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Deuxième rencontres professionnelles des musicothérapeutes

Le temps retrouvé. Rythme musical. Dramaturgie.

Avec les personnes déficientes mentales.

Besançon. 10/11 novembre 2008.

Régine Pradel Saint Paul en Jarez

 

La population avec laquelle j'exerce.

Je suis éducatrice et musicothérapeute. Je travaille auprès de personnes déficientes intellectuelles adultes, des deux sexes : maladies génétiques : trisomie, myopathie, anoxie néo-natale, IMC, séquelles d'encéphalite infantile A ce handicap, sont souvent associés des troubles de la personnalité de la lignée psychotique, autistique, des troubles neurologiques (épilepsie). Cette population vieillissant, s'ajoutent, au handicap originel, les symptômes liés au vieillissement parfois précoce. Depuis une année j'exerce dans une MAPHA : Maison d'Accueil pour Personnes Handicapées Agées).

1 - Historique du projet en musicothérapie au sein de l'établissement dans lequel je travaille : Le château de la Bâtie.

Au début j'ai mis en place une activité "Chant".

Ce projet initial s'est situé dans une activité permettant à un groupe de s'exprimer à travers une démarche commune : chanter. Je pensais ouvrir des modes de communication, favoriser des relations conviviales. Je souhaitais sortir de l'isolement, les personnes déficientes mentales et autistes en leur donnant la possibilité de "sortir leur voix". J'avais aussi l'espoir à plus long terme de susciter chez elles, une prise de conscience "d'une possibilité de faire".

Mon projet s'est inscrit dans le projet du service :

o Ouvrir des voix de communication par le fait de chanter, d'exprimer des émotions.

o Restaurer l'estime de soi. en tentant l'audace de l'expression. (Expression dans l'atelier, constitution de recueils des chants, et participation à des fêtes institutionnelles avec présentation à un public.)

 

2 - Naissance du projet actuel : "Expression par le chant, la parole contée et musiquée".

Deux voies vont orienter le futur projet et le faire exister comme il est aujourd'hui.

La première m'est offerte alors que le groupe chante un chant dans lequel se trouve le mot "Gavroche". Chaque fois que celui-ci est chanté, Michèle sourit de bonheur, le prononce avec plus de vie, d'émotion et montre son amie Gaëlle que nous nommons &laqno; Nonoche » familièrement. Elle pense que nous chantons son amie. L'idée me vient alors de "créer des textes dans lesquels les mots, les expressions sont proposés par les participants de l'activité". Je me dis que cette modalité facilitera l'intérêt du chant produit, l'expression des émotions pour le groupe, et de ce fait son identité. Quand Michèle chante le nom de son amie, elle le lui fait savoir au moment même, ce qui illumine le visage de Gaëlle et aussi permet une meilleure compréhension linguistique. Les textes sont formés des mots des participants. Je peux alors travailler sur le plaisir de la prise de conscience de "créer, inventer".

Pour la deuxième voie mes recherches me guident vers une formation en musicothérapie active proposée par Mr Willy BAKEROOT, à l'époque à l'INFIPP, Lyon 69. Cette dernière, va me conforter dans ce choix, car ses caractéristiques soulignent mon travail du moment puisqu'elles relèvent les caractères "d'une démarche active" pour l'usager, d'une forme qui privilégie la primauté de la parole, une manière de musiquer libérant des contraintes techniques pour porter l'attention sur le jeu relationnel et d'un apport de jeux musicaux dont le grand nombre permet l'adaptation aux nombreuses pathologies et déficiences rencontrées. Cette formation me donne l'impulsion de créer un atelier : "Expression par le chant, la parole contée et musiquée".

J'utilise les instruments de Carl ORFF, connu comme conteur avant d'être musicien. Ils ont l'avantage d'être faciles à utiliser et permettent l'accès au son, (enfant, personne déficiente), sans connaissance encombrante musicale. De plus, je peux allier au son instrumental, la parole (qu'elle soit chantée ou non), le mouvement (la danse par exemple).

Pour résumer, ce projet, d'expression par la musique du corps, se construit essentiellement, sur deux fondements :

1 "Attraper" les mots et propositions des usagers, leurs musiques, leurs danses pour créer dans les ateliers, des chants, comptines, dramaturgies, "théâtres contés", comédies musicales.

2 Proposer cet engagement dans la triade globalisante : musique, parole, mouvement.

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3 - Donner un sens aux événements vécus.

D. W. Winnicott, dans JEU ET REALITE dit : "Ce qui importe avant tout, c'est de montrer que jouer, c'est une expérience, toujours une expérience créatrice, une expérience qui se situe dans le continuum espace, temps, une forme fondamentale de la vie."

3.1 Le temps retrouvé. S'approprier le temps, l'espace, hebdomadaires. Chaque séance débute par l'énoncé de la date, de la saison. Je donne une vive importance aux séquences calendaires qui, elles aussi, permettent l'appropriation des saisons, des traditions de sa région, son pays, sa culture. Les fêtes de Noël, le carnaval, la chandeleur seront l'objet de chants, de récitatifs ou de contes.

3.2 Une inscription temporelle et vivante de l'évènement. Une des problématiques rencontrée auprès de cette population est sa difficulté à mettre un sens aux évènements vécus, c'est-à-dire les intégrer, dans leur mémoire, leur imagination, pouvoir en parler.

Je note la remarque de la psychologue du service qui confirme le rapport à la réalité intemporel des résidants qui, en entretien ont des difficultés à raconter ou relater d'une expérience vécue (retour en famille, vacances)

Lorsqu'à la rentrée, en septembre, j'aborde cette question, je ne le fais pas de façon informelle. Le thème des vacances va être formulé dans l'atelier. Ma méthode : simple et efficace : l'écriture des récits sur le tableau blanc. Chaque personne choisit la couleur du crayon qui servira à noter ses propositions. Cela permet l'appropriation, des "évènements" de chacun, par sa visibilité (l'écriture sur le tableau), de la parole dite et écoutée.

Jean-Michel a des difficultés pour parler, qui trouvent leur origine dans une importante déformation de la colonne vertébrale influant sur sa cage thoracique, entraînant des difficultés respiratoires. Souvent face à ces incommodités, il s'énerve, ce qui a pour résultat d'aggraver la situation. C'est là que la prise en compte du temps prend sa dimension thérapeutique. Je me rapproche de Jean-Michel, le rassure, lui propose de grandes respirations profondes et l'invite tranquillement, lentement à raconter ce qu'il veut dire. Il y parvient alors de façon audible. Son visage devient serein et exprime une certaine fierté.

Je prends en compte la notion du temps, celle, qui appartient à la personne, en acceptant les nuances pour lui permettre de ne pas être soumis au temps de l'horloge, au temps de l'activité, à celui du thérapeute. Avec ce public particulièrement, il est indispensable de laisser "du temps au temps". Le temps qu'il utilise pour sortir, sa voix, ses explosions rythmiques, je l'accueille, je l'invite." C'est comme si le temps et la personne jouant ne sont plus qu'un". Chaque expression, chaque rire... prennent le temps de son auteur ; temps vivant, temps singulier, temps de création.

3.3 L'évènement personnel ancré dans un temps individualisé et intégré dans le groupe d'expression. Une mémoire du groupe.

J'ai choisi de faire fonctionner cet atelier sous forme de groupes et non pas en prise en charge individualisée. Le groupe est porteur pour chaque personne. Il entend, réagit à la parole donnée. Les interactions à l'intérieur, approuvant, encourageant, ou riant de l'humour d'un intervenant, accomplissent ce sentiment d'appartenance et de respect mutuel. Il participe à la création d'une mémoire collective.

Je vais faire état d'une situation dans laquelle la parole est difficile et comment le travail individuel du thérapeute permet l'expression singulière, l'installation de Florine dans un continuum d'explosions rythmiques.

Florine a 47 ans. Elle souffre de troubles autistiques, présente des problèmes de comportement : colère, pleurs, fugues. Elle a une importante déficience mentale. Le temps et l'adaptation que j'ai mis en place pour son intégration ont été un facteur d'aide afin qu'elle témoigne de comportements montrant son adhésion.

Devant sa difficulté pour l'expression verbale, je vais utiliser pour une possible expression et qu'elle se sente interpellée, des éléments qui lui sont familiers, ses jeux, sa danse Depuis quelques temps, elle souffle dans la flûte à bec. Elle peut refaire ce geste maintenant et, ce qui est intéressant, c'est qu'elle l'a intégré dans un aspect ludique. Elle, montre de l'enthousiasme quand elle joue. Ainsi un chant, contient un couplet qui chante "le son de sa flûte". Lorsque nous chantons la chanson, un temps lui est accordé (au moment où l'on chante son couplet) dans lequel elle joue de la flûte.

Ainsi, Florine a intégré une place, dans l'oeuvre groupale.

Voici un extrait du chant, le couplet de Florine

Dans la flûte, souffle, souffle, Florine
Fff ! fff ! fff ! Et puis j'entends,
Sur le tambour, frappe Florine,
Tout un troupeau d'éléphants.

Un autre jeu musical lui est accordé. Je forme un duo mélodique avec elle et invite le groupe à frapper le rythme ou le tempo, en sourdine, pendant le jeu. Elle est assise devant un instrument, un xylophone ou une timbale. Souvent elle choisit cette dernière. J'opte pour un instrument mélodique. Je commence alors une histoire de Florine. Elle sera l'héroïne. Le récit parlera de ce qu'elle aime particulièrement, "ses yeux qui pétillent, l'oiseau qui vient de s'envoler". J'appuie les accents toniques de mon récitatif en les jouant plus fort sur l'instrument.

Ceci a pour effet de le rendre plus vivant, de capter l'attention de Florine et de l'installer dans un continuum temps faits d'explosions de rythmes, de mots, de rires, de sourires venant s'opposer à la "mesure" stéréotypée que réalisent les personnes autistes. Il arrive qu'elle en sorte et que soudainement elle frappe des mains, se lève et prononçant des sons, se met à danser.

C'est ainsi que Florine est porteuse d'une composition, d'un dynamisme avec l'accompagnement rythmique de tout le groupe.

Ces principes : visualisation : (tableau, recueil), écoute, (donner du sens, respect de la parole de l'autre) le temps donné permettent une expérience créatrice se situant dans un espace temporel et spatial. Chanter alors les uvres créées, réaliser des recueils par l'écriture ou le dessin de ces dernières, procéderont à l'élaboration des processus de la mémoire vivante. La parole est prioritaire et il y a intérêt à ce qu'elle soit entendue, reconnue, acceptée. Il en va de la reconnaissance des singularités des personnes.

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4 - Créer, c'est marquer le temps de sa personne, c'est dans un groupe construire une mémoire vivante.

4.1 Le plaisir des mots, la mélodie de la parole au service de la relation humaine.

Au sein de mes ateliers il y a gourmandise de "mots" proposés, mots parfois inventés ; onomatopées, jouant, mettant en vie l'imagination des participants. Ces mots sont mis en sens dans des trames octosyllabiques, dans lesquels les participants savent qu'ils peuvent donner leur fantaisie ; rythmes, danses, mots nouveaux. Tout ceci devient une production riche et surtout corporéisée, vivante. Ces histoires, se content, se chantent à l'extérieur des ateliers.

Je propose une prise de conscience de la rime, donnant ainsi comme métaphore qu'à la fin de chaque phrase, au bout de l'échelle, les mots chantent la même musique.

4.2 Un jeu que je privilégie pour danser le temps. La danse flûtée.

Là c'est le corps qui dans son rythme et son souffle (pour produire le son de la flûte) marque le temps du jeu. Cela consiste à vivre avec son corps, mimant des personnages que l'on invente. (Ex : le vent, le pépé qui boîte, la sorcière qui rigole.) Le corps participe au mime.

Dans le mime du pépé qui boîte, avec son pas clopinant et son dos courbé, la flûte suit le rythme de sa démarche. L'intensité du son de la flûte correspond à l'intensité du rythme cassé du personnage qui boîte. Si le vent est mimé, le jeu de la flûte devient le souffle du vent et la danse, une envolée légère. Pour la sorcière qui rigole, le son saccadé de la flûte, devient son rire. (Proposer le jeu aux participants).

La création est vivante. Elle naît du souffle vivant, s'amplifie, s'élève de la mélodie, de la danse.

4.3 Dramaturgie et mémoire vivante. Le conte "théâtré".

Les héros des contes sont les participants du groupe. Le conte est joué au fur et à mesure de son élaboration. Ceci aide à la compréhension de ce qui se joue et aussi à l'anticipation de l'évènement futur à raconter, donc favorise l'imagination. La mémorisation aussi en est facilitée. Le jeu théâtral inscrivant le geste, aide à l'appropriation du drame joué.

Serge WILFARD dit dans Le chant de l'être Ed. Albin Michel 1994. "La mémoire musculaire du corps, une fois entamée, subvertit l'ancien ordre de la vie intime : l'Etre vrai surgit, qui émet d'autres ondes une nouvelle approche de l'existence se manifeste, plus constructive et plus tonique".

Ce conte théâtral se construit sur plusieurs séances, cinq, six, peu importe, selon les idées, l'imagination de chacun. Le temps est notre partenaire, notre ami. Il contribue à renforcer la mémoire à "incarner l'histoire dans leur être." Car il s'agit bien de leur problématique : "faire exister l'histoire, &laqno; empiler des mimèmes",* C'est la mémoire dans le bon ordre, pour rejouer et que cela devienne vraiment un jeu aisé, "qui coule". Comme l'enfant qui devient l'avion qu'il fait voler. La mémoire est un rythme vivant que l'on construit au fur et à mesure de ses expériences concrètes et corporelles du réel.

*Mimèmes : terme emprunté à M. JOUSSE, anthropologue. Stockage d'éléments vivants vécus : ce que l'on voit, ce que l'on entend. L'anthropologie du geste. Marcel JOUSSE. Ed. Gallimard. 1974. C'est la mémoire vivante. M. JOUSSE oppose la mémoire d'éléments vécus à celle "d'images" dit-il, lui attribuant une plus grande capacité de conservation de part l'emprunte corporelle qu'elle laisse

Lorsqu'il est décidé de créer un conte, un thème est choisi par les membres du groupe. Au départ le conte commence avec l'entrée d'un personnage. Des idées, progressivement une identité de héros, se juxtaposent au fil du récit "théâtré". Apparaissent d'autres personnages, d'autres évènements au rythme des propositions de chacun.

Ce jour le héros nous dit qu'il a deux passions : "peindre et faire de la musique". Je décide d'orienter l'histoire où l'on se plongerait dans un monde dans lequel il n'y aurait plus de couleurs et plus de sons. Le groupe accepte ma proposition. De ce fait découle tout un récit où chacun est amené à imaginer ce monde. Une personne le compare à la télévision en noir et blanc. Il est imaginé les forêts, les prairies sans les verts, les dorés des feuilles d'automne

J'oriente la poursuite du conte vers la structure d'une "randonnée". conte dans lequel un personnage principal a une tâche à accomplir et se met en route pour la réaliser. Il rencontre un, puis deux, personnages qui ont le même projet.

Ainsi l'ensemble du groupe s'associe à ce parcours initiatique "retrouver quelque part dans un autre monde, les couleurs et les sons". L'intérêt à ce moment de la construction du récit est de prendre les idées des voyages initiatiques de chaque personne et de trouver un fil conducteur liant toutes les aventures. Gaëlle souhaite que les héros aillent à Lourdes. Elle raconte avec frénésie et passion les voyages qu'elle a faits en famille dans cette ville. Elle explique les "petites bougies" (ce sont ses mots), "les processions", "la grotte" Il y a Marcelle, Mme Marseillaise, son non dans l'histoire, qui raconte la criée pour la vente des poissons dans un port de Marseille. Il y a Pierrot qui veut conduire le train qui va à Lourdes et qui conduira le bateau pour le voyage ultime où les couleurs et les sons seront trouvés. Il s'agit de l'Espagne, le pays de naissance du père de Pierrot. Il raconte que son parrain qui se nomme "Rosalito" habite la rue "des trois couleurs". C'est ainsi que, chez Rosalito et dans la rue des trois couleurs , nos héros trouveront les couleurs du monde. Intéressant hasard ou non, que prend le cours de l'histoire alors que les héros cherchent "les couleurs".

Ainsi se construit le conte avec les mots, les évènements vécus de chaque usager, ses émotionsJ'apporte les liens, par un support écrit et imagé (sous forme de livret) qui permettra de finaliser l'uvre commune.

(J'ai amené à titre consultatif deux contes théâtrés réalisés dans les ateliers).

Pourquoi je construis ces liens, ces recueils des propositions des usagers sous forme de contes ?

C'est la façon que j'ai trouvée pour formaliser leur histoire, leur permettre de se l'approprier, mettre du sens.

C'est je pense mon goût personnel de la musicalité des mots, qui m'a donné l'envie de le partager avec cette population. Leur enthousiasme à ces jeux, leurs réussites, ont conforté ma conviction. Ces petites expériences socialisantes leur apprennent à accepter l'écoute de l'autre, accepter la frustration de ne pas être toujours le héros.

Ceci peut les aider, dans d'autres situations sociales. Par exemple, au foyer, accepteront-ils plus facilement le choix d'autres membres du groupe ? (Choix de chaînes de TV par ex) C'est aussi une forme de différenciation entre soi et l'autre, pouvoir apprécier ce que prépare quelqu'un d'autre pour soi.

 

5 - Ma place d'éducatrice et de thérapeute dans l'atelier. Mon sens éthique.

Je tiens compte de la singularité de chacun, de ses potentiels, ses capacités créatrices et à jouer. Je m'oblige à une grande rigueur pour être à l'écoute de chacun et à faire évoluer les évènements contés ou musiqués dans le respect du dynamisme de chacun. Je m'adapte aux pathologies rencontrées. En étant à l'écoute, j'essaie de saisir l'insaisissable pour lui donner vie. J'essaie également de stimuler le désir, de le porter en veillant à ne pas faire à la place, en veillant à ne pas trahir l'idée de l'usager ou ne pas m 'approprier quelque chose qui ne m'appartiendrait pas ou sonnerait faux. En effet, il est parfois tentant de vouloir obtenir un résultat qui me convienne, qui corresponde à mes valeurs esthétiques. Je suis donc souvent amenée à m'interroger : est-ce réellement ce qu'il voulait dire ? Ne suis-je pas en train de modifier son discours pour le rendre plus compréhensif ? Qu'est-ce qui prime ? Sa parole ? Mon désir que cette parole soit compréhensible ? Le sens de l'esthétique ? Quelle valeur accorder à un discours qui ne paraît pas cohérent au commun des humains ? Toutes ces questions sont portées à la réflexion avec mes collègues et demeurent l'engrais qui enrichit mon expérience.

 

6 - Des résultats au-delà de mes premiers objectifs.

J'ai été surprise de la capacité des personnes à s'approprier cette activité musicale. J'ai été très surprise également de leurs capacités de création. J'émets ainsi l'hypothèse que des personnes déficientes mentales peuvent acquérir des connaissances, avoir accès à une culture, grâce à une thérapie adaptée. (Rejeux vivants et corporéisés pour la construction d'une mémoire.)

Je pense que ceci a été possible aussi grâce à mon dynamisme personnel et à la croyance que j'ai en ce que je fais. L'humour et l'approche ludique qui sont le fil conducteur de mon accompagnement éducatif, participent je pense beaucoup à ces résultats.

Pour terminer et résumer ce bilan j'ajouterai que cette possibilité donnée, de créer, de faire preuve d'une certaine audace, permet aux usagers de s'affranchir du poids de l'institution, du sentiment de dépendance à l'éducateur. Ces personnes adultes ont un passé institutionnel lourd et leurs difficultés à communiquer et à affirmer leur personnalité peuvent s'aggraver encore face aux règles collectives institutionnelles. L'atelier musique devient un espace où le sujet est entendu tel qu'il est, un espace où il peut découvrir de nouvelles façons d'agir, d'exprimer des émotions pour peut-être trouver ou retrouver une certaine maîtrise de son environnement.

Régine Pradel

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