Introduction

Saints

Saintes

 

Les textes insérés dans ce site n’ont aucune prétention hagiographique, ni littéraire ni scientifique. À la rigueur, peut-on leur donner une coloration mythologique. L'intention est celle du conteur qui n’invente rien d’autre qu’une manière de raconter la vie et sa mythologie.

 

Le conteur est, par définition un re-conteur (ra-conteur). Il obéit aux lois du formulisme. C’est-à-dire qu’il n’invente rien sauf une manière de raconter, un style, le rythme du récit, un ton de voix, une singularité dans l’association des thèmes. Il fonctionne comme celui qui joue avec un puzzle et assemble des morceaux souvent épars.

Son “réservoir” est d’abord la mythologie, celle de ses racines.

 

Le style du texte suit de près celui du récit oral. Il répond à la logique de ce que Paul Zumthor appelait “l’Oraliture”, terme inventé pour préciser la différence marquée entre l'oral et l'écrit. La logique de "l’oraliture" est différente de celle de la "littérature", ou de la "lettrure" comme on disait autrefois. Elle est atomiste, analogique, explosive. Elle saute facilement du coq à l’âne et part quelquefois dans tous les sens, alors que celle de l'écriture se veut rationnelle : c'est la logique de la liste et du tableau.

Cependant, la cohérence de l'oraliture est assurée par l’association volontaire de thèmes sous-jacents. Ce fil sous-jacent n’est pas toujours perceptible au premier abord. Les associations obéissent d’abord aux configurations mythologiques qui sont peu connues du grand public parce que la mythologie européenne est bien oubliée aujourd’hui et se réduit souvent à une mythologie grecque édulcorée.

En outre, je me suis efforcé d’insérer, d’une manière poétique, quelques configurations à références psychanalytiques. Mais l’inconscient ne fonctionne-t-il pas sur un mode poétique ?

 

L’étrangeté de certains récits tient à la difficulté, pour celui qui écoute ou qui lit, de relier les thèmes. Par exemple, associer Martin à l’ours ou Véronique aux menstrues ou encore Quentin au chien, demande, pour être vraiment compris, de passer par des processus mythologiques et associatifs quelquefois compliqués. Cette mythologie constituait autrefois un savoir que nous avons presque oublié. Pourtant, il reste encore enfoui dans les mémoires, on n’en parle pratiquement plus, mais il est toujours là, confusément et ressort sous des formes masquées.

 

Saints

Saintes

 

La transposition écrite pose plusieurs problèmes que nous n’aborderons pas ici. Néanmoins je tiens à en évoquer un : comment écrire le rythme sonore du discours oral ?  C’est impossible, sauf à utiliser des systèmes qui occulteraient le plaisir de suivre l’enchaînement des thèmes. Je me suis donc servi de phrases courtes, d’alinéas, de points d’exclamation, de guillemets etc. Pauvre compensation.

 

D’autre part, il fallait trouver un style propre à ce genre de restitution. Ce n’est qu’après la rédaction de plusieurs fiches qu’il m’a semblé trouver une “vitesse de croisière” acceptable. Le lecteur remarquera que les premières fiches ont un caractère plus informatif que narratif, bien que certaines ont été remaniées.

 

Mais avant toute volonté de recherche approfondie, mon intention était d’offrir, sur un mode succinct, des récits qui, ordinairement, sont peu accessibles au public.

 

Les textes sur la vie des saints ne sont pas très courants. On trouve de courts récits qui se veulent historiques, accompagnés de rares anecdotes souvent mises sur le compte d’imaginations délirantes.

Pour accéder aux grands récits, il faut être spécialiste, connaître le Latin et le Grec et quelquefois montrer patte blanche au sein de doctes assemblées qui fonctionnent trop autour d’un savoir réservé.

Or, la vie des saints n’appartient à personne, ou plutôt, elle appartient à tout le monde. Elle faisait partie, il n’y a pas si longtemps, d’une tradition plutôt orale et populaire. Elle se transmettait de bouches à oreilles.

Cependant, le travail des chercheurs hagiographes est capital car il amasse une série d’informations permettant aux conteurs d’élaborer leurs propos avec plus de rigueur.

Mais il me semble intéressant d’offrir à qui le veut, dans un style populaire, ces récits d’un grand pouvoir de fascination en raison de leur poésie et des thèmes fondamentaux qu’ils véhiculent.

 

L’écriture fut rapide, immédiate et peu corrigée. Les Saints mentionnés sont peu nombreux mais donnent déjà une idée de ce que peuvent représenter la cohérence et le rythme d’un calendrier. Mais en cliquant sur "Mytholocalendes" vous trouverez le déroulement du calendrier.

Il y a de trente à cinquante saints par jour, si nous voulions rédiger chaque vie, nous en aurions sans doute pour quelques années !

 

 

D'autre part, pour ces rédactions, il est indispensable d'avoir accès à des textes. C'est loin d'être le cas pour tous. Certains saints ne sont connus que par leur nom mentionné çà et là  dans un ou plusieurs martyrologes.

 

J’ai plus ou moins transformé le peu de textes à ma disposition. Pour ne prendre que l’exemple des 17 volumes des Petits Bollandistes, il était impossible de les proposer tels quels.

Le contenu des récits date de la fin du XIXe siècle. Il est enveloppé dans une écriture emphatique et la plus souvent ennuyeuse. Il faut élaguer sans arrêt si l’on veut y trouver la charpente des saintes aventures. Parfois, j’ai laissé le texte original lorsqu’il devient amusant ou encore ridicule ou lorsqu’il rend compte d’une mentalité essentiellement moralisatrice.

 

La Légende Dorée, texte du XIIIe siècle, offre un contenu plus proche des mythes. En outre, son auteur, Jacques de Voragine, plonge dans la mentalité populaire de son temps.

 

Quant à la Vie des saints par les Pères Bénédictins, le style pourfendeur de légendes laisse tout de même apparaître bien des renseignements précieux qui permettent de ne pas raconter n’importe quoi.

Malgré leur volonté de rationaliser leur travail, on y trouve des bouts récits merveilleux qu'ils n'ont pas pu s'empêcher de raconter.

D’autres textes moins fournis et plus locaux m’ont apporté de temps à autre un matériau inconnu ailleurs. Une petite bibliographie se trouve en cliquant sur "Mytholocalendes".

Si j’avais eu le temps, j’aurais couru les bibliothèques, ou mieux, je serais allé voir les Grands Bollandistes à Bruxelles. Ce sera pour une autre fois.

 

 

L’occasion de cette rédaction m’a été fournie par Internet. M’étant inscrit au forum de discussion du site “Les amis du conte et de l’imaginaire”, j’y ai trouvé des partenaires fort sympathiques et ouverts à tous les problèmes du mythe et du conte. Le lendemain de la Saint Blaise 1999, immobilisé pour des raisons de santé, un souffle a dû s’emparer de moi. Je me suis proposé de marquer le temps du site en parlant de la coloration des jours qui se suivent et ne se ressemblent pas. Quoi de mieux pour cela que de parler du calendrier populaire et de la vie des saints ?

Au bout de quelques jours, n'ayant aucun retour, je me suis arrêté. Mais des messages sont arrivés qui attendaient la suite. "Et alors ?" Et je me suis laissé prendre au jeu. Ce fut un plaisir qui m’a fait apprendre beaucoup de choses. De plus, ce fut l’occasion d’échanges féconds avec les gens du site. En dehors des récits de la vie des saints, j’ai gardé quelques messages témoins de ces échanges. Ce texte n’est donc pas un dictionnaire des saints mais le fruit d'un dialogue fructueux rythmant la succession des jours et organisant un temps riche de sens… hélas bien perdus.

 

 

Les histoires de saints sont toujours des histoires d’amour passionnées. Au bout de quelques lectures, surtout lorsqu’il s’agit de saintes martyres, on a l’impression d’être en pays connu. Les procédés cruels sont souvent les mêmes et les situations se ressemblent. Il est vrai que les mêmes récits sont appliqués à différentes saintes. Les variantes tiennent aux lieux et aux personnages qui ne portent pas des noms identiques.

 

La plupart du temps, la sainte se trouve en face d’un homme qui ne pense pas comme elle, qui obéit à une institution dans laquelle il tient un rang. Mais souvent cet homme est frappé par la beauté de la sainte et la désire.  Plus il la désire, plus elle se refuse, plus il se sert de ses prérogatives pour satisfaire sa libido.

 

De son côté, la sainte se plaît aux tourments qu’elle désigne comme étant ceux d’un instant. Cet instant n’étant rien en rapport avec l’éternité de plénitude qui l’attend. Elle y trouve même des délices qu’elle ne raterait pour rien au monde.

Elle aime passionnément son divin amant qui lui promet un amour infini et la couronne de gloire.

Bien sûr, ce sont toujours des promesses pour un temps qui viendra “après”.

 

Sans doute en a-t-il toujours été ainsi pour les humains qui attendent le temps futur comme un temps meilleur, indemne de toutes fautes, débarrassé des scories de l’usure. Tous les rituels de passages célèbrent la mort du passé et l’avènement d’un temps parfait.

Les soignants ritualisent la guérison, les scientifiques la maîtrise, les politiques le bonheur, les religieux la plénitude, les financiers le pouvoir d’achat et de rachat.

 

Mais au fond quelle importance ! Tant qu’il y aura des Hommes, il en sera toujours ainsi. Et nous ne nous lasserons sans doute jamais de ces récits qui nous promettent un éternel eldorado grâce à la rédemption par un sauveur venu de loin et d’en haut.

 

C’est le travail du Temps avec ses métamorphoses. Personne n’échappe ni aux changements ni à la fascination du changement dont le spectacle, parfois,  nous sidère à tel point qu’il nous empêche de changer.

 

Je souhaite bonne lecture à ceux qui voudront bien déguster ces récits.

 

En attendant plus, je vous rappelle qu’il est tombé du ciel trois pommes. Une pour celui qui a inventé le conte, une pour celui qui le raconte et la troisième pour celui qui l’écoute.

 

Willy Bakeroot  - wbakeroot@free.fr

 

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