SIRIUS
SOTHIS
SIRIOS
SPHACO
CYRUS
KYRIE
SIEUR
SEIGNEUR
CANIS
CHIEN
CHIENNE
CANICULA
SIGI TOLO
PO TOLO
CHIEN DE LA LUNE
ÉTOILE DU LOUP
ÉTOILE EMBRASÉE
Willy Bakeroot
Cette année, la Canicule se rappelle intensément à notre mémoire. Cela me donne envie d’évoquer sa place dans l’ensemble rythmique du temps de la terre.
Notre vie citadine nous a coupés de la paysannerie qui connaissait bien les phénomènes saisonniers tout en les plaçant dans le cadre de très anciennes traditions. Placés dans un déroulement temporel, ces phénomènes prenaient un sens. Ils étaient rattachés dans un discours qui donnait des rythmes contrastés au déploiement du temps. Les paysans avaient les mots pour évoquer l’écoulement du temps météorologique intime de la marche de la terre.
Aujourd’hui, peu de gens savent encore que la canicule désigne le chien et plus précisément l’étoile la plus brillante du ciel : Sirius. Considérée comme un deuxième soleil, elle fait partie de la constellation du grand chien.
Comme la « lune rousse » ou encore « les saints de glace », la canicule était crainte en raison du dessèchement qu’elle provoque.
La canicule survient lorsque la constellation du grand chien se lève le matin en même temps que le soleil. Il s’agit de son « lever héliaque » (Helios : soleil) qui désigne pour une étoile le moment où elle se lève le matin en même temps que le soleil. Sans être visible dans le ciel, elle y sera pourtant présente toute la journée.
Les anciens pensaient que la journée était alors occupée par deux soleils. C’est pour ça qu’il fait si chaud.
LE CALENDRIER
Pour nous permettre de nous repérer dans les rythmes fugaces du temps, nous avons inventé le calendrier. Le mot « calendrier » vient du grec « Kalein » qui signifie « appeler » ou « proclamer ». Cet appel proclamait et rappelait les échéances diverses, à commencer par le premier jour du mois. Ce qui donne au calenπdrier le sens premier d’un livre de compte.
Chaque société a inventé son calendrier.
Il existe donc de multiples modes de désignation du déroulement du temps.
Homo signorum – 1580 – gravure sur bois dans un almanach.
Un de ces anciens calendriers a donné le zodiaque qui distribuait l’année selon des appellations liées au corps humain.
La tête et le « bélier » sont associés à l’équinoxe de printemps, à partir du 21 mars.
Les pieds et « les poissons » sont associés à la fin de l’hiver, à partir du 21 février.
Il faut rappeler que le zodiaque a été établi, il y a bien longtemps, dans l’astronomie moyenne-orientale par des gens qui vivaient bien plus que nous en intimité avec la nature. Le ciel mobile, la marche des étoiles et des planètes leur étaient quotidiennement imposés.
Les sociétés occidentales, relayant la Grèce et Rome, se sont orientés vers l’établissement du calendrier à partir de deux références : le soleil et la lune. Notre calendrier est soli-lunaire et se nomme calendrier grégorien.
Chez nous, le soleil donne 4 points d’ancrage principaux : deux « solstices » et deux « équinoxes ».
http://carmina-carmina.com/carmina/Mytholocalendes/anneau.htm
LE TEMPS
Pour comprendre le calendrier, il est indispensable de se glisser dans la logique du temps. Gens de papiers, habitués que nous sommes à penser en termes de « fixe », pour le coucher dans l’écriture, nous avons quelques difficultés à nommer ce qui nous échappe sans cesse et se dérobe à toute maîtrise.
Dans la logique du temps, un jour n’a de sens que parce qu’il est généré par le précédent alors qu’il prépare celui qui va venir.
Tout coule, « Panta rei ». (1)
Saint Augustin disait aussi: « Si l’instant présent devient fixe, s’il est toujours présent, il n’est plus le temps. Il est l’éternité.
Mais alors comment le nommer ? » (2)
A peine a-t-on essayé de nommer l’instant qu’il est déjà parti dans le passé et la mémoire. Pas de suspension possible. C’est toujours trop tard.
Difficile donc de nommer ce qui n’arrête pas de se perdre.
Afin de se repérer dans le temps qui fuit, les Hommes ont toujours inventé des systèmes et des mots rassurants pour essayer de cerner au plus près les caractéristiques des mouvements et des changements météorologiques.
Le terme « météorologie » vient du grec « meteoros » qui signifie « ce qui est en haut » ou « ce qui s’élève vers le ciel ».
C’est dire que le « météorologique » nous dépasse. Nous en dépendons. Il est impossible de le contrôler. Nous pouvons éventuellement le prévoir mais certainement pas le maîtriser. Le nommer nous tranquillise, même si les mots ne font qu’évoquer un réel bien difficile à comprendre. Lorsque, aux informations télévisées sur la canicule, on entend dire que « la situation est parfaitement maîtrisée », ça n’est qu’une modique façon de rassurer quant aux effets ravageurs de la chaleur.
Nous aimons peu le temps. Il ne se soumet pas. Nous préférons l’espace que nous pouvons mieux maîtriser, du moins en apparence.
LE CALENDRIER GRÉGORIEN
L’ancien calendrier « Julien », créé par l’astronome Sosigène et utilisé depuis Jules César, à laissé la place au calendrier appelé « grégorien », conçu par Clavius et Saint Grégoire, le 24 février 1582.
Il a conservé principalement les références solaires du Julien (Noël, Toussaint, Chandeleur…) ainsi que plusieurs des fêtes en rapport avec le temps de la lune (Pâques, Pentecôte…). Cela ne simplifie pas la compréhension du calendrier surtout lorsque, en plus, nous avons quelques références aux « quarantaines » qui déroulent le temps en séquences successives de 40 jours.
C’est pourtant dans ce cadre qui peut sembler disparate que nous pourrons saisir la canicule.
Le calendrier grégorien ne dédaigne pas le zodiaque même s’il n’en fait pas directement mention. La mythologie considérable qui décrit le déroulement de l’année semble faire bon ménage avec la sanctification chrétienne des jours qui se suivent.
Accolés aux solstices, nous avons deux signes zodiacaux importants :
- En hiver, le capricorne qui va du 22 décembre au 19 janvier et
- En été, le cancer qui va du 21 juin au 22 juillet.
La tradition veut que les portes du ciel soient ouvertes pendant les périodes régies par ces deux signes.
En Capricorne, les âmes des morts sortent de la terre et remontent vers le ciel. C’est la porte des dieux.
En Cancer, les âmes descendent de la voie lactée afin de s’incarner sur la terre. C’est la porte des Hommes.
La canicule s’établit dans la période où la porte des Hommes est ouverte.
LA CANICULE
CANICULA, en latin, désigne l’étoile du chien : Sirius.
Son lever héliaque annonce la Canicule. Le terme « lever héliaque » désigne le moment où, le matin, Sirius se lève en même temps que le soleil.
Dans la constellation du grand chien, l’étoile la plus brillante est Sirius. « Sirios » en Grec, qui signifie « ardent » mais aussi « chien ». C’est le nom du chien d’Orion le chasseur.
Le terme « Sirius » peut être associé à « Cyrus », roi des Mèdes qui, selon la légende a été élevé par une chienne : « Sphaco ». La racine « cy » (I.E. kwen), donne aussi « cynocéphale »,"cynique", (gr. Kuon, chien), "cynodrome" (circuit pour courses de chiens), "cynorhodon", (gr. kunorhodon, rose de chien), angl. "dog rose", utilisée contre la rage.
Dans le ciel, le Grand Chien et Sirius se trouvent à gauche d’Orion et sous la constellation de Procyon (le petit chien).
Betelgeuse, l’aisselle droite d’Orion, Procyon et Sirius forment un grand triangle dans lequel on ne voit presque pas d’étoiles.
Le lever héliaque de Sirius a lieu vers le 25 juillet, après le solstice d’été.
Chez les Égyptiens, Sirius s’appelle « Sothis », (chien).
Traditionnellement entre le 20 et le 25 juillet, dans l’Égypte, le lever héliaque de Sothis (Sirius) annonçait le début des crues du Nil.
Vers ces dates, des grands prêtres étaient chargés d’observer le ciel à l’est, au moment du lever du soleil.
Dès qu’apparaissait Sirius, ils prévenaient le Pharaon qui rédigeait alors un texte ordonnant au Nil de faire son travail. Ensuite, le parchemin était jeté dans l’eau.
Le Nil commençait sa crue et la maintenait durant deux signes zodiacaux, le lion et la vierge.
Vers la fin septembre, la décrue s’amorçait en permettant aux paysans de semer sans risques.
Le sphinx ou la Sphinge devaient probablement représenter le temps par ces deux signes : corps de lion, tête de vierge.
Théoriquement, le lever héliaque de Sirius commence avec la période du lion. Sirius, le seigneur ardent, le chien, considéré comme un deuxième soleil ajoutait donc à la chaleur de cette période. Ce qui fait écho au rugissement du lion ainsi que celui du chien enragé.
Manilius écrit : (3)
« Lorsque le lion commence à nous montrer saterrible gueule, le chien se lève, la canicule vomit des flammess l’ardeur de son feu la rend furieuse, et double la chaleur du soleil. Quand elle secoue son flambeau sur la terre, et qu’elle nous darde ses rayons, la terre, prête à être réduite en cendres, paraît être à son dernier moment, Neptune languit au fond de ses eaux, les arbres des forêts sont sans sève, les herbes sans vigueur. Tous les animaux cherchent asile en des climats lointains; le monde aurait besoin d’un autre monde, où il pût se réfugier. La nature, assiégée de feux brûlants, éprouve des maux, dont elle-même est la cause, et vit en quelque sorte sur son bûcher. Tant est grande la chaleur répandue par tout le ciel ! Les feux de tous les astres semblent concentrés dans un seul. »
LE CALENDRIER CHRÉTIEN
Dans le calendrier grégorien, cette période caniculaire est marquée par la fête de Saint Jacques et Saint Christophe au 25 juillet. Traditionnellement, les deux saints avec leurs bâtons de pèlerins, accompagnaient les âmes qui descendaient de la voie lactée et s’incarnaient en période de canicule.
Saint Christophe, saint caniculaire, est souvent représenté avec une tête de chien. Il porte un enfant sur ses épaules et l’aide à passer un fleuve. Mythologiquement, ce fleuve est la voie lactée.
Le solstice d’été, nuit du 24 au 25 juin (4) marque l’ouverture des périodes de chaleur C’est la fête de Saint Jean-Baptiste, Saint Jean d’été, le pendant de la fête de Saint Jean d’hiver, l’apôtre, six mois plus tard.
Saint Jean-Baptiste a des caractères oursins, il mange du miel et des sauterelles, vit au désert, et surtout est vêtu de peau de bêtes, c’est un velu. Il est présenté comme le nouvel Élie, un des maîtres de la pluie, précieux en ce moment d’intense chaleur qui se prépare.
Les rituels de la Saint Jean sont le feu du bûcher et le bain dans l’eau froide.
Le soleil se tourne vers sa descente pour une durée de 6 mois durant laquelle la végétation terrestre va progressivement se dessécher puis mourir pour laisser place à un nouveau cycle solaire qui commencera au solstice d’hiver.
« Il faut qu’il croisse et que je diminue », (5) dira Jean-Baptiste.
Saint Christophe – Icône grecque – musée de Thessalonique
Le 25 juin, Saint Éloi d’été est représenté avec une tenaille, isomorphe d’une pince de crabe-cancer. Par son mouvement, la tenaille illustre bien la rotation du soleil qui se fait au solstice en tournant vers l’autre versant de l’année.
Le feu de la chaleur demande des protecteurs. Aussi, on trouvera, parsemant la période de chaleur, des saints et des saintes qui ont un rapport avec l’eau. Pierre le pêcheur (29 juin), Marguerite patronne des femmes en couche (20 juillet), Christophe et Jacques les passeurs de fleuves (25) Anne patronne des grand-mères et des accouchements (26), Marie-Madeleine la pleureuse (22), Marthe et les dragons d’eaux (29), Abdon et Sennen et leur tombeau constamment humide (30), Friard et ses arrosages (1 août), Laurent protégeant des grills (10), Assomption de Marie et ses eaux (15). À noter au 15 août, le coucher du soleil droit dans le grand bassin du château de Versailles.
Selon les anciens, cette période voit les âmes descendre sur terre et s’incarner. Le 25 juillet, elles passent le fleuve de la voie lactée, guidées par Saint Christophe et Saint Jacques et s’incarnent en assimilant, au passage de chaque planète, leurs caractéristiques. Elles arrivent sur terre sous forme d’oignons ou de choux (hébr. : cherub).
Macrobe fait un long commentaire de cette doctrine : (6)
“Voici le Chemin que suit l’âme en descendant du ciel en terre. La Voie Lactée embrasse tellement le Zodiaque dans la route oblique qu’elle a dans les cieux qu’elle le coupe en deux points, au Cancer et au Capricorne, qui donnent leurs noms aux deux tropiques.
Les physiciens nomment ces deux signes les portes du soleil parce que dans l’un et l’autre, les points solsticiaux limitent le cours de l’astre qui revient sur ses pas dans l’écliptique et ne la dépasse jamais. C’est, dit-on, par ces portes que les âmes descendent du ciel vers la terre et remontent de la terre vers le ciel.
On appelle l’une la porte des hommes et l’autre la porte des dieux.
C’est par celle des hommes, ou par le Cancer, que sortent les âmes qui font route vers la terre; c’est par le Capricorne, ou porte des dieux, que remontent les âmes vers le siège de leur propre immortalité et quelles vont se placer au nombre des dieux; et c’est ce qu’Homère a voulu figurer dans la description de l’antre d’Ithaque. C’est pourquoi Pythagore pense que c’est de la Voie Lactée que part la descente vers l’Empire de Pluton, parce que les âmes en tombant de là, paraissent déjà déchues d’une partie de leurs célestes attributs. Le lait, dit-il, est le premier aliment des nouveau-nés, parce que c’est de la zone de lait que les âmes reçoivent la première impulsion qui les pousse vers les corps terrestres ... Ainsi, celles qui doivent descendre, tant qu’elles sont au Cancer, n’ont pas encore quitté la voie de lait, et conséquemment sont encore au nombre des dieux, mais lorsqu’elles sont descendues jusqu’au Lion, c’est alors qu’elles font l’apprentissage de leur condition future. »
Statue colossale de Saint Christophe. Notre Dame de Paris. Détruite en 1784.
Sur l'une des parois de la tombe de Toutankhamon, pharaon de la XVIIIe dynastie (...), vingt-quatre babouins sont représentés, qui figurent la ronde des heures. Les anciens Égyptiens avaient en effet remarqué que cet animal avait la particularité d'uriner toutes les heures. Ils prirent donc sa vessie pour une pendule (Klein, 2003 : 22-23).
Klein Étienne. 2003. Les tactiques de Chronos. Paris: Flammarion, coll. « Champs ».
D’une façon générale, ce qui nous est présent à un certain instant n'existe plus ou pas encore pour un observateur en déplacement par rapport à nous. Il devient donc impossible de définir un « instant présent » où se manifesteraient tous les phénomènes qui se produisent au même moment dans tout l'Univers. Le joli mot « maintenant » se trouve désormais dépourvu de signification dans l'absolu. (Klein, 2003 : 117).
Pline l'Ancien écrivait : « Quant à la Canicule, qui ignore que, se levant, elle allume l'ardeur du soleil ? Les effets de cet astre sont les plus puissants sur la terre : les mers bouillonnent (XVIII, 68) à son lever, les vins fermentent dans les celliers, les eaux stagnantes s'agitent. Les Égyptiens donnent le nom d'oryx à un animal qui, disent-ils, se tient en face de cette étoile à son lever, fixe ses regards sur elle, et l'adore, pour ainsi dire, en éternuant. Les chiens aussi sont plus exposés à la rage (VIII, 61) durant tout cet intervalle de temps ; cela n'est pas douteux. »
Pline, Histoire naturelle, Livre 2, XL.
2 - Saint Augustin, Confessions, Poche, Gallimard.
3 - Manilius, Les astrologiques, Denoël Paris.
4 - Aujourd’hui, en raison de la précession des équinoxes, le solstice se situe vers le 21 juin. Nous gardons ici la nuit du 24 juin en raison de la connotation mythologique qu’il présente à cette date.
5 - Jean, 3,30
6 - Macrobe, Commentaire du songe de Scipion. I, XII.
(http://remacle.org/bloodwolf/erudits/macrobe/scipion1.htm)