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Site : Les amis du conte - 2/10/2000 - W. Bakeroot

Visite touristique dermo-épidermique

On m’avait demandé d’intervenir sur le thème du "corps mythique" dans un congrès de gérontologie. A Nîmes, une fois de plus.
Je crois qu’on m’aime à Nîmes ! Des manitous munificents m’ont nommément mandé, en cette néoménie automnale, à la saint Michel et à l’heure de none, non loin de la tour Magne, pour narrer les nuances du corps mythique. Néanmoins, nonobstant l’accueil maximal, je ne me sentais pas moins myrmidon avec les mythes au milieu de cette masse multiscientifique de la mouvance médicale.
Pensez donc, on y traitait de la "chirurgie de l’anévrisme de l’aorte abdominale" et encore de la "coeliochirurgie" mais aussi de "l’effondrement en valgus de l’arrière pied" ou encore de la "prostatectomie par thermothérapie" mieux encore, du "rhinophyma".

Vous iriez y raconter le "Petit chaperon rouge" dans tout ça ?
Pourtant, le petit chaperon rouge traite bien de l’écoulement menstruel du sang cataménial. Je leur aurais bien parlé de ça en catimini, mais j’ai préféré leur expliquer pourquoi nous naissons dans les choux et pourquoi nous arrivons sur terre sous forme d’oignons. Et pourquoi le coccyx, l’amande située dans la partie sacrée, est un os d’immortalité. Et aussi pourquoi les joueurs de boules font Fanny et vont embrasser son trou du c. quand ils ont un zéro.
Sympa, les mecs, ça leur a plu. Il faut dire que ça les changeait des mythes aseptiques. Et je crois qu’on s’est bien amusé.

Mais, j’ai écouté deux ou trois autres conférences, et là, l’effroi m’a gagné. Notez que ça devrait intéresser les conteurs qui ne sont plus tout à fait jeunes. Entre autres, un exposé parlait du vieillissement de la peau. Ca, c’est pour les conteurs qui racontent en plein soleil.
Il s’agissait de faire un parallèle entre le vieillissement intrinsèque et le vieillissement actinique.
Rendez vous compte, le vieillissement cutané se caractérise, dans l’épiderme, par un épaississement de la couche cornée, une diminution du nombre des mélanocytes et de l’activité et du nombre des cellules de Langerhans et, à la jonction dermo-épidermique, par la duplication de la lamina densa et la diminution des projections micro-villositaires de la face inférieure des kératinocites et de la couche basale et, dans le derme, par la diminution du nombre des fibroblastes dermiques et la diminution des fibres élastiques oxytalanes et d’élaunine.
De minutes en minutes, je m’enfonçais dans mon fauteuil jusqu’à m’y recroqueviller complètement. J’aurais voulu disparaître pour ne plus entendre ces horreurs mais je n’osais pas sortir de peur de déranger et passer pour un mal poli.
Le conférencier enchaînait : à partir de 30 ans, le nombre de mélanocytes diminue de 8 à 20 pourcent tous les 10 ans ! Pire, la perte des capacités de réponses aux mitogènes allait de pair avec la diminution très significative de l’activité ETAF - Et paf ! (facteur épidermique activant le thymocite, aux activités IL1-like)

Je n’aime pas ça ! La salle semblait s’assombrir. Elle n’était déjà pas trop éclairée et le temps n’aidait pas à éclaircir l’atmosphère.
Dehors il pleuvait, pire qu’en Belgique. Mais alors, une douche permanente, à seaux. Ca n’arrêtait pas. Je pensais à ma chambre d’hôtel dans laquelle j’avais remarqué le bruit que faisait la bouche d’aération. Et j’avais oublié mes boules Quies. Il fallait absolument que j’aille en acheter sinon, je ne dormirais pas la nuit prochaine.
Des désordres quantitatifs tels qu’une diminution de la synthèse des collagènes, de la fibronectine et des acides uroniques constitutifs des protéoglycannes sont observés au niveau de la matrice extracellulaire
Les poils de ma peau se hérissaient sous l’angoisse. Mais voila un petit rayon de soleil : Ceux qui font souvent fonctionner leurs zygomatiques gardent une peau de visage bien lisse. En français correct, comme dirait Jaulin, ceux qui rigolent souvent gardent longtemps une bonne bouille.

Puis ça s’enfonçait à nouveau :
La superoxyde-dismutase (SOD) est absente du derme et peu activée dans les kératinocytes. Son rôle serait dévolu à la thioredoxine réductase présente dans les cellules épidermiques. L’âge constitue le principal facteur physiologique de variation de ces enzymes antioxydants dont l’activité diminue significativement après 60 ans, tant pour la superoxyde dismutase que pour la catalase et la glutathioperoxydase.
C’en était trop, pourtant, les diapos exposées étaient belles et bien faites, claires, avec des couleurs attrayantes. Mais cette mythologie m’était bien étrangère. Je préfère les oignons ou les choux cosmiques.
Ca s’est terminé rapidement, sans chute. J’ai donc filé sous la pluie chercher les boules Quies. J’ai raté la conférence sur le traitement et la prévention du vieillissement. Mais au vu du résumé, c’était moins mythologique que la précédente, bien qu’on y traitait de l’efficacité des topiques contenant des alpha ou bêta hydroxyacides et des antiradicalaires. Tant pis ! J’ai tout de même retenu que le tabac, l’alcool et l’exposition prolongée au soleil n’arrangent rien si l’on veut rester jeune.
C’est la morale de l’histoire.

Comme quoi, on n’échappe pas au mythe. Il est partout. Il y a beaucoup de saints et de médecins que l’on peut invoquer pour les problèmes de peau. Les saints sont moins compliqués que les médecins. Mais ne médisons pas. Il est vrai que les saints ne parlent pas et leur langue liturgique n’était pas la même autrefois que celle des médecins d’aujourd’hui. Mais de saints, y en a-t-il qui ont parlé de glutathioperoxydase ? Si, peut-être saint Mommolin, patron des bègues !
Cela dit, je n’allais pas souvent chez le médecin mais je crois que je n’irai plus du tout. J’aurais trop peur qu’il ne m’injecte des aminotriazoles, inhibiteurs de la catalase, car ça risquerait de raccourcir mes fibres élastiques.
Que saints Côme et Damien, médecins d’autrefois vous protègent de tous vos prurits, eczémas, éruptions, zonas, herpès, et autres saloperies psychosomatiques.

Bonsoirs antioxydants.

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