De Noël à l'Épiphanie

 

Les jours épagomènes

(supplémentaires)

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Le temps de l'Avent (advient) se termine et nous sommes toujours dans l’attente de la lumière de Noël qui arrive au solstice d’hiver - (en l’occurrence le 25 décembre plutôt que le 21).

La liturgie chrétienne évoque, pendant le temps de l’Avent, des thèmes qui préparent l’arrivée d’un sauveur :  “Sortir du sommeil.”   “La nuit s'en va.”   “Le jour approche.” “Aurore d'un monde nouveau.” etc.

 

Tout attend l’arrivée du “Sol invictus” (Soleil invaincu) des romains et des adeptes du culte de Mithra. Au 4ème siècle, l’Église plaça la naissance de Jésus au solstice d’hiver afin de christianiser les festivités de Mithra, né, lui aussi, d’une vierge, dans une grotte.

 

Jésus est donc identifié au nouveau soleil

 

Sol Invictus

 

Le 24 décembre à minuit est témoin d’une inversion fabuleuse : Dieu se fait enfant. De plus, il naît dans le ventre d’une vierge  qui l’enfante dans la pauvreté. Marie et Joseph ne trouvent pas à loger. On leur prête une étable ou une grotte. Pour aider à l’accouchement, la tradition veut qu’on soit allé quérir la servante : Brigitte. Or, celle-ci n’avait pas de bras. Elle vint quand même et, en récompense de son geste, ses bras repoussèrent.

 

Nous entrons dans la période des 12 jours appelés “épagomènes”, c’est-à-dire “supplémentaires. Ils font lien entre le temps de l’année lunaire (354 jours) et celui de l’année solaire (365 jours). Soit, un laps de temps de 11 jours ou 12 nuits - ou encore de 12 nuits ou 13 jours, tout dépend de la façon de les calculer.

Les 13 desserts que l’on déguste à Noël, en Provence, ne sont -ils pas liés à ces jours.

 

Ce temps, hors du temps, sera considéré comme un temps d’inversion pendant lequel tout ira à l’envers. Il nous mènera jusqu’à l’Épiphanie, (en grec : action de se montrer) au 6 janvier, jour des Rois, Noël orthodoxe, doublet exact de la fête de la nativité..

 

Il est curieux que l’Église ait placé au 25 la fête de Sainte Eugénie qui se déguisa en homme afin de vivre une vie monastique. Son père était gouverneur de la province. Attristé par la disparition de sa fille, il persécuta les chrétiens. Pour diverses raisons, il fit arrêter les moines du monastère où elle vivait. 

Devant le tribunal et une foule nombreuse que présidait son père, elle déchira son vêtement et montra sa poitrine afin qu’on découvrit qui elle était.

 

Cette ambiguïté - symbole de passage - se retrouve à une autre date de “passage”, au 1 janvier, fête de sainte Euphrosine qui se déguisa aussi en homme afin de vivre religieusement dans un monastère sous le nom de Smaragde.

 

Son père inconsolable, croyant que sa fille était morte, vint au monastère pour y trouver du réconfort. On lui conseilla de s’adresser à Smaragde. Il s’entretint avec elle durant 38 ans sans découvrir qu’il s’agissait de sa fille. Puis elle mourut, mais avant de mourir, dénonça son secret.

 

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Avant le 4eme siècle, l’Eglise ne fêtait pas la naissance du Christ. Les églises orientales avaient une fête qui assemblait le baptême de Jésus et le souvenir des noces de Cana, son premier miracle : le 6 janvier. En Egypte, le 6 janvier était la fête de l’Épiphanie d’Osiris. Comme il était de mises en ces temps là, on christianisait les fêtes “dites païennes” et l’épiphanie d’Osiris devint Épiphanie chrétienne et visite des Mages.

 

Les Romains avaient fixé le solstice d’hiver au 25 décembre - premier jour des calendes de janvier - et fêtaient la renaissance du “Sol Invictus”. Ils invitaient les chrétiens à leur joyeuse fête. C’est pour “récupérer” cette fête païenne que, au 4eme siècle, l’Église inventa la fête de la naissance de Jésus : Noël. Les deux fêtes étaient, au début, en interdépendance. Petit à petit, elles prirent leur indépendance et devinrent, l’une, la naissance de Jésus et l’autre la visite des rois mages.

 

Quoi qu’il en fut, elles sont les limites de cette période de “non-temps”, jours épagomènes, jours d’inversion du temps qui se remonte comme le ressort d’une horloge afin de repartir au 6 janvier pour une nouvelle année.

 

C’est sans doute à rapprocher du temps de Chronos, dont parle Platon, où les gens naissaient vieillards et mouraient bébés après avoir rajeuni toute leur vie. De Noël à l’Épiphanie, on vit un peu à l’envers, on fête les nuits et on dort le jour. On illumine tout et surtout la nuit.

Dans tous les cas, il s’agit bien de fêtes de la Lumière. Le terme Noël, en allemand, signifie Neue Helle : nouvelle lumière. Il n’a rien à voir avec une quelconque fête de la famille.

 

Le 26 décembre, saint Etienne (Stéphane : petite couronne étroite). Le nom de ce premier martyr de l’Église évoque l’étroitesse d’un passage : c’est après ce passage difficile que le soleil inverse sa trajectoire et commence à remonter. C’est le jour le plus étroit de l’année, à la fois sphincter et passage sacré et initiatique à partir duquel la terre va, petit à petit, retrouver sa fécondité et sa végétation (son aspect velu et oursin). (La couronne  est, en substance un lieu de passage. C’est l’instrument que l‘on place sur la tête des rois afin qu’ils puissent remplir leur rôle d’intermédiaire entre le ciel et la terre.

L’angoisse du passage solsticial hivernal vient de la peur de la disparition définitive du soleil et l’augmentation du royaume du noir (du démon), alors que le passage estival de juin engendre la peur de l’embrasement de la terre à cause du manque d’humidité.

 

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Saint Jean, au 27 décembre fera pendant au Jean d’été (le Baptiste). Il s’agit de l’Apôtre, celui des noces de Cana, qui pria la Vierge d’intercéder auprès de Jésus afin de changer l’eau en vin.

C’est le Jean “glabre”, en opposition, six mois plus tard au Jean “velu” d’été, gardien de l’humidité grâce à sa toison. Il faut remarquer que la terre d’hiver est glabre, sa végétation étant rasée.

Le 28 décembre, la fête des Innocents commémore le massacre des enfants par Hérode qui recherchait Jésus. On lui avait fait remarquer qu’un enfant était né et qu’il le détrônerait.

C’était aussi une fête de l’inversion des pouvoirs, fête des fous, jour où les enfants étaient maîtres, élus rois de confréries de fous. Ce jour là, dans certaines villes de France, on disait des messes à l’envers en commençant par l’Ite missa est. Les textes chantés étaient scatologiques et grossiers.

Certains enfants pouvaient être élus dès la saint Nicolas au 6 décembre. Ils avaient de réels pouvoirs, y compris celui de prélever quelques impôts.

Cette fête faisait pendant aux Saturnales romaines, jour d’inversion des pouvoirs où les maîtres, pendant une journée, étaient au service de leurs esclaves.

Ce genre de rituel d’inversion existe encore en Inde aujourd’hui.

 

Le 31 décembre sera la fête de saint Sylvestre (Sylva : la forêt), dernier jour de l’année civile précédent le 1er janvier, fête de la circoncision de Jésus et marquant métaphoriquement la coupure et le passage au mois de Janus (janvier). Janus est un dieu bi-front, il est représenté avec une tête tournée vers l’année qui s’achève alors que l’autre tête se tourne vers la nouvelle année : c’est l’ancien dieu du Temps mais aussi des passages.

 

Au 1 janvier se trouve la fête de la circoncision de Jésus. Coupure corporelle, métaphore de la coupure du temps au passage d’une année à l’autre.

 

La fin des jours épagomènes de l’inversion est marquée par l’Épiphanie (Noël des orthodoxes) au 6 janvier.  Ce jour là, des rois se prosternent devant un enfant (inversion des pouvoirs).

 

C’est le jour de la galette. Dans cette galette, on place une fève (aliment flatulent et pourvoyeur de souffle et donc de fécondité) et l’on découpe en parts égales. Le plus jeune de l’assemblée passe sous la table et le maître de maison chante “fébé Domine, pour qui cette part ?” “Seigneur fève, pour qui cette part ?” Celui qui aura la fève sera élu roi grâce au souffle de sa fécondité.


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