15 octobre
Sainte
Thérèse de Cepeda de
Jésus, d’Avila,
Fondatrice
du Carmel déchaussé.
Sainte Thérèse mourut le soir du 4
octobre 1582. C’était le dernier jour du calendrier Julien. Elle
fut enterrée le lendemain, c’est-à-dire 11 jours plus tard,
le 15 octobre, premier jour du calendrier Grégorien, le nôtre.
Passage fabuleux du calendrier Julien au calendrier Grégorien qui
suscita des émeutes en raison de la suppression de 11 jours.
Tous les pays résistèrent à
ce passage. Ce n’est que progressivement qu’ils acceptèrent
de réorganiser leur calendrier. La Russie ne le fit qu’en 1918 et
le dernier fut la Turquie en 1923.
Qu’est-ce que Sainte Thérèse
est devenue pendant ces 11 jours qui lui ont été volés
à la fin de sa vie, entre sa mort et son enterrement ?
Elle a clôturé un cycle important.
Comme pour beaucoup de saints, à l’heure où elle mourut,
une colombe sortit de sa bouche puis elle dégagea une odeur suave. A
côté de sa cellule, il y avait un arbre tout sec, recouvert de
décombres et de chaux, qui se mit à reverdir et commença
à porter des fleurs.
Thérèse est née le 28 mars
1515 au sud de la Vieille Castille, à Avila. Son père, un peu
ascétique, s’appelait Don Alphonse Sanchez de Cepeda. Il eut trois
enfants de sa première femme. Sa seconde femme, Dona Beatrix, qui
s’habillait toujours comme une vieille dame, lui donna 7 fils et 2 filles
dont Thérèse. Béatrix mourut à l’âge de
33 ans. Thérèse était âgée de 13 ans.
Était-elle rousse ? Un portrait peint par
le Frère Jean de la Misère la représente avec des sourcils
roux-noirs. Elle était assez grande et portait sur le côté
gauche du visage trois grains de beauté.
Vers 7 ans, elle s’enthousiasma pour la
lecture des Saints martyrs. Elle fugua un jour, avec son frère Rodrigue,
son aîné de 4 ans, pour aller se faire martyriser par les
Sarrasins. Un oncle les rencontra sur la route de Salamanque et les obligea
à revenir à la maison. Ils se bâtirent alors, en guise
d’ermitages, des cabanes en branche dans le jardin.
Elle se mit à lire des romans de
chevalerie, comme le faisait sa mère. Puis devint frivole en prenant un
soin excessif de ses parures et de ses parfums.
Après la mort de sa mère, son
père la plaça en pension dans un couvent, chez les Dames
Augustines d’Avila. Au bout de 18 mois, elle tomba gravement malade et
son père fut obligé de la ramener à la maison afin de la
soigner. Puis il la conduisit chez sa soeur aînée. C’est
là qu’elle eut des entretiens avec son oncle, Pierre Sanchez de
Cepeda, à l’issue desquels elle décida d’avoir une
vie plus spirituelle.
Elle insista alors auprès de son
père pour qu’il lui permette d’entrer au monastère de
l’ordre de Notre Dame du Mont Carmel d’Avila. Elle écrivit
elle-même que lorsqu’elle quitta sa maison pour aller au Carmel,
elle eut l’impression qu’on lui arrachait les entrailles et que ses
os se déboîtaient.
Elle y revêtit l’habit le 2 novembre
1533. Elle avait 18 ans. Elle reçut alors le don des larmes.
Thérèse était
étique, maigre et maladive. Mais elle édifia son entourage par sa
conduite. Elle devait supporter des vomissements continuels. Les
médecins pensèrent qu’elle était
inguérissable. Son estomac fonctionnait mal et son corps sec et
décharné la faisait parfois se contracter à tel point
qu’elle paraissait toute contrefaite.
Un jour de l’Assomption, le 15 août,
elle tomba en syncope. Pendant 4 jours on la tint pour morte et l’on
prépara sa tombe. On voulut l’enterrer mais son père arriva
et, sentant un léger battement au pouls, assura qu’elle
était vivante. Puis elle se réveilla en disant que pendant son
extase, elle avait vu Dieu, le ciel et les enfers.
Grâce à ses prières à
Saint Joseph, elle retrouva un peu de santé. Elle lui développa
un culte particulier.
Puis Thérèse commença
à recevoir la visite de Jésus-Christ. Un jour il lui apparut couvert
de plaies. Elle en eut le coeur brisé.
Un autre jour il lui dit “Je ne veux
plus que tu aies d’amitié avec les hommes mais que tout ton
entretien soit avec les anges !”
Il la visitait souvent, quelquefois sous des
formes sensibles et quelquefois sous des formes plus intellectuelles.
D’autres fois, elle ne voyait que ses mains.
Un jour Thérèse lui
présenta une croix en ébène comme on ferait au
démon pour le chasser. Jésus la prit et la lui rendit
enchâssée de quatre pierres précieuses.
La transverbération :
Jésus alluma en elle un tel feu de
l’amour et un tel désir de le voir qu’elle en conçut
une blessure qui la mit en état de langueur.
“Elle était blessée
d’une plaie divine, qui, en la faisant languir et mourir, lui causait un plaisir
ineffable, auquel tous les plaisirs du monde ne peuvent être
comparés.”
“Un Séraphin (brûlant) lui
apparut, qui, ayant un dard à la main lui transperçait le coeur.
Le dard était de fin or et il y avait au bout une pointe de fer qui
était en feu. Quand il le portait dans son coeur, il lui produisait une
flamme d’amour si excessive, qu’elle ne pouvait presque en
supporter la véhémence; et quand il le retirait, il semblait
qu’il lui arrachait les entrailles : il la laissait si embrasée,
qu’elle était comme hors d’elle-même. La douleur des
blessures sacrées lui faisait échapper des gémissements;
mais leur suavité qui n’était pas moindre, l’enivrait
tellement qu’elle ne pouvait plus ni voir ni parler, mais seulement jouir
de la douceur de sa peine et des délices de son amour.”
(Petits Bollandistes)
Les visions :
Puis, satan lui apparut plusieurs fois. Il
parlait avec une bouche horrible. De son corps semblait sortir une grande
flamme.
Elle raconte dans sa vie que lorsque Satan lui
apparaissait, elle faisait le signe de croix pour le chasser, mais il revenait
toujours. Alors elle eut recours à l’eau bénite bien plus
efficace.
En 1559, elle eut une vision de l’enfer :
C’était comme un four bas, obscur et resserré. Le sol
était composé d’une eau infecte dans laquelle grouillaient
des bêtes à venin. Au fond, il y avait une cavité
étroite dans laquelle Thérèse se sentit encastrée.
Elle ressentit dans son corps des douleurs excessives.
Un jour des Rameaux, elle reçut la Sainte
communion mais fut quelques temps sans pouvoir avaler l’hostie. Il lui semblait alors qu’elle
avait la bouche pleine de sang et que son visage en était tout couvert.
Elle sentait le sang comme tout chaud et nouvellement sorti de ses veines.
(pour ceux que ça intéresse, Cf. L’enfer et les
fantasmes de l’hostie, Piero Camporesi, Hachette, 1989)
Thérèse faisait souvent de la
lévitation. On la voyait suspendue en l’air pendant ses
prières. Au début de ses lévitations, un jour où
elle s’était mise à monter, elle s’accrocha à
une grille tant la position était inconfortable. Puis, elle
s’habitua à monter sans appui.
Son visiteur le plus fréquent
était bien sûr Jésus-Christ avec qui elle entretenait de
doux rapports, mais elle eut aussi l’honneur de recevoir la visites de la
Sainte Vierge, de Saint Joseph, des apôtres Pierre et Paul, de Saint
Dominique, (avec qui elle discuta pendant deux heures) Saint François,
Sainte Claire et de biens d’autres Saints ainsi que des dix mille martyrs
qui lui promirent de l’assister au moment de sa mort.
Un jour la Vierge lui apparut avec un grand
manteau dont elle couvrait Thérèse et toutes ses moniales.
Réformes et Fondations :
Thérèse fut une grande
réformatrice et fonda une vingtaine de nouvelles maisons pour les
sœurs ainsi qu’une quinzaine de maisons pour les religieux dont
plusieurs en Italie et au Mexique. Chaque fois, elle y installait le culte
à Saint Joseph.
Comme toutes les fondatrices, elle eut bien des
difficultés pour l’organisation et le financement de ses maisons.
Ses rapports constants avec Jésus la confortaient dans son dessein.
On disait à l’époque
qu’elle était possédée par un “esprit
ambulatif”, qui avait la « bougeotte ». La
difficulté était augmentée par les accès de
fièvre qu’elle contractait assez souvent. On aurait pu croire
qu’elle était mue par l’horreur que lui inspiraient les
destructions et les cruautés commises par les protestants dans toute la
France. Son grand désir était de construire chaque fois une
église de plus.
Tout ça ne l’empêchait pas
d’écrire plusieurs ouvrages dont sa “vie”, tout en
exigeant de ses moniales la plus grande simplicité de fonctionnement,
à la limite de la naïveté.
Elle communiait le plus souvent possible. Elle
obtint même de pouvoir communier tous les jours. C’est à
partir de ce moment que ses vomissements du matin disparurent pour ne laisser
place qu’aux vomissements du soir, et cela pendant 23 ans.
Paradoxalement elle avait une mentalité
bien pragmatique. Un soir de la Toussaint, elle était à
Salamanque, elle s’enferma avec une moniale pour dormir dans une salle.
Sa compagne lui dit : “Ma Mère, je me demande ce que vous
feriez si je mourais ici subitement ?” Thérèse lui répondit : “ma
soeur, quand ce sera arrivé, je verrai ce qu’il y a à faire.
Pour l’instant, laissez-moi dormir !”
Un jour qu’elle s’était
blessée à la jambe, elle dit à Jésus “Seigneur,
après tant d’ennuis, il faut que celui-là m’arrive en
supplément !” Jésus répondit “Thérèse,
c’est ainsi que je traite mes amis !” Elle répondit “Pas
étonnant que vous en ayez si peu !”
Il paraît qu’elle était
même très bonne cuisinière.
Peu avant sa mort, elle rendit la vie à
un de ses neveux en le serrant fort sur son sein.
Mais Thérèse se sentait
usée !
Elle pouvait de moins en moins vivre sans jouir
des embrassements et des embrasements de son bien-aimé. D’autant
plus qu’un jour Jésus lui dit que s’il n’avait pas
créé le ciel il l’aurait créé pour elle toute
seule et qu’il voulait l’y mettre au plus vite.
Terminant sa dernière fondation, à
Burgos, elle voulut rentrer à Avila. Passant par Albe, la veille de la
Saint Matthieu, elle y faiblit. Elle tint encore jusqu’à la Saint
Michel puis il fallut la coucher.
Le 3 au soir, elle demanda le Saint viatique.
Elle pouvait à peine se remuer. Puis elle recommanda à ses
religieuses de ne rien changer à sa règle. (Saint Dominique,
avant sa mort, avait fulminé contre ceux qui auraient osé toucher
à quoi que ce soit de sa règle dominicaine)
Le lendemain, elle demanda un crucifix, se mit
sur le côté avec la croix dans ses bras. On lui donna
l’extrême onction. Dieu lui apparut ainsi que les dix mille martyrs
qui avaient fait la promesse d’être présents à sa
mort.
Puis elle mourut en fin de soirée.
Le découpage :
On l’inhuma à Albe dans un trou profond
que l’on couvrit de chaux et d’une grande quantité de pierre
afin que personne ne puisse voler son corps. mais comme il continuait
d’en sortir une odeur agréable, on la déterra pour la
trouver aussi flexible que si elle avait été vivante.
On lui coupa la main gauche pour en faire cadeau
aux Carmélites déchaussées de Lisbonne.
On coupa le bras gauche qui fut laissé
à Albe. Le reste fut porté au monastère Saint Joseph
à Avila.
Peu de temps après il fut restitué
au couvent d’Albe sous l’ordre de Sixte V.
Puis, le corps resté flexible et
parfumé, fut placé dans une châsse d’argent que
l’on plaça dans un tombeau à même le maître
autel de l’église.
Dans un oratoire inférieur, on
plaça son coeur et son bras gauche. On peut remarquer dans son coeur la
blessure faite par le séraphin. Le Père Bouix qui, en 1849, a pu
tenir le coeur entre ses mains atteste qu’il dégage une odeur
céleste.
Du bras, on a enlevé les chairs depuis
l’épaule jusqu’au coude afin de les découper et les
envoyer un peu partout comme reliques. L’avant-bras est intact.
En 1615, un de ses pieds fut transporté
à Rome et placé dans le couvent de Sainte Marie de la Scala.
Normal pour un escalier !
Puis, on fit cadeau d’un doigt de la main
à Elisabeth de France, femme de Philippe IV, roi d’Espagne. Elle
le fit enchâsser dans un reliquaire d’or et en fit cadeau à
le reine Marie de Médicis qui le donna au monastère de
l’Incarnation des Carmélites de Paris.
Outre le doigt du milieu de la main droite, les
carmélites ont encore des reliques assez notables de sa chair, mais
elles possèdent aussi son manteau.
Le Carmel de Bruxelles est en possession de son
cinquième doigt et aussi d’une belle relique : une clavicule.
L’index de la main droite se trouve au
couvent de Regina Coeli à Rome. Un autre doigt est chez les
carmélites de Séville.
La fête de la transverbération se
célèbre le 27 août.
On représente parfois Sainte
Thérèse en extase, voyant la place qui lui était
réservée dans l’enfer si elle ne se fût pas
convertie.
Lorsqu’on cherche
l’étymologie du nom de Thérèse on a bien du mal. Il
s’agit toujours de “étymologie obscure”. Mais certain
le font venir de la racine grecques “ther” qui se rapporte aux
monstres et aux dragons de la préhistoire (thériomorphisme)
c’est assez pittoresque mais c’est surtout intéressant par
la sauvagerie que cela suppose chez les gens qui portent ce nom. Sauvagerie
enfouie souvent sous un masque d’hyper-civilité ???
Thérèse d’Avila ! Olé !
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