LES CREPES DE LA CHANDELEUR

 

2 février

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Chaque année, la plupart d'entre-nous participent à un rituel dont l'usage est fort généralisé sous nos latitudes : la fabrication des crêpes de la chandeleur.

 

Il est bien connu que les rituels ont la vie dure. Même si on en a perdu le sens, ils se perpétuent longtemps. C'est la cas pour la chandeleur. C'est que la mythologie calendaire a été bien oubliée depuis la prétention des hommes à penser qu'ils pourraient un jour maîtriser le temps.

 

Le rituel de la chandeleur marque un passage important de l'année. Il correspond - pour les anciens - à un moment où la terre redevient féconde après que l'hiver ait fait mourir la nature. (1)

Le 2 février est appelé CHANDELEUR, en souvenir des chandelles qui ont marqué la vie de Saint Blaise (3 février). Une veuve avait un pourceau qui fut enlevé par un loup. Le saint ordonna au loup de rendre le pourceau à la femme. Lorsque Blaise fut arrêté et mis en prison, la veuve tua le pourceau et apporta la tête,les pieds de l'animal ainsi que du pain avec une chandelle au prisonnier. Blaise promit le bonheur à tous ceux qui, chaque année, offriraient une chandelle à une chapelle qui porterait son nom.

 

Mais il faut noter que la chandeleur porte aussi un autre nom : la Purification. La fête de la purification est célébrée 40 jours après la Noël, soit, environ une lune et demie, temps d'une conversion, ce qui donne à la quarantaine valeur de changement radical.

 

Selon les lois juives, une femme qui a enfanté un fils est impure pendant 7 jours. Il lui reste alors 33 jours avant de pouvoir entrer au temple pour y présenter son enfant et se laver de sa souillure. (2)

 

Parmi les appellations populaires des règles féminines, il en est une qui s'applique bien au 2 février : les OURSES. Les "souillures" féminines ont un statut global incluant à la fois les eaux de la parturition et le sang menstruel. Le jour de la Purification célèbre à la fois la sortie de l’ours (de son hibernation) et les “ourses” (au sens des menstrues).

 

C'est ce jour où, pour la tradition, l'ours sort de son hibernation. (Curieusement, un Saint Ours est fêté le 2 février) De son séjour dans les régions infernales il ramène avec lui  - dans son ventre - les âmes des morts.

Il les libérera grâce à son pet (nécessité qui lui enlève le fécalum ou bouchon anal). Bouchon formé par sa longue hibernation accompagnée de fermentation intestinale.

 

Mais si la lune est blanche, il se gardera de péter. En effet, un des statuts de la lune est d’être psychopompe (conducteur d’âme, et, par étymologie populaire : pompe à âme), elle attire les âmes pour les projeter ensuite vers les ciels supérieurs, mais elle n’attire les âmes qu’en lune montante. Libérer les souffles en lune descendante les oblige à errer avant le travail lunaire du cycle suivant, c’est-à-dire au moins 14 jours plus tard. Tout cela est bien dangereux pour les vivants.

 

Si la lune est noire (nouvelle lune qui commence à être montante), alors l’ours fait son office de libérateur des âmes mais aussi des vents de printemps.

 

Les humains ont tout intérêt à ce que la lune soit noire. Si elle est blanche au 2 février, c’est que le printemps n’est pas là. Si elle est noire, les “âmes-souffles du printemps” peuvent se répandre et remonter vers le ciel grâce aux efforts conjugués de la lune et des masques de carnaval.

 

C’est pourquoi, en même temps qu’un rituel de grimage noir ou blanc (au bouchon), les humains fabriqueront une pâte de couleur lunaire qu’il feront cuire dans une poële ronde. Tout en ayant en poche un symbole de la fécondité (louis d’or) ils retourneront l’image de la lune afin de la faire noircir et, magiquement, faire venir le printemps.

 

Tous à vos poëles le 2 février prochain car, comme dit la chanson :

 

La veille de la chandeleur, l’hiver se passe ou prend rigueur

“Si tu sais bien tenir la poële, à toi l’argent  en quantité

“mais gare à la mauvaise étoile, si tu mets la crêpe à côté.

 

                                                                                                                                                                                 Willy Bakeroot

 

(1)    Cf. Art Profane et Religion populaire au Moyen-âge - Cl. Gaignebet & J.D. Lajoux – PUF

(2)    Cf La Légende dorée - Jacques de Voragine - p 188 et 196 - GF Flammarion 1967

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