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Document KRT, Groupement international d'analyse et de créativité & groupe Carmina.

MUSICOTHÉRAPIE ACTIVE

DANSE DES ÉPÉES ou de la CROIX

Au milieu de la pièce, au sol, on installe une croix fabriquée avec des lamelles de métallophone. Cette croix possède deux droites qui se croisent et qui ont, environ, un bon mètre chacune. On le fait facilement en se servant de 8 lamelles.
Ne pas utiliser des lamelles de xylophones vu leur fragilté.
La croix forme quatre secteurs qui vont servir de points de repères spatiaux dans lesquels un participant va danser.
On place, à deux mètres de distance de la croix, deux timbales et leur timbalier.

PREMIERE FORME DU JEU

Le jeu consiste, pour le timbalier, à suivre et marquer avec le plus de précision possible, les moments où le danseur marque le sol de ses pieds.
Le danseur ne doit faire le moins de bruit possible avec ses pieds.
Le jeu se termine lorsque le danseur est trop fatigué ou veut céder sa place.
On remplace alors le danseur et le timbalier par deux autres partenaires.

Le principe du jeu est de sensibiliser à une forme de rythmique opposée à celle à laquelle nous sommes habitués sous nos latitudes où le danseur suit généralement le rythme musical donné par un orchestre ou un enregistrement. C’est la forme que l’on trouve dans tous les bals, les lieux où l’on danse et même les représentations de groupes de danse.

Ici, il s’agit du contraire. C’est le danseur qui va créer son rythme par son propre mouvement. Le timbalier devra “sonoriser” les mouvements du danseur en suivant ses mouvements avec précision.

Il faut noter que la danse ne doit pas être uniquement “mesurée” mais “rythmée” librement, c’est-à-dire irrégulière dans l’organisation du temps. La danse est faite de contraste divers : rapidité, lenteur, ralentissements, syncopes, intensités, fort-faible, etc. 
Les pas se font à-plat ou sur les pointes, pieds joints ou sur un pied, avec des petits pas ou encore de grands sauts en hauteur etc. Le danseur doit faire le moins de bruit avec ses pieds. Il ne doit pas, de préférence, s’éloigner du cadre de la croix.

Le timbalier suivra avec exactitude toutes les nuances et tous les mouvements de pieds du danseur tant sur le plan de la succession temporelle que sur celui des intensités diverses. Il ne doit pas marquer de tempo régulier ni interpréter les mouvements à sa guise.

La difficulté de ce jeu se trouve plus du côté du timbalier que du côté du danseur puisque c’est celui-ci qui mène la danse à son gré. Cependant, il arrive le moment où le consensus s’installe entre les deux partenaires. C’est alors que le jeu peut être mené alternativement par le danseur puis le timbalier. À tel point que lorsque “le courant passe bien” entre les deux partenaires, on ne peux savoir exactement qui commande le jeu. Les partenaires “causent” en échangeant intensément des pouvoirs partagés.

SECONDE FORME DU JEU

Le danseur conserve sa croix et danse de la même manière que précédemment.
Les timbales sont mise de côté. Le timbalier est remplacé par un “chanteur” ou encore un “crieur”.
Le chanteur doit se mettre à un ou deux mètres environs du danseur en ayant un appui solide sur ses deux jambes. Éventuellement jambes écartées, corps légèrement penché vers l’avant avec appui des bras sur les cuisses.

La voix remplace la timbale et suit les mouvements du danseur par un chant improvisé qui épouse, avec précision, les mouvements du danseur.
Le chant est composé d’onomatopées variées, appropriées aux mouvements du danseur. Ainsi, elle seront différentes si le danseur saute très fort et retombe avec intensité où s’il pointe le sol avec la pointe d’un pied.

Le chant onomatopéique utilisera plus de consonnes (K, R, S, T...) que de voyelles. Les voyelles ayant la particularité de s’étaler amènent l’imprécision dans l’acompagnement du danseur. Les consonnes sont toujours prononcées avec une voyelle jointe qui leur donnent de l’intensité vocale (Ka, Ri, So, Tou... - Kar, Rit, Sol, Toun...) La richesse et la variété des onomatopées différentes apporte une qualité au jeu et un réel soutient pour le danseur.
L’adjonction de voyelles qui se suivent peut éventuellement épouser un mouvement mélodique de la jambe qui précède un frappé au sol. Dans ce cas, les « portamentos » sont fort à propos.
Le chanteur doit essayer d’enraciner le son qu’il produit dans un mouvement du ventre et non pas dans la gorge. Il faut même éviter les sons qui viennent uniquement de la gorge.

ORIGINES DU JEU

Cette forme de danse proviendrait de ce que les militaires, autrefois, appelaient la danse des épées. Les soirs de trêves, ils croisaient les épées au sol et dansaient dans les quatre secteurs ainsi formés. Cela donnait bien sûr lieu à des concours. C’était à celui qui danserait le plus vite ou qui sauterait le plus haut. Le défi consistait à ne pas se laisser entamer par les lames des épées. Les épées étaient placées avec le côté coupant vers le dessus.
On trouve cependant, en particulier au Philippines, des danses assez impressionnantes qui se font, non pas avec des épées, mais avec des bambous de quatre ou cinq mètres de long.
Deux personnes se font face. Elles ont un bambou dans chaque main et les claquent l’un contre l’autre. Perpendiculairement, et par le milieu, deux autres joueurs font la même chose avec deux autres bambous. Ils sont soit à genoux ou encore assis au sol. Le bambous tenus perpendiculairement forment, au centre, un carré qui se modifie lorsque les joueurs claquent les bambous. Une danseuse place rythmiquement ses pieds dans les espaces libres. Il ne s’agit pas, pour elle, d’être inattentive au jeu des bambous sous peine de se faire écraser les chevilles entre deux bambous qui se percutent.

Danses mesurées à l'inverses de notre règle du jeu :

http://assemblee-celtique.forumactif.org/t552-danses-ecossaises-la-danse-de-l-epee

ANALYSE DU JEU

La réalisation de ce jeu met en évidence, d’une part, le corps maître de sa création rythmique et, d’autre part, l’attention extrême que le timbalier doit avoir lorsqu’il suit le danseur.

Pour des gens qui ne sont pas habitués à danser, il est très difficile de se mouvoir sans aucun support ni spatiaux ni temporels et, qui plus est, sans intentionalité. Ici, le principe du jeu est pourtant que le danseur crée autant le déroulement temporel que les dessins dans l’espace où il se meut librement. Mais la situation est initiale et l’invitation au mouvement est sans intention sauf à se mouvoir.

Il nous semble que, dans le déroulement de la genèse de l’enfant, tout mouvement obéit à une intention logicisante, par le jeu des mimismes (cf, M. Jousse) c’est-à-dire qu’il est en relation avec quelque chose qui se trouve à l’extérieur de soi.

Demander à quelqu’un de danser sans aucun support, c’est lui faire revivre la situation initiale de créativité et risquer de provoquer l’émergence de l’angoisse. L’angoisse, normale dans toute situation créative, peut s’atténuer dans la mesure où il peut trouver l’aide d’un support extérieur : une référence. C’est le rôle de la croix tracée sur le sol, elle sert de guide et aide, simplement, aux choix des jeux de jambes.

Le problème ne se posera pas si l’on joue avec ceux qui ont déjà l’expérience de la danse car ils possèdent une mémoire du traitement de l’espace qui leur est alors plus familier.
Mais si l’on se trouve avec des malades plus ou moins proches de la psychose, l’angoisse et même la décompensation peut survenir.

Le tracé de la croix rassure, bien que dans certains cas il peut être vécue comme une limite infranchissable. Quelquefois, le malade suivra, obsessionnellement, les contours en marchant.

L’entrée en jeu du timbalier offre un support important pourvu qu’il soit bien en phase avec le danseur. La danse peut être beaucoup moins fatigante pour le danseur si l’accompagnement est suffisamment proche du rythme des mouvements. La mise en phase est bien souvent une affaire d’entraînement.

Il faut faire attention à ce que la règle d’obéissance rythmique aux mouvements du danseur ne soit déviée en s’inversant. Il peut arriver que le danseur finisse par obéir au rythme du timbalier. C’est que celui-ci n’offre pas la disponibilité voulue pour percevoir justement les mouvements du danseur. Son jeu s’isolera alors du danseur et deviendra systématique. La forme rythmique sera mesurée, régulière, indépendante et identifiée à un système mécanique.
Si le danseur suit le timbalier et se laisse aller à la régularité du système mesuré, le jeu perdra de sa force, s’édulcore et disparaît.

Lorsque le danseur est accompagné de la voix, les problèmes sont identiques.  Cependant, la difficulté est plus grande pour le chanteur surtout s’il n’est pas habitué à “sortir” sa voix. Il est bon qu’elle soit quelque peu “animale”, spontanément appuyée sur le “ventre”, grâce aux mouvements du diaphragme. En effet, les voix de “gorge” n’aident pas bien le danseur et ne constituent pas un témoignage d’engagement du chanteur. La relation en souffre obligatoirement.
De même, les voix qui ne font pas la part belle aux consonnes, mais se cantonnent dans le mélodisme, affadissent l’échange entre les partenaires.

Notons que ces situations de jeux rythmo-musicaux en relation favorisent l’apparition de défenses qui peuvent surgir à tout moment. Très souvent la grande défense est la mesure régulière qui coupe court à toute créativité dans la relation. Un système rigide est mis entre les partenaires. Un mur de régularité donne congé à une aventure possible.
D’autres cas de figure peuvent apparaître. L’agressivité ouverte, l’emportement ou encore la démission. Quoi qu’il en soit, il tendent toujours à détruire la relation vécue comme dangereuse parce que trop forte.

Il est important que le jeu soit présenté de manière la plus ludique possible, dans une ambiance sereine et drôle, sans forcer à jouer.
Cela diminue l’apparition de conflits divers.