Conte Chinois :
Le jeune homme serpent
Autrefois il y a bien longtemps, à l’époque où l’Esprit soufflait puissamment sur le monde, à l’époque où les êtres humains et les immortels étaient plus souvent en relation que de nos jours, une jeune orpheline, souvent maltraitée par sa marâtre et sa fille qui la détestaient toutes deux pour sa grande beauté, s’était éloignée dans la montagne pour ramasser du bois.
Alors qu’elle marchait elle vit un ensemble de plantes harmonieux dont l’une d’elle la fascina avec sa fleur et son bouton. Elle la trouva d’une beauté tellement émouvante qu’elle la contempla longtemps. Intimidée par tant de splendeur elle n’osa pas cueillir la fleur mais pris le bouton qu’elle mit dans ses cheveux.
Elle rentra chez elle joyeuse, le pied léger, un chant sur les lèvres, son fagot sur l’épaule et sa belle-mère et sa sœur, la voyant si belle, le visage illuminé par ce bouton, manquèrent de s’étrangler de dépit.
« Où as-tu pris cette fleur ? » hurla sa sœur en la lui arrachant brutalement. Elle baissa la tête et répondit « Sur la montagne. Il y avait aussi une fleur épanouie magnifique mais je n’ai pas osé la cueillir. »
Elle brailla « Maman il me faut cette fleur ! »
« Mais bien sûr mon trésor ! » lui répondit tendrement sa mère.
« N’ose pas de présenter à nouveau devant nous si tu ne la ramènes pas ! » Elle jeta sa belle-fille dehors et celle-ci n’eut pas d’autre choix que de retourner sur ses pas dans la montagne.
Or elle ne le savait pas mais cette plante appartenait au jardin secret du jeune homme serpent, gardien des plantes et des animaux de montagne, et il aimait cette fleur et son bouton plus que tout au monde. Chaque jour il venait les contempler, il passait des heures à observer le déploiement des pétales, leur épanouissement, leur croissance, la promesse d’une fleur future. Cette beauté emplissait son âme d’une douceur ineffable.
Quand il s’aperçu que sa plante bien-aimée avait été saccagée, que le précieux bouton avait été dérobé, son cœur se serra de douleur et il se tapit dans les herbes pour surprendre le voleur, certain que celui-ci reviendrait sur le lieu de son forfait.
Il n’eut pas longtemps à attendre. Quand la jeune fille, soupirant de regret, tendit la main vers la fleur pour la cueillir il la saisit au poignet. « Comment oses-tu piller mon jardin ? Cette plante est ce que j’ai de plus cher au monde ! »
Les yeux de la jeune fille s’emplirent de larmes « Pardon mais si je ne ramène pas cette fleur chez moi, ma mère et ma sœur ne me laisseront pas rentrer ».
Il la regarda. Sa beauté plus émouvante encore que celle de la fleur bouleversa son cœur et son âme. Alors il cueilli lui-même sa précieuse fleur, la mit dans ses cheveux et lui dit : « Si tu veux devenir ma femme, chez moi sera chez toi et tu sauras toujours où rentrer. »
Elle vit qu’il était beau, que sa beauté qui venait de sa bonté profonde parlait à son cœur et accepta sa proposition en rougissant de joie.
Ne la voyant pas revenir, sa belle-mère et sa fille pensèrent qu’elle avait été dévorée par les bêtes sauvages et se réjouirent d’être débarrassé d’elle.
La jeune femme vivait en paix avec son mari et chaque jour leur apportait sa moisson de bonheur. Leur tendresse réciproque était toujours plus intense et l’un comme n’avait jamais été aussi heureux.
Au printemps suivant sa sœur pleura que son jardin n’avait pas de fleur. « Je vais t’en chercher mon trésor ! » s’exclama sa mère « il y en a sûrement beaucoup sur la montagne ! »
Alors qu’elle était sur le mont, frappée par le son d’une voix elle se cacha dans l’ombre, heureuse d’entendre des esprits, espérant qu’elle pourrait en tirer quelque chose. Elle entendit un homme dire d’un ton infiniment tendre. « Que tu es belle ma bien-aimée ! » Elle tira un peu le cou pour voir et faillit s’étrangler de surprise en s’apercevant que la jeune femme qui penchait gracieusement la tête tandis que l’homme lui mettait une fleur dans les cheveux n’était autre que sa belle-fille disparue.
Ils avaient l’air si heureux. C’était injuste ! Sa propre fille, plus agée, était encore célibataire alors que cette intrigante avait épousé l’esprit de la montagne. Ça aurait dû être le contraire, il fallait qu’elle remédie à la situation !
S’élançant hors de sa cachette elle se précipita vers la jeune femme en s’exclamant : « Ma chérie tu es vivantes ! Oh que je suis heureuse ! Tu m’as tellement manqué ! Je t’ai tellement cherchée. »
Surprise, heureuse de ces marques d’affection, la jeune femme, qui était un cœur pur, accueilli sa belle-mère avec joie.
« Montre-moi où tu habites ma chérie que je sois rassurée sur ton sort. »
L’homme serpent ne voulut pas s’opposer au désir de sa femme et la belle-mère les suivit.
Elle faillit crever de rage quand elle vit le magnifique palais où vivait le jeune couple et détermina que sa propre fille devait absolument en devenir la maitresse de maison.
Le lendemain, alors que l’homme serpent était hors de chez lui elle invita la jeune femme à s’asseoir sur la margelle du puits pour se mirer dans l’eau : « Ma chérie vient voir comme tu es belle ! »
Quand celle-ci se pencha elle la poussa violement. Le puis était profond, on prétend que sa source jaillissait du centre de la terre, elle tomba longtemps et disparut dans l’eau noire. Il y eu un frémissement à la surface de l’eau, un petit oiseau en sortit et vola hors du puis.
Quand l’homme serpent revint la belle-mère l’attendait en pleurs, se griffant le visage de désespoir : « Malheur à moi ! Ma fille, ma si belle fille est tombée dans le puits. Je lui avais pourtant dis de ne pas se pencher mais elle ne m’a pas écoutée l’insensée ! Malheur ! Malheur !
« C’est toi qui l’a poussée mauvaise. Va-t’en d’ici ! » « Mais que dis-tu ? Jamais je ne lui aurais fait de mal mais j’ai une autre fille. Si tu veux je te l’amène, elle sera pour toi une excellente épouse ! »
« Je ne veux pas voir ta fille ! Va-t’en au plus vite ! »
« Je suis trop vieille, trop fatiguée pour voyager. Il faut que je me repose avant de partir sinon je mourrai en chemin. »
Assommé par la douleur il consenti à ce qu’elle resta chez lui à condition de ne pas la voir. La vieille femme se frottait les mains, certaine qu’elle aurait gain de cause sur sa résistance et qu’elle finirait par le convaincre d’épouser sa fille.
Alors qu’il marchait dans le jardin le cœur lourd, un petit oiseau se mit à chanter à plein poumons et son chant le touchant en plein cœur lui fit relever la tête. « Petit oiseau si tu connais ma femme, si tu en as des nouvelles, vient ! » Le petit oiseau vint se poser sur sa main et l’homme cessa d’être triste. Le petit oiseau était sans cesse avec lui, il passait la majeure partie de son temps avec lui et son âme connu à nouveau la paix et la joie comme si sa chère épouse ne l’avait jamais quitté. Quand il devait s’absenter, il l’enfermait dans une cage pour le protéger du monde extérieur.
Or la belle-mère crevait de jalousie en voyant de quelle attention l’homme entourait l’oiseau. Tant qu’il avait ce réconfort il ne voudrait pas se marier avec sa fille. A peine eu-t-il le dos tourné, elle sorti l’oiseau de sa cage et l’étrangla.
Quand l’homme serpent revint elle l’attendait en pleurs. « Malheur à moi ! L’oiseau, ce si bel oiseau que tu aimais tant a été tué par le chat : à peine es-tu parti d’ici qu’il a bondit sur la cage, l’a brisée en la renversant et a tué l’oiseau. J’ai pu l’empêcher de le dévorer mais pas de le tuer ! Malheur ! Malheur ! »
« C’est toi qui l’a tué mauvaise. Va-t’en d’ici ! » « Mais que dis-tu ? Jamais je ne lui aurais fait de mal ! Mais j’ai une autre fille. Si tu veux je te l’amène, elle sera pour toi une excellente épouse ! »
« Je ne veux pas voir ta fille ! Va-t’en au plus vite ! »
« Je suis trop vieille, trop fatiguée pour voyager. Il faut que je me repose avant de partir sinon j’en mourrai en chemin ! »
Assommé par la douleur il consenti à ce qu’elle resta chez lui à condition de ne pas la voir. La vieille femme se frottait les mains, certaine qu’elle aurait gain de cause sur sa résistance et qu’elle finirait par le convaincre d’épouser sa fille.
Il enveloppa le petit oiseau mort dans un foulard de soie et l’ensevelit aux pieds d’un pêcher. Le lendemain l’arbre était couvert de fleurs et de fruits. Il en mangea un, son parfum était ineffable, jamais il n’avait rien mangé de plus suave et son chagrin fut apaisé. Il passa la majeure partie de son temps près du pêcher et son âme connu à nouveau la paix et la joie comme si sa chère épouse ne l’avait jamais quittée.
Or la belle-mère crevait de jalousie en voyant de quelle attention l’homme entourait le pêcher. Tant qu’il avait ce réconfort il ne voudrait pas se marier avec sa fille. A peine eu-t-il le dos tourné, elle prit une hache et l’abattit.
Quand l’homme serpent revint elle l’attendait en pleurs. « Malheur à moi ! L’arbre, ce si bel arbre que tu aimais tant a été abattu : à peine tu es partie un fou, probablement un démon, est arrivé et l’a coupé. J’ai pu l’empêcher de le faire car j’ai eu peur ! Malheur ! Malheur ! »
« C’est toi qui l’a coupé mauvaise. Va-t’en d’ici ! » « Mais que dis-tu ? Jamais je n’aurais fait ce mal ! Mais j’ai une autre fille. Si tu veux je te l’amène, elle sera pour toi une excellente épouse ! »
« Je ne veux pas voir ta fille ! Va-t’en au plus vite ! »
« Je suis trop vieille, trop fatiguée pour voyager. Il faut que je me repose avant de partir sinon j’en mourrai en chemin ! »
Assommé par la douleur il consenti à ce qu’elle resta chez lui à condition de ne pas la voir. La vieille femme se frottait les mains, certaine qu’elle aurait gain de cause sur sa résistance et qu’elle finirait par le convaincre d’épouser sa fille.
L’arbre abattu avait une étrange beauté et une étrange grâce. Quelque chose de poétique qui rappelait le vent qui autrefois bruissait dans ses feuilles. Il recueillit soigneusement ses fruits et fit une harpe de son bois.
C’était une harpe exceptionnelle. Quand il en jouait on aurait dit le son d’une voix de femme qui chantait, le son de la voix de sa femme. Il passait de longues heures à effleurer ses cordes, l’âme apaisée, le cœur content, il avait l’impression que sa chère épouse ne l’avait jamais quitté.
Or la belle-mère crevait de jalousie en voyant tout le temps qu’il passait à jouer de la harpe. Tant qu’il avait ce réconfort il ne voudrait pas se marier avec sa fille. A peine eu-t-il le dos tourné, elle jeta la harpe dans le feu et celle-ci s’enflamma.
Quand l’homme serpent revint, qu’il s’aperçu que sa merveilleuse harpe n’était plus et qu’elle avait été brûlée en retrouvant un petit bout de corde calcinée dans l’âtre, il sentit monter en lui une vague de désespoir mais à ce moment-là le chat passa et lui parla. Les chats sont souvent en contact avec l’invisible et savent souvent plus de choses que les immortels même.
« Homme serpent, je sais comment tu peux retrouver ta femme mais en auras-tu le courage ? »
« J’ai tous les courages pour la retrouver ! Je t’en prie chat dis-moi ce que je dois faire. »
« Eh bien si tu arroses les cendres de ta harpe chaque jour, pendant cent jours, de cent seaux d’eau que tu remplis à la rivière, au centième seau du centième jour tu retrouveras ta femme. »
L’homme serpent le remercia vivement et prit un seau. A ce moment-là la marâtre lui demanda « Ne veux-tu pas voir ma fille. Ce serait une bonne épouse pour toi ! »
« Je veux bien mais pas maintenant. Va-t’en et ne revient avec ta fille que dans cent jours au soir. » La vieille partit heureuse en se frottant les mains.
Le dur travail de l’homme serpent commença. Un seau après l’autre, il arrosait les cendres. Parfois il trébuchait sous le poids de l’eau mais il ne se décourageait jamais. Le soir, au centième seau, il était si fatigué qu’il s’abattait sur son lit comme une masse mais le matin dès l’aube il était debout et recommençait inlassablement son travail.
Finalement le centième jour arriva et ce furent probablement les cent seaux les plus durs des cent jours que ces cent derniers seaux ! Mais une fois encore, armé de son amour, de sa patience et de son courage, l’homme serpent arrosa les cendres et quand il eut versé le centième seau, merveille des merveilles, il vit sa belle épouse, là, debout devant lui. Ils s’étreignirent avec ferveur. C’est ce spectacle que virent la belle-mère et sa fille en arrivant. Elles eurent si peur qu’elles se sauvèrent et qu’on ne le revit jamais plus.
L’homme serpent et sa belle épouse sont des immortels, ils sont éternellement jeunes et vivent depuis lors dans le plus parfait bonheur.
Quand vous marchez dans la montagne, qu’un petit vent doux vous caresse et que le parfum des fleurs vous enveloppe tendrement, soyez attentifs, ils sont probablement là. Si vous parvenez à entendre leurs murmures ils parleront à votre âme.
Mis en forme et raconté par Noëlle Appia.