On m’avait
demandé d’intervenir sur le thème du "corps mythique"
dans un congrès de gérontologie. A Nîmes, une fois de
plus.
Je crois qu’on m’aime à Nîmes ! Des manitous munificents
m’ont nommément mandé, en cette néoménie
automnale, à la saint Michel et à l’heure de none, non
loin de la tour Magne, pour narrer les nuances du corps mythique. Néanmoins,
nonobstant l’accueil maximal, je ne me sentais pas moins myrmidon avec
les mythes au milieu de cette masse multiscientifique de la mouvance médicale.
Pensez donc, on y traitait de la "chirurgie de l’anévrisme
de l’aorte abdominale" et encore de la "coeliochirurgie"
mais aussi de "l’effondrement en valgus de l’arrière
pied" ou encore de la "prostatectomie par thermothérapie"
mieux encore, du "rhinophyma".
Vous iriez y raconter le "Petit chaperon rouge" dans tout
ça ?
Pourtant, le petit chaperon rouge traite bien de l’écoulement
menstruel du sang cataménial. Je leur aurais bien parlé de ça
en catimini, mais j’ai préféré leur expliquer pourquoi
nous naissons dans les choux et pourquoi nous arrivons sur terre sous forme
d’oignons. Et pourquoi le coccyx, l’amande située dans
la partie sacrée, est un os d’immortalité. Et aussi pourquoi
les joueurs de boules font Fanny et vont embrasser son trou du c. quand ils
ont un zéro.
Sympa, les mecs, ça leur a plu. Il faut dire que ça les changeait
des mythes aseptiques. Et je crois qu’on s’est bien amusé.
Mais, j’ai écouté deux
ou trois autres conférences,
et là, l’effroi m’a gagné. Notez que ça
devrait intéresser les conteurs qui ne sont plus tout à fait
jeunes. Entre autres, un exposé parlait du vieillissement de la peau.
Ca, c’est
pour les conteurs qui racontent en plein soleil.
Il s’agissait de faire un parallèle entre le vieillissement intrinsèque
et le vieillissement actinique.
Rendez vous compte, le vieillissement cutané se caractérise,
dans l’épiderme, par un épaississement de la couche cornée,
une diminution du nombre des mélanocytes et de l’activité
et du nombre des cellules de Langerhans et, à la jonction dermo-épidermique,
par la duplication de la lamina densa et la diminution des projections micro-villositaires
de la face inférieure des kératinocites et de la couche basale
et, dans le derme, par la diminution du nombre des fibroblastes dermiques
et la diminution des fibres élastiques oxytalanes et d’élaunine.
De minutes en minutes, je m’enfonçais dans mon fauteuil jusqu’à
m’y recroqueviller complètement. J’aurais voulu disparaître
pour ne plus entendre ces horreurs mais je n’osais pas sortir de peur
de déranger et passer pour un mal poli.
Le conférencier enchaînait : à partir de 30 ans, le
nombre de mélanocytes diminue de 8 à 20 pourcent tous les 10
ans ! Pire, la perte des capacités de réponses aux mitogènes
allait de pair avec la diminution très significative de l’activité
ETAF - Et paf ! (facteur épidermique activant le thymocite,
aux activités IL1-like)
Je n’aime pas ça
! La salle semblait
s’assombrir. Elle n’était déjà pas trop éclairée
et le temps n’aidait pas à éclaircir l’atmosphère.
Dehors il pleuvait, pire qu’en Belgique. Mais alors, une douche permanente,
à seaux. Ca n’arrêtait pas. Je pensais à ma chambre
d’hôtel dans laquelle j’avais remarqué le bruit que
faisait la bouche d’aération. Et j’avais oublié
mes boules Quies. Il fallait absolument que j’aille en acheter sinon,
je ne dormirais pas la nuit prochaine.
Des désordres quantitatifs tels qu’une diminution de la synthèse
des collagènes, de la fibronectine et des acides uroniques constitutifs
des protéoglycannes sont observés au niveau de la matrice extracellulaire
Les poils de ma peau se hérissaient sous l’angoisse. Mais voila
un petit rayon de soleil : Ceux qui font souvent fonctionner leurs zygomatiques
gardent une peau de visage bien lisse. En français correct, comme dirait
Jaulin, ceux qui rigolent souvent gardent longtemps une bonne bouille.
Comme
quoi, on n’échappe pas au mythe. Il est partout. Il y a beaucoup
de saints et de médecins que l’on peut invoquer pour les problèmes
de peau. Les saints sont moins compliqués que les médecins.
Mais ne médisons pas. Il est vrai que les saints ne parlent pas
et leur langue liturgique n’était pas la même autrefois
que celle des médecins
d’aujourd’hui. Mais de saints, y en a-t-il qui ont parlé
de glutathioperoxydase ? Si, peut-être saint Mommolin, patron
des bègues !
Cela dit, je n’allais pas souvent chez le médecin mais je crois
que je n’irai plus du tout. J’aurais trop peur qu’il ne m’injecte
des aminotriazoles, inhibiteurs de la catalase, car ça risquerait
de raccourcir mes fibres élastiques.
Que saints Côme et Damien, médecins d’autrefois vous protègent
de tous vos prurits, eczémas, éruptions, zonas, herpès,
et autres saloperies psychosomatiques.
Bonsoirs antioxydants.