagne qu’il fut révélé par un
jeune aveugle qui entendit des voix célestes.
Des
reliques du corps de Sainte Anne furent données à Auray en
Bretagne. Là, elle apparut à Yves Nicolazic pour lui indiquer
l’endroit où il trouverait une statue de la sainte et pour
lui demander de reconstruire un oratoire détruit. Depuis, il y a
foule à Sainte Anne d’Auray le 26 juillet.
Le
27, la fête des 7 Dormants invite à une évocation
caniculaire complexe. Cachés dans une grotte, ils s’endormirent
pendant 300 ans, gardés par un chien à l’entrée.
(Al Raqim) (Cf. Le Coran, sourate 18)
Le
soleil inversa sa trajectoire. Après 300 ans, ils se réveillèrent
frais et dispos. Tout avait changé autour d’eux.
Le
tombeau de Sainte Marie-Madeleine (un de ses tombeaux, à Ephèse,
en Turquie) jouxte la grotte des sept Dormants comme sa fête, au
22, jouxte celle des Sept Dormants. La grotte de la Sainte Beaume est aussi
gardée par un chien. Les deux grottes sont orientée Nord-sud
et, si le chien de Marie Madeleine est personnifié par le saint
Pilon (pilou-poilu) la montagne d’Ephèse s’appelle le
Pion ?
Il
faut évoquer ici Saint Willibrod qui voyagea jusqu’à Ephèse
puis revint fonder une abbaye à Echternach (Epternacene monasterium
: les sept renaissants)
Ce
thème est trop complexe pour être développé ici.
(Cf. “Marie-Madeleine et son mystère”, Jacques Bonnet
- Éd. Jacques Bonnet - Roanne)
Le
28,
Saint Samson est souvent confondu avec celui de Dalila qui trouvait sa
force dans ses poils. En fait il s’agit d’un saint Breton, assez
légendaire, et qui est souvent représenté terrassant
un dragon. Samson (de Dalila) est un personnage éminemment solaire
qui arriva à terrasser un lion.
Le 29,
Sainte Marthe, qui, elle aussi aborda aux Saintes-Maries, puis se dirigea
vers Tarascon où elle triompha d’un dragon d’eau, la Tarasque,
qui écumait le Rhône et ses paysans. Chaque année Tarascon
commémore cette légende avec un dragon construit pour l’occasion.
Si
vous trouvez Sainte Juliette au 30 juillet,
dans le calendrier des postes, c’est que chaque jours comprend une
cinquantaine de saints. Or, il n’y a pas bien longtemps que cette journée
fêtait encore Abdon et Sennen. Mais aujourd’hui,
plus personne ne s’appelle Adbon ni Sennen. C’est donc Juliette
qui se présente sur la scène caniculaire. Elle en a bien le
profil car il s’agit d’une martyre (en 303) qui poussa un cri
de joie lorsqu’elle apprit qu’elle allait être brûlée
vive. Elle se jeta d’elle-même sur le brasier et mourut étouffée
par la fumée car le feu ne toucha pas son corps.
Saint
Basile raconte qu’au lieu où son corps fut déposé,
il en sortit une source fraîche bien agréable pour ces temps
de chaleur.
Quant à Abdon
et Sennen, deux saints dont les corps vinrent du Moyen-Orient en Europe
dans le même cercueil, leur sarcophage existe toujours à Arles-sur-Tech,
dans les Pyrénées. Il contient toujours de l’eau et
l’on ne sait d’où elle vient. C’est surtout Saint
Abdon qui est invoqué contre les dangers de l’orage. Il est
même appelé “Saint Tape donc”.
Le
1er août est l’ancienne fête Celte de Lugnasad (Assemblée
de Lug, dieu polytechnicien) Son nom a donné celui de la ville de
Lyon : Lugdunum : Forteresse de Lug. C’était un moment de grande
liesse. L’église y a placé la fête de Saint
Pierre-aux-liens en
commémoration des chaînes de Saint Pierre qui furent brisées
miraculeusement lorsqu’il était en prison. Les liens catholiques
remplacent sans doute les liens (assemblée) celtes et donc païens.
Saint Pierre-aux-liens (chaînes) est patron des ferblantiers, ferronniers
et serruriers. Depuis Vatican II le calendrier des postes mentionne Saint
Alphonse. Il s’agit d’un aristocrate napolitain du 18ème
siècle, patron des moraliste et des confesseurs.
On
se demande ce qu’il fait là en pleine Canicule ?
La
nuit du 10 août verra tomber les “larmes de Saint Laurent” sous
forme d’étoiles filantes. Laurent est patron des rôtisseurs,
maître du feu mais aussi de son contraire : l’eau. Il fut grillé vif.
C’est pour cela qu’il est souvent représenté avec
un grill à la main.
Il
doit être aussi patron des barbecues ?
Le 15,
l’Assomption, enverra la Vierge rejoindre les espaces célestes.
La “mère” par excellence clôturera cette série
de saints rafraîchissants par
leur humidité.
Reste au 16 août Saint Roch, qui, comme s’il était menstrué, montre toujours sa cuisse parée d’un bubon de pestiféré. Il aurait soigné les pestiférés. À ses pieds, un chien qui lèche sa blessure.
La
Canicule
s’éloigne et nous entrons dans le signe de la Vierge,
période plus calme pendant laquelle les fêtes sont mineures.
Est-ce peut être parce la période reflète l’abondance
des récoltes d’été et de celles d’automne
qui arrivent ?
La
grande fête est celle de la Saint Michel au 29 septembre
qui inaugure la période du renouvellement des fermages.
L’équinoxe
d’automne, au 23/24 coïncidait avec le temps de rouissage du chanvre
et la fête de Saint Lin et celle de Sainte Thècle.(boîte)
Thècle
est invoqué pour la bonne mort. Son histoire évoque assez
clairement le rouissage des plantes textiles. Elle est mise sur le bûcher
mais le feu ne la brûle pas.
“O
chose grande ! O chose admirable ! le feu qui dévore tout, dévaste
tout et consume tout, nettoie, purifie et blanchit ce seul Pantagruelion.. (Rabelais
Tiers livre chap 52.)
Elle
est ensuite jetée dans une fosse humide remplie de phoques qui ne la touchent
pas et ensuite dans une fosse aux serpents et aux bêtes venimeuses
qui la laissent intacte.
“On
apprête le Pantagruelion vers l’équinoxe d’automne... La première instruction que donna
Pantagruel fut de dévêtir sa tige de ses feuilles et de sa semence,
de la faire macérer dans de l’eau stagnante, et non courante,...” (Rabelais,
Tiers livre, chap. 50, Éd. Seuil)
Depuis
la Sainte Thècle/Saint Lin, nous sautons quarante jours qui nous
ramènent au temps des morts et des revenants.
Le
boucle est finie ? Non, elle recommence mais pas tout à fait comme
l’an passé. Telle une spirale le temps mène sa farandole
et ne se pose jamais au même endroit qu’avant, mais un peu
plus haut. Ainsi en va-t-il du devenir de l’Homme qui, chaque année,
répétitivement, rituellement, se retrouve haussé dans
sa maturation afin qu’il puisse approcher, sans trop de peur, la
grande destructrice du temps.
Le
calendrier de nos anciens, dont nous venons d’évoquer quelques
grands traits en même temps que quelques détails colorés,
n’est pas celui d’un temps quantitatif comme peut l’être
celui d’un planning de répartition des heures de travail aujourd’hui.
Il s’applique plutôt à donner au temps un rythme plein
de contrastes et de rebondissements, de préparations suivies d’acmés
puis de retombées calmantes : c’est un calendrier qualitatif.
Un jour ne vaut pas l’autre et, de plus, il évolue vers des
objectifs qui s’articulent les uns aux autres et qui, dans leur déroulement,
visent à un accomplissement.
Son
existence n’était possible que dans la perspective où une
transcendance orientait l’Homme vers autre chose que son ego. Aujourd’hui,
les fêtes nouvelles telles que celles des mères, des pères,
de la musique etc. n’ont pas la force centrifuge des fêtes
anciennes qui, sans cesse, projetaient l’Homme vers de nouveaux horizons.
Ces fêtes nouvelles ne peuvent offrir de point de repères
car elles ne sont pas temporelles. Elles replient l’Homme vers lui-même
dans sa sphère narcissique, à la recherche de lui-même
comme réalité originaire.
Cette
perspective enfermante ne raconte rien d’autre qu’elle même.
Elle n’a pas de sens par où se diriger et se limite au monde
d’un espace clos et des images. Le “Temps” symbolique
a fait place a la “durée” morcelée.
Le
calendrier des anciens se présentait comme un ensemble de références
permettant à l’Homme de savoir où aller, ou du moins,
de suivre un cheminement. Le Temps s’épousait, intégrant
le mouvement des corps par ses rituels successifs. Le rythme des étoiles
et des planètes ordonnait rythmiquement celui des Hommes. Témoin
la grande projection du corps humain sur le cycle zodiacal qui s’ouvre
en mars par la tête (bélier) et qui se termine par les pieds
(poissons). Cette période fut longtemps le début de l’année.
Aujourd’hui
la perspective s’est inversée et nous nous évertuons à dominer
le Temps. Est-ce l’influence du développement des technologies
horlogères qui, depuis peu, scande une mesure régulière
de la durée ?
Mais
paradoxalement, croyant dominer ce qui nous dépasse infiniment, nous
nous sommes mis au pas de l’horloge. Comme disait cet africain : “c’est
drôle, les blancs, ils ont des montres et ils n’ont jamais le
temps”.
Ne pouvons nous pas nous poser bien des questions sur cette mise au pas issue
d’une volonté apeurée de domination de la mort. Démarche
qui nous place loin de toutes références vivantes, dans une solitude
arythmique - et mécanique - génératrice de toutes les
folies ?
Willy
BAKEROOT
3
novembre 2002 - Saint Hubert