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Du Temps qui ne passe pas, qui bŽgaye, qui dŽborde

dans quelques cas cliniques en IME et en CHS

 

Christophe Grosjean, musicothŽrapeute, Besanon

 

7mes rencontres professionnelles

de musicothŽrapie active

Paris, samedi 9 et dimanche 10 novembre 2013

 

tof.grosjean@orange.fr

 

Je suis musicothŽrapeute, et jĠinterviens dans diverses institutions mŽdico-sociales ˆ Besanon et ses environs.

Ç Ca sert ˆ quoi, la musicothŽrapie ? CĠest pour faire passer le temps ? È Non, la musicothŽrapie ne reprŽsente pas une activitŽ occupationnelle ; il sĠagirait plut™t de participer ˆ ce que les mouvements du temps puissent ˆ nouveau couler, trouvent ˆ sĠincarner, chez des personnes ayant souvent des difficultŽs ˆ entrer dans le temps, dans le rythme et lĠarticulation.

 

Je vous invite ˆ me suivre au travers de quelques rŽcits de prises en charge en musicothŽrapie active, dans les mŽandres du temps qui ne passe pas, qui bŽgaye, qui dŽborde, et qui peut aussi parfois trouver ˆ sĠorganiser.

 

 

FABIO ET LES PORTES DU TEMPS

Fabio est en IME (Institut MŽdico-Educatif). Il a 5 ans environ quand je le rencontre, il a des troubles autistiques et ne parle pas. Il est dŽcrit comme indiffŽrent, non-communiquant ; il est difficile de comprendre ses demandes, ses besoins ponctuels. Les personnes qui travaillent avec lui se sentent un peu dŽmunies, il faudrait dŽgager quelquĠun pour sĠoccuper de lui individuellement.

Il nĠaccroche ˆ rien, hormis les portes qui le fascinent, et dans lesquelles on ne le laisse pas jouer pour quĠil nĠencombre pas le couloir et les passages, aussi pour Žviter les accidents dans les portes battantes. Aussit™t quĠil le peut, il Žchappe ˆ la surveillance des adultes pour se placer devant une porte battante du couloir, porte quĠil ne franchit jamais, mais quĠil pousse pour le plaisir sans borne de la voir se balancer. Fabio est comme en extase, ses mains deviennent moites, il transpire, puis tremble jusquĠˆ la crise.

On pense ˆ une prise en charge particulire pour Fabio, pourquoi pas la musicothŽrapie.

Et cĠest lˆ que dŽbutent nos rencontres, qui se feront sur un rythme hebdomadaire, hors vacances scolaires, et dureront 6 mois.

 

Les portes, objet principal dĠintŽrt pour Fabio, deviennent Žvidemment nos premiers et principaux espaces de jeux, espaces que lĠon nous a autorisŽ ˆ investir, des passages quĠon nous a autorisŽ ˆ obstruer ! Tout du moins les portes qui se trouvent juste ˆ c™tŽ de son groupe de vie, et de la salle quĠon nous a attribuŽ pour mener lĠatelier.

Fabio reste comme fascinŽ devant les portes, comme hypnotisŽ ; il ne traverse pas, sauf bien sžr quand on lui tient la main et quĠon lĠemmne. Mais lui ne dŽsire que se planter devant. Seul, le passage ne se fait pas. Les passages... Je pense alors ˆ tout ce que a peut Žvoquer : la naissance, les rites de passage dŽbouchant sur de nouveaux Žtats dĠtre ; mais aussi et pourquoi pas les histoires de pierres qui virent, vŽritables passages vers un autre monde, qui tournent une fois lĠan pour ouvrir sur des trŽsors. Il faut faire vite si on veut sĠemparer de ces trŽsors qui y sont cachŽs, car la pierre vire pour ouvrir le passage quand sonnent les 12 coups de minuit ; elle sĠouvre pendant 6 coups, et se ferme les 6 coups suivants. On sĠy retrouve bloquŽ pour lĠŽternitŽ si on nĠa pas fait suffisamment vite. On dit quĠune femme y est entrŽe et a paniquŽ quand la porte a commencŽ ˆ se refermer ; elle y a oubliŽ son enfant, sĠapercevant trop tard quĠil nĠŽtait pas sorti avec elle. On dit aussi quĠelle est revenue un an aprs, et quĠelle lĠa retrouvŽ identique ˆ celui quĠil Žtait un an plus t™t. Le temps est arrtŽ au delˆ de ces portes du temps.

Fabio, lui, ne traverse pas. Le seul trŽsor quĠil cherche, cĠest de pouvoir tirer la porte pour quĠelle se balance, et il se balance avec elle.

 

Hormis ce balancement sans vie, cette stŽrŽotypie, Fabio nĠinvesti que peu son corps ; ses dŽplacements se font sur un tracteur ˆ pŽdales ou sur un fauteuil roulant, les autres instruments rythmo-musicaux qui nous distraient des portes.

Les instruments de musique proposŽs, ceux que jĠamne, sont quand ˆ eux jetŽs ; Fabio se bouche mme les oreilles, il semble dŽrangŽ. Paradoxalement, il peut avoir du rythme, mais il sĠarrte vite, comme si le fait dĠentrer dans le temps ne lui Žtait pas possible.

Les portes (comme le tracteur ˆ pŽdales) deviennent les supports de nos jeux rythmiques. Pas besoin dĠinstrument (de musique) ! Avec les portes, se mettent en place des jeux rythmiques avec les opposŽs complŽmentaires :

- ouvert / fermŽ ; jĠ™te une syllabe au chant ˆ mesure que le balancement de la porte se rŽduit, Ç Toc toc la porte est ouverte, Clac elle sĠest refermŽe È, pour finir en Ç Toc, Clac È

- prŽsence / absence ; je rentre, laisse la porte se refermer, je toque, il rouvre, je reviens, Ç Passe, passe, passera, qui a, Christophe, Passe, passe, passera, et Fabio qui restera È.  Les portes sont Žgalement un espace percussif, et le miroir de nos balancements...

 

A mesure que nous jouons dans les portes, notre relation Žvolue. DĠabord dans nos dŽplacements en direction des portes, qui peuvent tre plus longs et variŽs. Sur ses vŽhicules, le tracteur et le fauteuil, Fabio sĠest mis ˆ rythmer mes chants, qui nous accompagnent dans nos dŽplacements, en frappant le sol avec ses pieds, comme moi ; Ç Fabio, Fabio, Fa fa fa Fabio È. Le jeu est rythmique tout dĠabord, mais il lui permet aussi dĠavancer avec son tracteur de faon autonome sans me solliciter pour lĠaider (il arrive trs bien ˆ sĠŽchapper seul sur son tracteur). Puis, pour quĠil descende de son substitut de corps, sa Ç carapace È, je lui propose de monter sur mes pieds ; nous devenons une sorte dĠhybride fusionnel ˆ deux ttes. Nos dŽplacements sur mes pieds sont reproduits dĠune fois ˆ lĠautre, accompagnŽs par des chants de type comptine ; Ç CĠest ˆ lĠIME o lĠon danse, o lĠon danse, Fabio fait quelques petits pas, Et voilˆ pourquoi on garde la cadence, la cadence de mazurka È ; il est trs raide dans un premier temps, mais il se laisse aller ˆ mes pas progressivement ; petit ˆ petit et sensiblement, cĠest Fabio qui initie le mouvement, je me coule dans ses propositions, jĠessaye de faire en sorte dĠtre dansŽ, dĠtre agi, de le laisser impulser. Il commencera progressivement ˆ se sŽparer de mon corps (dĠabord dans des jeux o je mĠŽloigne quand il arrive pour grimper sur mes pieds) pour expŽrimenter lui-mme le mouvement, sans me monter dessus ; nous dansons c™te ˆ c™te, on peut sĠapprocher, se prendre les mains pour tourner et se sŽparer, la distinction entre nous devient plus Žvidente. Sans ses vŽhicules de substitution, il investit davantage son corps, et sans passer par un objet tiers. Le rapport ˆ son propre corps et ˆ lĠespace qui lĠentoure sĠŽlargit, il est capable dĠexpŽrimenter des mouvements impossibles auparavant, comme aller en marche arrire sans se retourner, ou taper dans ses mains.

 

Des trajets similaires se dessinent en parallle. Fabio a progressivement acceptŽ les instruments, dĠabord en me les faisant jouer, puis en les jetant quand il en avait assez ; il est devenu petit ˆ petit actif, nous avons pu jouer simultanŽment avec un instrument chacun. Les sons nouveaux lĠont alors moins amenŽ ˆ se boucher les oreilles, ses potentialitŽs de mouvements se sont un peu ouvertes (entre secouer, frapper, frotter, dissocier les mains). Des propositions solides ont commencŽ petit ˆ petit ˆ appara”tre, moins Ç collŽes È aux miennes, et du jeu en responsorial a commencŽ ˆ pouvoir se dŽvelopper. Un boomwhacker (tube plastique sonore accordŽ sur une note) nous a servi au dŽpart dĠentre deux ; on se regarde alors par le bout de la lorgnette, puis je souffle dedans... Il se montre dĠabord impressionnŽ, mais il rŽpond progressivement. Le souffle se fait doucement intonation, phonme... Ses sons les plus frŽquents sont dans un registre trs aigu. Les graves lĠimpressionnent manifestement, il nĠest pas rare alors quĠil jette lĠinstrument (je pense alors au fait que la voix grave est la voix qui mue, un passage vers le grandir. Elle est aussi la voix des monstres, les grands avaleurs et leur voix caverneuse, et la voix du pre). Puis des jeux dĠimitation, nous entrons dans des jeux de Ç dialogue È, antiphoniques o la relation est plus vivante, et o nous ne jouons plus uniquement ˆ nous imiter, mais ˆ Žlaborer des Žbauches de simulacre de dialogue rythmŽ et mŽlodiŽ.

 

Que ce soit dans nos trajets dansŽs, nos jeux de voix, nous commenons ˆ penser que peut tre se construit une possible prise de conscience symbolique de la distance nŽcessaire entre deux tres, dans une amorce dĠŽloignement de la relation fusionnelle dans laquelle nous nous trouvions jusquĠalors.

DĠautre part, il lui devient possible dans nos jeux rythmo-mŽlodiques de passer les portes. DĠabord avec moi, dans les jeux nommŽs plus haut prŽsence / absence, puis lui seul, jouant le r™le mobile que je tenais au dŽbut et me laissant le r™le fixe ; Ç Passe, passe, passera, qui a, Fabio, Passe, passe, passera, et Christophe qui restera È. Il est possible aussi de laisser les portes derrire nous, de les franchir et de continuer, ou plut™t de pouvoir y revenir, comme un item possible parmi dĠautres item, un passage dans le dŽroulement de la sŽance, o les perspectives deviennent plus ouvertes. Le lieu de lĠatelier devient quant ˆ lui plus clairement dŽfini, tout se rassemble de plus en plus dans la salle.

 

Les progrs de Fabio sont constatŽs ˆ lĠIME ; il est visiblement moins angoissŽ, se rŽfugie moins dans ses stŽrŽotypies, et commence ˆ entrer dans la relation. On a Žgalement constatŽ quĠil commenait ˆ jouer seul (voir Winnicott, De la capacitŽ ˆ tre seul). Il lui est proposŽ un dŽbut dĠapprentissage trs sommaire du langage des signes, avec des sons associŽs. Il semble apprŽcier, et nous en voyons le bŽnŽfice dans la rŽappropriation quĠil en fait dans les comptines de gestes.

 

Le travail continue. Les jeux vocaux se dŽveloppent depuis que Fabio a manifestŽ son intŽrt pour la flžte, instrument dont le spectre sonore sĠaccorde avec la tonalitŽ des sons vocaux quĠil fait le plus frŽquemment, trs aigus. Nous balanons face ˆ face, et Fabio joue donc ˆ reprendre Žtonnamment les sons de la flžte (il a une excellente oreille, et cĠest surtout intŽressant parce que a permet dĠinverser rŽellement la tendance installŽe souvent jusquĠalors, o cĠŽtait moi qui reprenais ses sons). De ce fait, il expŽrimente petit ˆ petit des sons inhabituels, moins dŽrangŽ par les sons graves, quĠil utilise comme dans un simulacre de voix parlŽe avec ses intonations. Ici Žgalement, nous sortons de la fusion ou de la simple imitation, pour entrer davantage dans un Žchange fait de contrastes et dĠopposition, o chacun peut tre diffŽrent mais en relation. Fabio commence ˆ mŽlodier avec sa voix ; nous sommes dans ce qui pourrait tre le tout dŽbut de lĠorganisation du langage. Il semble prendre beaucoup de plaisir ˆ ces Žchanges puisque progressivement nous pouvons rester un bon quart dĠheure sur ce type de jeu sans nous arrter.

Je pense alors ˆ une citation aperue dans le programme dĠun thŽ‰tre : Ç Le duo parfait, cĠest quand chacun croit accompagner lĠautre sans se douter que cĠest lĠautre qui lĠaccompagne È.

 

Nos r™les peuvent encore davantage trouver ˆ se distancier, dans divers jeux de relation : des lames de mŽtallophone sont posŽes au sol comme les barreaux dĠune Žchelle, ou un jeu de marelle, o je me lance ; il accompagne chacun de mes pas dĠun son vocal, ou dĠun coup dĠinstrument, souvent un afuchŽ. Les places sont alors interchangeables, il accepte dĠentrer dans cette Žchelle, me laissant lĠaccompagner. La qualitŽ de notre relation a beaucoup changŽ.

 

Une balanoire a ŽtŽ installŽe dans notre salle ; Fabio lĠinvesti rapidement ; elle semble lĠamener ˆ des mouvements plus ronds, plus souples et balancŽs. Ce sera autour dĠelle que nos dernires sŽances sĠorganiseront.

Cette balanoire grince, ce qui nĠest pas pour me dŽplaire. Je rythme sur un tambourin lĠextrŽmitŽ du parcours (le tambourin Žtait un instrument qui posait un problme jusquĠalors, peut tre trop sonore, et qui amenait Fabio ˆ me le prendre et le jeter). Je chante in in in (le grincement), la balanoire fait crac crac crac, le tb suit, une dr™le de polyrythmie en rŽsulte, et je me balance comme lui ; il me regarde ! Progressivement, cĠest lui qui tape dans le tambourin quand il arrive ˆ proximitŽ, ˆ une extrŽmitŽ du balancement. Il explose de joie, rit comme jamais je ne lĠai entendu. Nos Žchanges ˆ la suite continuent ˆ tre plus variŽs et rythmŽs, avec imitations, oppositions, vŽritables dialogues musiquŽs o il manifeste de la surprise (qui nĠest plus bloquante) et de la nouveautŽ. Ses Ç danses È deviennent plus souples, plus fluides. Ses mŽlodies vocales ressemblent de plus en plus ˆ des intonations verbales...

Fabio pourrait-il parler ? Je ne le saurai pas, puisque la prise en charge sĠarrtera avec les vacances scolaires dĠŽtŽ, une orientation vers un nouvel Žtablissement se dessinant pour Fabio avec la rentrŽe ˆ suivre.

En tout cas, Fabio a beaucoup ŽvoluŽ en terme dĠŽchange relationnel ; il est davantage dans le regard, attentif ˆ lĠextŽrieur, et expŽrimente les choses qui semblaient le dŽranger auparavant. Musiquant, Fabio progresse dans sa capacitŽ ˆ communiquer, ce qui semble pour lui tre source de joie.

 

En faisant quelques petites recherches sur la balanoire, quelques ŽlŽments ont attirŽ mon attention : la balanoire est dŽcrite comme associŽe dans toute lĠAsie sud-orientale aux rites de fertilitŽ et de fŽconditŽ, ˆ cause de son mouvement dĠalternance. Son balancement est parfois reliŽ aux rites dĠobtention de la pluie, car le balancement de lĠescarpolette fait bien prŽsager la hauteur des plats de riz.

Le rythme du balancement est considŽrŽ tre celui du temps. Le portique, entrŽe et sortie du monde, porte du soleil, reprŽsente le rythme universel de la vie et de la mort ; la balanoire est rŽservŽe aux communications entre la terre et le ciel. Voir Le dictionnaire des symboles (Jean Chevalier et Alain Gheerbrant, Bouquins, 1982, et Le balancement considŽrŽ comme rite magique, in James Georges FRAZER, Le rameau dĠor, T2 Le dieu qui meurt, Bouquins 1983. Et encore Roger CAILLOIS, Les jeux et les hommes, le masque et le vertige, Gallimard 1958 ; Jean Michel Varenne et ZŽno Bianu, LĠesprit des jeux, Albin Michel 1990.

 

Selon TatĠjana AGAPKINA (Les balanoires slaves : du rite au jeu et au divertissement urbain, Institut dĠEtudes Slaves et Balkaniques, AcadŽmie des sciences, Moscou) Cahiers slaves nĦ1 : Aspects de la vie traditionnelle en Russie et alentour, UniversitŽ Paris Sorbonne, Paris IV

La pratique de la balanoire possde les mmes fonctions que d'autres pratiques rituelles, comme les sauts, les danses, les processions, les rondes, etc. L'individu sur la balanoire est arrachŽ ˆ la terre, comme ŽlevŽ dans l'air, dŽtachŽ de son "contexte" social habituel. Sur le plan symbolique le balancement crŽe un milieu idŽal d'"isolement", dans lequel une transformation intŽrieure de la personnalitŽ est possible, tant sur le plan social (maturitŽ, mariage), que biologique (santŽ, Žvitement des maladies).

 

Quel programme ! IntŽressant de voir ˆ quoi un jeu considŽrŽ comme enfantin se rattache ; ici, nous resterons plus modeste quant ˆ la place de la balanoire, mais son aspect rythmique en fait un instrument de choix dans la palette des instruments de musicothŽrapie active, avec les portes battantes, bien sžr.

 

Et le grincement de la balanoire ?

Ma”tre Djallˆl-od-D”n Ržmi dit un jour :

Ç La musique est le grincement de la porte du paradis. È

Un bigot objecta :

Ç Je nĠaime pas le son des portes qui grincent. È

Le saint rŽpondit :

Ç JĠentends le son des portes qui sĠouvrent,

Toi tu entends le son de celles qui se ferment. È

CitŽ par Bertrand Hell, Le tourbillon des gŽnies, au Maroc avec les Gnawas, Flammarion, 2002

 

 

EN CHS, AU ROYAUME DE CRONOS

Une autre sŽrie dĠhistoires en CHS avec des personnes dites chroniques. JĠinterviens en CHS depuis 10 ans, dans plusieurs unitŽs constituŽes dĠadultes qui sont donc dits chroniques. Mes interventions se font alors auprs de groupes de 4 ˆ 8 personnes, et parfois plus.

En CHS, on parle de Ç chroniques È pour des personnes atteintes de maladies psychiatriques qui Žvoluent lentement et se prolongent.

 

Chronique, Žtymologiquement, est un terme qui est concernŽ par le temps. En grec, chronos, avec un h, est un nom commun, qui signifie Ç temps È. Cronos est aussi un dieu, un titan de la mythologie grecque, dieu qui dŽvorait ses enfants pour Žviter, comme un oracle le lui avait prŽdit, dĠtre supplantŽ par un de ses enfants.

LĠhomophonie (on prononce les deux mots de la mme faon) fait quĠau fil des sicles, on a pris lĠhabitude dĠassocier Cronos-Saturne au Temps, cet Ç ogre È qui dŽvore nos vies.

 

Le terme de Ç chronique È a plusieurs significations dans le dictionnaire ; hormis les personnes chroniques, le terme fait rŽfŽrence Žgalement : aux rŽcits rapportŽs suivant lĠordre du temps, ˆ lĠensemble des nouvelles qui circulent sur des personnes, ou aux nouvelles du jour rapportŽes dans les journaux.

MalgrŽ cette autre homophonie, en CHS, temps et rŽcits ne vont pas de soi. LĠordre symbolique y est souvent perturbŽ, comme la relation au temps, les mots faisant partie de lĠorganisation du temps.

 

 

LE TEMPS QUI BEGAYE

Dans une des unitŽs o jĠinterviens (unitŽ fermŽe, avec des patients ayant eu des problŽmatiques de violence envers des soignants ou dĠautres patients), les patients sont pour une partie dans la rŽpŽtition, rŽpŽtition des dires, des attitudes. Voici un moment de vie de lĠatelier, moment dĠun processus qui prend place dans lĠunitŽ depuis dix ans, et qui nous a fait passer par bien des aventures.

Bernard fait partie de cette unitŽ, et il a des stŽrŽotypies verbales. Il rŽpte des bouts de phrases, sur des thmes plus que rŽcurrents. Il aime beaucoup lĠatelier Ç musique È. A peine suis-je arrivŽ quĠil reprend une de ses formules, Le car... Parti. Avant de lĠaccompagner dans ses dires, nous installons un rituel collectif. Un chant, devenu au fil du temps notre rituel de dŽmarrage. Ce chant est manifestement attendu et fŽdŽrateur. Puis nous continuons la sŽance en jouant ˆ articuler du groupe ˆ lĠindividu, pour donner une place ˆ chacun dans sa singularitŽ. Nous lanons alors un des jeux qui nous occupe souvent alors, un rondo constituŽ dĠun refrain collectif, et de couplets individuels : chacun ˆ leur tour, il leur est proposŽ de Ç prendre la parole È, et dĠimproviser paroles ou jeu sur un instrument. LĠimprovisation est en antiphonique (alternance, de lĠun ˆ lĠautre), dans un cadre rythmique dŽlimitŽ par la durŽe dĠun geste, un bras balancŽ. Comme Brel, dans Les vieux, le balancement de bras aller retour pour dŽcrire la pendule dĠargent, qui ronronne au salon, qui dit oui, qui dit non, qui dit je vous attends... La parole sur le temps du geste aller ou ˆ peine plus, le geste retour ou une partie servant ˆ reprendre son souffle ; le rythme est le vŽhicule de la parole. Lui : le car ; moi : le car bleu ; Lui : le car bleu ; moi : bleu comme sa chaise ; lui : oui, bleu ; moi : il va par lˆ bas ; lui : oui... non, par lˆ ; moi : une dame conduit ; lui : non, un monsieur... Je cherche ˆ faire en sorte de lui permettre de continuer ˆ symboliser, ˆ tenter des associations. Et si musique il y a, elle se situe dans lĠhorizontal, mže par une valeur dĠusage et dĠarticulation. Quand Bernard ou quelquĠun dĠautre est intervenu, nous reprenons le refrain collectivement, refrain construit par deux patients (Nous sommes partis, en bus en voyage, nous avons vu, de beaux paysages, a penche dans lĠvirage, ˆ droite un dŽrapage), dans un jeu o un tambourin devient le volant du bus, volant qui circule ˆ chaque reprise vers un nouveau soliste ; le jeu est alors prŽtexte au balancement, ˆ la danse, aussi ˆ la proximitŽ et ˆ lĠarticulation dans une unitŽ o le rapport ˆ lĠautre est extrmement difficile.

 

Damien fait partie du mme groupe. Il est trs discret habituellement, trs peu dans la parole, et si il y entre cĠest Žgalement pour rŽpŽter, sauf si on le soutien. A son tour, il lance : elle est morte / moi : la voisine ? (Je lĠincite ˆ continuer, en tentant de rester le plus neutre possible) / lui : Non, Marie / moi : Elle est morte dans son fauteuil / lui : Non elle est tombŽe / moi : Ah oui elle est tombŽe, poil au nez (les jeux rythmiques peuvent ne pas sĠembarrasser du sŽmantique) / lui : Sur le nez, du sang qui coule / moi : Elle est tombŽe / lui : tombŽe par terre / moi : tombŽe par terre / lui : les cloches (il fait le geste de sonner les cloches, comme sĠil tirait les cordes) / moi : le vent les fait  sonner / lui : mais non, cĠest Mr le curŽ qui sonne / moi : dong, le son de la cloche venant sĠajouter ˆ notre geste. Damien reprend ce son, et le rŽcit continue.

CafŽ au lait, lait de la vache, nos jeux sĠassimilent ˆ des randonnŽes, ˆ des jeux de langage qui invitent ˆ lĠarticulation. Chaque ŽlŽment en appelle un autre, comme dans PrŽvert, il a mis le cafŽ dans la tasse, il a mis le lait dans le cafŽ, il a mis le sucre dans le cafŽ au lait... Pour que le rŽcit ne soit pas arrt sur image, mais aussi pour jouer ˆ articuler de lĠun ˆ lĠautre, de soi au groupe, pour que les places et les r™les soient peut tre plus distincts, moins confusionnels.

Quoi quĠil en soit, les petits bouts de rŽcits qui se crŽent souvent en atelier font trace, se mŽmorisent au moins partiellement, deviennent un autre ŽlŽment dĠune mŽmoire qui se construit et peut parfois Žvoluer vers dĠautres rŽseaux dĠarticulation, pour que le temps bŽgaye moins. Bernard bŽgaye moins, Damien verbalise davantage. Et il est aussi possible dĠtre ensemble, de trouver ˆ articuler dans et avec le groupe ; les tensions trouvent ˆ sĠapaiser...

 

Ç La mŽmoire lŽgendaire joue beaucoup avec les mots et, ce faisant, tire le rŽcit vers lĠanecdote historique... Ces associations langagires rŽsument et condensent la lŽgende, permettant sa mŽmorisation et sa restitution spontanŽe... Elle semble alors remplir le r™le dĠaccroche mŽmoire È (Karine Basset, Les Ç sarrasins È du Veron : la dynamique discursive dĠun lŽgendaire, in Cahiers de littŽrature orale nĦ43, les voies de la mŽmoire, 1998). Bien sžr, nous ne fabriquons pas ici des lŽgendes (encore que... des lŽgendes personnelles alors), mais lĠidŽe dĠaccroche mŽmoire correspond bien ˆ notre propos. Il est possible ˆ partir de ces condensations langagires de relancer spontanŽment les personnes dans le jeu, et souvent et avec le temps quĠelles puissent le prolonger, arriver ˆ dĠautres dires, dĠautres thmes.

 

Parfois dans ces prises de chant, ou dans les unitŽs quand je croise les patients et que je les salue, les paroles se chevauchent, deviennent incomprŽhensibles, jusquĠau mutisme ; Jean est en fauteuil, je le rencontre depuis de nombreuses annŽes, il vieillit et dŽcline. Il nĠarticule plus une parole devenue inintelligible ; le fait de ne pas tre compris lĠisole et semble lĠexaspŽrer, il est nerveux et agressif. Il dŽroule souvent des mŽlopŽes verbales, sensiblement les mmes. Je mĠattache au rythmo-mŽlodisme de ce quĠil vocalise, puisque je ne le comprends pas, et je me mets ˆ lui rŽpondre sur le mme phrasŽ : TaditataTI ; TaditataTA. DĠabord surpris, il me regarde et sourit. Puis il recommence, un responsorial sĠinstalle, un rythme instrumental le soutien. Les intonations changent vers quelque chose de moins sec, plus mŽlodiŽ. Des paroles Žmergent parfois, un peu plus articulŽes, nous menant petit ˆ petit ˆ des antiphoniques dŽroulant des cha”nes associatives. Il reste alors cohŽrent, et capable de faire des liens. Nous musiquons, au sens o la musique est modale, rien ˆ voir avec Ç lĠimbroglio des modes È (cf Jacques Chailley), mais dans le sens des rapports Žtroits existant entre parole et musique ; pour peut tre proposer une rŽinstallation dans le temps, au travers du rŽcit et du rythme, deux mŽdias (au sens de lĠentre deux) Žminemment concernŽs par le temps.

 

Avant dĠintroduire la suite, un proverbe chinois : Ç Pourquoi voulez-vous mĠaider ? Je ne vous ai fait aucun mal ! È

 

 

LE TEMPS QUI DEBORDE

Parfois les paroles dŽbordent, sont envahissantes, dŽlirantes et touffues. Les paroles ne laissent pas de place ˆ lĠautre.

 

Monique fait partie dĠun autre groupe que celui de Bernard et Damien. Elle a commencŽ par pousser la porte de lĠatelier, juste pour y jeter un oeil et repartir ; progressivement, elle y est entrŽe, quelques secondes. Le groupe lui est difficile, elle a besoin de repres solides. Petit ˆ petit, elle est venue ˆ chaque sŽance nous chanter un chant et repartir. JusquĠˆ ce quĠelle reste, tout progressivement, sur lĠintŽgralitŽ des sŽances, et quĠelle sĠintgre ˆ nos protocoles, ˆ notre temps, sans y faire irruption soudaine et repartir.

Monique est une grande dŽlirante, foisonnante de paroles ; elle est au dŽpart de nos rencontres, systŽmatiquement ˆ 6 mois de dŽcalage dans son calendrier ; si nous sommes ˆ la St Jean dĠŽtŽ, elle est ˆ la St Jean dĠhiver.

Ses chants lui ressemblent ; elle mŽlange plusieurs mŽlodies de chants populaires, pour y coller ses paroles (comme les chansons Ç sur lĠair de È, les Ç timbres È ; voir les Žcrits de Jacques Viret), paroles sautant du coq ˆ lĠ‰ne, ou en langues inventŽes (elle chante en des langues Žtrangres, le Ç NapolŽon È par exemple). Dans les premiers temps, elle a paradoxalement besoin dĠun Žcrit pour chanter (alors que ses paroles sont foisonnantes). NĠimporte quel Žcrit. Elle peut nous chanter la liste de courses tombŽe de la poche dĠun autre participant. Mais la plupart du temps elle Žcrit ses textes sur des morceaux de papier toilette, Žcriture illisible o surnagent des mots ; elle me les confie ˆ la fin comme des reliques ; elle me donne donc ses bouts de papier toilette ( !), papier qui sert habituellement ˆ bien autre chose quĠŽcrire.

Le temps passant, ses textes sĠorganisent quelque peu ; elle est passŽe au classeur ˆ feuilles volantes pour y ranger ses textes sur divers supports papiers, puis au cahier. Les paroles sont souvent plus partageables Žgalement. Ç Au fond de la piscine, jĠai cru tre un poisson bleu, au fond de la piscine, un poisson scie, un poisson sol (le refrain est repris), CĠest un poisson do douce, qui venait de se rŽ veiller, un poisson mi cro-ondable, poisson fa cile ˆ rencontrer... Son chant est organisŽ et comprŽhensible ; des silences sont possibles, ˆ la diffŽrence des premiers temps o elle envahissait lĠespace temps de paroles. Le jeu est ouvert et peut concerner dĠautres personnes, qui peuvent par exemple lĠaccompagner sur son refrain, sans quĠelle nĠangoisse, quĠelle ne prenne quelquĠun ˆ parti et fuie. Elle nous rejoint elle aussi dans un temps qui sĠaccorde au n™tre, ˆ notre calendrier, en sĠy plaant de moins en moins ˆ lĠenvers.

 

Une certaine mise en ordre se fait, pas une mise au pas... JĠai toujours en tte les propos de Tobie Nathan, Ç guŽrir est toujours un acte de pure violence contre lĠordre de lĠunivers. Et nulle thŽrapeutique nĠest plus violente que celle qui entreprend de guŽrir lĠ‰me. Car dans les dŽsordres psychiques, ce dont souffre le patient exprime la vŽritŽ la plus profonde de son tre. Le guŽrir consiste ˆ lĠexpulser de ses choix, ˆ lui interdire ses stratŽgies dĠexistence dŽcidŽes dans un moment crucial de sa vie et appliquŽes systŽmatiquement depuis. GuŽrir consisterait alors ˆ exercer une influence dŽmiurgique et ˆ se penser par lˆ mme lĠŽgal du dieu monothŽiste : tout puissant et transcendant. Mais au nom de quoi, et ˆ partir de quelle certitude ? È.

 

Toujours dans le mme groupe, Guylne. Elle est allŽe en sŽjour thŽrapeutique ˆ la montagne, elle est montŽe en haut, a achetŽ ensuite deux statues protectrices de Bouddha, sžrement quĠils lui rappelaient le 7me ciel quĠelle avait alors c™toyŽ. Elle parle ensuite de Cronos (dieu du septime ciel justement), quĠelle appelait pour quĠil lui donne le pouvoir de rester jeune ˆ 16 ans (pour ne pas se marier). Etonnants moments, hasard ou dialogue entre inconscients, je travaille alors sur cette communication, sur Cronos ; et je me prŽpare aussi ˆ devenir le gardien du temps pour le colloque ; Cronos encore donc.

 

Guylne nous conte son combat contre Lucifer, quĠelle relie ˆ son parcours au sein de lĠh™pital ; elle Žtait africaine, (la preuve : ses cheveux frisent aprs un bain de mer, elle a donc les cheveux crŽpus), et quand on lĠa amenŽ ˆ lĠh™pital, elle est devenue blanche et ses cheveux sont devenus lisses, et salissent vite. Ses dires sont pleins de confusion sur les ambivalences fondamentales, ambivalences rythmiques, fille ou garon, jeune ou moins, noir ou blanc, rien nĠest bien clair.

Ç  ...la symŽtrie est sŽcurisante ; le psychotique part toujours de la rencontre, traumatisante, avec un rŽel dissymŽtrique ; il y rŽagit par la construction d'une symŽtrie "imaginaire" et non plus crŽŽe par le processus de la socialisation normale. ...le rŽel est asymŽtrique : p™le masculin et p™le fŽminin, p™le adulte et p™le enfant, p™le du dŽsir (subjectif) et de la loi (objective), p™le de la mre, objet d'investissement du dŽsir, et p™le du pre, objet d'identification finale (comme constitutif du Surmoi). L'ambigu•tŽ est dŽpassŽe par la mise en place de ces dichotomies asymŽtriques. Ce qui dŽfinira le psychotique, c'est qu'il restera dans l'ambigu•tŽ, qu'il se refusera ˆ la liquider pour entrer dans le domaine du rŽel qui est asymŽtrie. È Roger Bastide, Le rve, la transe et la folie, Seuil, 2003

 

Franoise HŽritier dit cela autrement : Ç lĠopposition entre identique et diffŽrent est ˆ la base de la construction de la sociŽtŽ, elle est premire car fondŽ dans le langage de la parentŽ sur ce que le corps humain a de plus irrŽductible : la diffŽrence des sexes... DĠo dŽrivent les problŽmatiques du mme et de lĠautre, de lĠun et du multiple, du continu et du discontinu... de mme que sur un plan moins abstrait, des valeurs propres, prŽsentŽes sous forme dĠoppositions, chaud / froid, clair / obscur, sec / humide, lourd / lŽger... Ces valeurs connotent les ŽlŽments du monde, dont le masculin et le fŽminin... È

 

Progressivement, les dires de Guylne nous servent ˆ un jeu rituel : je sors deux tambourins ˆ la peau plastique toute blanche. Nous allons organiser un combat, au 7me ciel. Lucifer le noir contre St Gabriel le blanc. Un des deux tambourins est noirci au bouchon bržlŽ par Guylne ; elle a proposŽ cela spontanŽment. LĠautre tambourin reste blanc. Les mains du porteur du tambourin noir sont lŽgrement noircies. ArmŽs chacun de leur tambourin, un simulacre de combat dansŽ sĠinstalle, au milieu des musiquants (Monique, qui ne trouvait pas place dans le groupe, en fait partie, entre autres personnes). Le but pour le Ç noir È est de noircir lĠautre (il tient le noir tambourin LucifŽrien, et de son autre main, le bouchon noircissant), et pour le Ç blanc È de blanchir le Ç noir È (il tient le blanc tambourin angŽlique, et de lĠautre main un chiffon blanc). Or, le Ç blanc È sĠy salit les mains, le chiffon et le tambourin qui deviennent un peu noir ˆ leur tour ; et le Ç noir È sĠy blanchit les mains et le tambourin. Le simulacre dure le temps dĠun morceau conduit par le reste du groupe. Le simulacre de combat devient danse, jeu de relation, ou les rires et les encouragements sont de la partie. Guylne endosse les deux r™les, blanc, et noir, pour finir ˆ chaque fois lĠinverse. Elle peut cŽder sa place aux autres qui acceptent volontiers dĠendosser un r™le, voire les deux. 

 

Les rituels de la fte de lĠours qui existent encore, entre autre dans le sud de la France, jouent une mascarade qui a nourrit et inspirŽ ce moment. Il sĠagit alors dĠun ours, barbouillŽ de noir, et dĠun barbier, un blanc. Ç LĠours reste noir et le restera, mais lĠhomme barbier qui perd de plus en plus de sa blancheur ˆ son contact passe un moment difficile avant de trouver enfin lĠissue : quand il sĠempare du b‰ton de lĠours il devient homme de pouvoir. Un homme certes plus tout ˆ fait blanc, pas non plus compltement noir, un homme qui peut devenir social, Ç un animal politique È au sens dĠAristote. È (Robert Bosch, No‘l Hautemanire, Ftes de lĠours en Vallespir, p.35, ed. Trabucaire, 2013).

 

Jouer, ainsi, parfois ˆ partir dĠŽlŽments Žpars, chaotiques, pour que les choses puissent se symboliser, pour laisser advenir du sens, un peu comme dans les squiggle dont parle Winnicott ?

 

Les sorties de sŽance sont en tout cas gŽnŽralement paisibles. Il semble que les angoisses dŽroulŽes dans les flots verbaux ininterrompus du dŽmarrage des sŽances aient alors moins besoin de se dire. Comme si le rapport ˆ soi et ˆ lĠautre Žtait plus envisageable, dans un plus juste jeu dĠalternance de lĠun ˆ lĠautre.

 

Et nos temps trouvent davantage ˆ se rencontrer...

 

Un escargot montait lentement le long dĠun tronc de cerisier. On Žtait en fŽvrier, il faisait encore froid. LĠescargot rencontra un insecte, qui lui dit :

-       Mais o vas-tu ? Ce nĠest pas la saison ! Il nĠy a pas de cerises sur cet arbre !

-       Il y en aura quand jĠarriverai, rŽpondit lĠescargot sans sĠarrter.

 

 

Bibliographie :

 

- Agapkina TatĠjana, Les balanoires slaves : du rite au jeu et au divertissement urbain, in Cahiers slaves nĦ1 : Aspects de la vie traditionnelle en Russie et alentour, UniversitŽ Paris Sorbonne, Paris IV

- Basset Karine, Les Ç sarrasins È du Veron : la dynamique discursive dĠun lŽgendaire, in Cahiers de littŽrature orale nĦ43, les voies de la mŽmoire, 1998

- Bastide Roger, Le rve, la transe et la folie, Seuil, 2003

- Bosch Robert, Hautemanire No‘l, Ftes de lĠours en Vallespir, Trabucaire, 2013

- Caillois Roger, Les jeux et les hommes, le masque et le vertige, Gallimard 1967

- Chailley Jacques, LĠimbroglio des modes, A. Leduc, 1960

- Chevalier Jean et Gheerbrant Alain, Dictionnaire des symboles, Bouquins, 1982

- Frazer James Georges, Le balancement considŽrŽ comme rite magique, in Le rameau dĠor, T2 Le dieu qui meurt, Bouquins 1983

- Hell Bertrand, Le tourbillon des gŽnies, au Maroc avec les Gnawas, Flammarion, 2002

- HŽritier Franoise, Masculin – FŽminin, la pensŽe de la diffŽrence, Odile Jacob, 1996

- Le Poulichet Sylvie, oeuvre du temps en psychanalyse, Payot & Rivages, 1994

- Nathan Tobie, LĠinfluence qui guŽrit, Odile Jacob, 1994

- Picoche Jacqueline, Dictionnaire Žtymologique du franais, Le Robert, 1994

- Varenne Jean Michel et Bianu ZŽno, LĠesprit des jeux, Albin Michel 1990

- Viret Jacques, Le chant GrŽgorien, Eyrolles, 2012

- Winnicott D.W., Jeu et rŽalitŽ, Gallimard, 1975

 

 

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