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ThŽrapie par le son

 

 

http://ecoledelouange.free.fr/sommfranc.html

 

 

IŽgor Reznikoff

 

in : CoEvolution, automne 1981

 

 

Entrer dans la rŽsonance... pour une Žcologie de la musique

 

LĠengouement pour les musiques traditionnelles, le chant grŽgorien et son renouvellement a largement grandi ces dernires annŽes. Quelle est la portŽe contemporaine de ces musiques ?

SĠagit-il seulement de les mettre en disques pour les conserver comme on met des espces animales en voie de disparition dans des zoos ? Ou bien ont-elles une valeur particulire pour les hommes et les femmes dĠaujourdĠhui, qui subissent de plus en plus la domination dĠune forme particulire de la musique occidentale ?

IŽgor Reznikoff, qui enseigne actuellement en philosophie et histoire de lĠart ˆ lĠuniversitŽ Paris-X, aprs avoir ŽtŽ professeur de mathŽmatiques ˆ lĠUniversitŽ et enseignŽ la logique ˆ lĠƒcole

Polytechnique, essaie justement de pŽnŽtrer lĠesprit de lĠart antique, ˆ travers les traditions et les sociŽtŽs qui le vivent encore. En se penchant sur lĠŽtude du chant grŽgorien, il a ŽtŽ conduit ˆ mettre en question sa formation musicale occidentale classique (via le conservatoire, lĠharmonie, la composition, etc...), et ˆ replonger aux sources de la musique. Dans les ateliers quĠil anime , on commence par apprendre ˆ sentir finement les vibrations dans son corps avant dĠapprendre ˆ

chanter suivant lĠintonation juste et la rŽsonance naturelle. Rien que de lĠŽcouter parler, on se met ˆ vibrer... Le texte qui suit est issu de notes prises lors dĠun entretien.

 

MP

 

 

LĠOccident joue faux !

 

ÒMais pourquoi jouent-ils tout le temps faux

 

Cette rŽflexion dĠun musicien indien dŽcouvrant pour la premire fois la musique occidentale reflte la situation particulire de celle-ci. Pour quelquĠun ŽduquŽ selon une tradition ancestrale dans laquelle lĠaccord juste de lĠinstrument selon les rŽsonances naturelles tient une place fondamentale, cet aspect de notre musique para”t inexplicable. Car dans cet Occident excessivement artificiel sur tant de points, la gamme aussi est artificielle et nĠest pas basŽe sur les consonances justes qui fondent ou en tout cas, ont fondŽ la musique universelle.

Cette dŽmarcation sĠest faite progressivement.

Nous avons quelques informations sur des modifications dĠŽchelles sonores survenues en gros ˆ partir du XIIIe sicle mais cĠest surtout au XVIIIe sicle que cette diffŽrence a ŽtŽ marquŽe sĠaffirmant de faon radicale et mme impŽrialiste —allant jusquĠˆ nier toute autre possibilitŽ au XIXe sicle. LĠaccord classique dit bien tempŽrŽ, la division de lĠoctave en 12 demi-tons Žgaux, ceux du clavecin ou du piano, ne correspond pas aux rŽsonances naturelles. Tous les intervalles du piano, sauf lĠoctave, sont par dŽfinition faux. Nous vivons donc au sein dĠune musique basŽe sur un accord artificiel, en dŽsaccord avec les lois fondamentales de la rŽsonance.

 

Au XVIIIe sicle, on tenta de trouver des accords dĠinstruments compatibles avec la consonance naturelle et lĠarchitecture polyphonique extrmement savante qui commenait ˆ sĠŽlaborer. Des musiciens comme Bach ou Beethoven - cĠest peut-tre le dernier— savaient parfaitement ce quĠŽtait une quinte juste, la quinte de la rŽsonance naturelle.

Le XIXe sicle en perd compltement la notion, en basant toute la musique sur le piano, dont lĠŽchelle musicale devient le modle, le critre universel dans le cadre pianistique acadŽmique Žtant considŽrŽ comme barbare.

 

DĠexcellents musiciens contemporains restent perplexes quand on leur dit que lĠaccord actuel du piano est faux, et quĠon le leur fait entendre. JĠen ai fait personnellement lĠexpŽrience quand je me suis mis ˆ travailler la musique antique et le rŽpertoire occidental ancien. Pour mieux approcher cette musique, jĠai non seulement arrtŽ de jouer du piano et de faire des concerts de musique de chambre ou de chanter dans des chorales, mais pendant longtemps je me suis abstenu dĠŽcouter de la musique occidentale, nĠŽcoutant que des musiques dont on peut tre sžr quant ˆ la rigueur de transmission orale, de la musique sacrŽe au sens strict du terme et remontant aux traditions les plus anciennes - la nuit des temps - et sur lesquelles, en tout cas, aucune musique rŽcente occidentale nĠavait eu dĠinfluence. Je nĠŽcoutais que de ces musiques et ne travaillais que la rŽsonance harmonique dĠune corde. Alors, peu ˆ peu, au bout de neuf mois de cette ascse, lĠoreille se dŽconditionne, une physiologie plus fine rŽappara”t, un nuage se lve, on peut entonner des intervalles justes, les varier dĠun comma...

 

Ce fut avec la trs cŽlbre Symphonie en sol mineur nĦ40 de Mozart que je repris contact avec la musique occidentale. ExpŽrience inoubliable, tout me parut faux dĠun bout ˆ lĠautre, sauf dans le trio o les cors sonnaient relativement juste. De nos jours, les instruments ne sont pas accordŽs comme du temps de Mozart, et le c™tŽ artificiel de la composition me parut encore plus frappant. Ce nĠŽtait pas une question de valeur, mais jĠeus lĠimpression dĠentrer dans un autre monde, un monde intellectuel...

 

Retrouver la rŽsonance juste

 

Contrairement ˆ ce quĠon croit, une oreille moyenne peut percevoir ces diffŽrences, par exemple, quinte juste/quinte du piano. Il est trs important de sĠapercevoir quĠil sĠagit dĠun phŽnomne de rŽsonance : il faut se placer physiquement dans la rŽsonance dĠun son et un son un peu faux se peroit alors nettement comme tel.

 

JĠai fait maintes fois lĠexpŽrience dans des ateliers o les participants nĠavaient aucune formation musicale. On entre corporellement dans la vibration dĠun son (un do par exemple), on essaie dĠŽcouter les harmoniques (le sol au dessus par exemple), de les entonner, puis de sentir ces vibrations dans divers lieux du corps.

Quand les participants sont vraiment placŽs dans cette vibration, on leur fait Žcouter le sol de la guitare ou du piano, et tous entendent la diffŽrence, ils reconnaissent que ҍa ne colle pasÓ.

 

CĠest normal, car il sĠagit dĠune donnŽe naturelle. La musique est fondŽe sur la vibration, qui suit des lois naturelles, selon lesquelles se composent les rŽsonances. Les Žchelles musicales antiques sont basŽes sur cette rŽsonance naturelle, mme si les intervalles utilisŽs ne sont pas tous des intervalles consonants harmoniques. Par exemple, le comma pythagorien - la diffŽrence entre une tierce naturelle harmonique et la tierce pythagoricienne (deux tons justes), que mme des non-musiciens peroivent, dŽfinit une couleur musicale, un mode.

 

Les enfants sont capables dĠentendre et dĠentonner les intervalles justes quinte, quarte, assez spontanŽment. En les faisant travailler dans la rŽsonance juste, leur oreille peut sĠouvrir ˆ des perceptions fines. Les petits enfants font souvent des intervalles auxquels nous ne sommes pas habituŽs, des grands demi-tons, par exemple.

 

Pour aborder la musique antique, il faut se placer dans cette Žchelle sonore des intervalles justes, sinon on reste nŽcessairement ˆ c™tŽ de cette musique, de son esprit. Platon, rapportant en fait une thŽorie antŽrieure ˆ lui, disait quĠil ne fallait pas changer la gamme, car changer la gamme, ce serait changer la sociŽtŽ. Chaque sociŽtŽ possde sa gamme, elle est caractŽrisŽe par sa faon de traiter la musique, de mme quĠune personne est caractŽrisŽe par son timbre de voix. Et il est tellement significatif que la gamme actuelle qui se rŽpand partout, soit artificielle et fausse par rapport ˆ la rŽsonance naturelle.

 

La leon des musiques traditionnelles

 

Les systmes musicaux traditionnels ont ŽtŽ ŽlaborŽs au cours des millŽnaires, dans tout un environnement humain. On ne peut pas les retrouver in abrupto, et comme en Žcologie quand une espce a disparu, on ne peut pas les refaire.

 

Ë ces millŽnaires passŽs, nous devons beaucoup, car certains ŽlŽments en ont ŽtŽ ŽlaborŽs biologiquement pourrait-on dire : on ne les retrouve pas facilement soi-mme en chambre ou sur le papier. Ne serait-ce que la construction dĠun mode. Pour un musicien soufi iranien, par exemple, un mode est liŽ ˆ un Žtat intŽrieur, cĠest un tre vivant quĠon aborde avec respect, en reconnaissant sa spŽcificitŽ. Si le musicien nĠest pas dans lĠŽtat intŽrieur correspondant, ou sĠil sent quĠil ne va pas y parvenir ou que lĠatmosphre autour ne sĠy prte pas, il prŽfŽrera sĠabstenir de jouer. Une telle leon vivante, sur la faon dĠaborder, ou de ne pas aborder un mode, est irremplaable. Le soufisme, dĠailleurs, a continuŽ la tradition antique, platonicienne. La musique y est la voie dĠaccs par excellence ˆ la contemplation. Les choses y ont ŽtŽ prŽservŽes avec une grande rigueur, sans discontinuitŽ de Platon ˆ Avicenne, et dĠAvicenne aux ma”tres soufis contemporains.

Mais sans doute pour peu de temps encore, voyez ce qui se passe en Iran.

 

En Inde, les musiques traditionnelles ont subi depuis vingt ans une dŽcadence, notamment avec lĠintroduction de la ÒsonorisationÓ et des hauts-parleurs.

 

Maintenant, mme un grand musicien comme Ram Narayan, quoique accompagnŽ de tablas et de deux tampouras, exige deux Žnormes baffles quand il joue salle Gaveau, o aucun musicien classique occidental nĠutilisera jamais de micro, mme pour la guitare classique ou le luth !

 

En Europe, nos violons ont ŽtŽ renforcŽs au XVIIIe sicle pour devenir des instruments plus sonores, pour remplir tout lĠespace ; en mme temps, le bel canto faisait travailler la force du chant au dŽtriment de la finesse intŽrieure. La musique perdant sa rigueur et sa finesse, les intervalles se modifient ; les plus tendus, plus difficiles ˆ entonner, se rel‰chent, deviennent plus doux, sĠaffadissent.

 

Pour comprendre comment il faut travailler dans lĠesprit antique, pour les intervalles, lĠintonation, la leon des musiques traditionnelles est indispensable, dans ses difficultŽs mmes. JĠai compris, par exemple, la nŽcessitŽ de travailler la grande tierce double-ton juste en entendant un musicien indien la tenir ˆ la voix contre la petite tierce naturelle dĠun harmonium dĠaccompagnement ; jĠai alors compris plus profondŽment le sens du mode correspondant. Pourtant, je savais que cette grande tierce Žtait encore entonnŽe dans les campagnes, en Espagne, en Grce, et mme en France, il nĠy a pas si longtemps...

 

Le grand chant antique, tradition perdue...

 

Pour dŽcouvrir cette musique fondŽe sur la modalitŽ profonde de lĠtre et la rŽsonance intŽrieure, il nĠest pas nŽcessaire de chercher dans des traditions lointaines, ˆ condition de savoir lĠinterprŽter, la retrouver selon ses principes mmes et non suivant ceux du XIXe sicle. La richesse extraordinaire du christianisme antique en Occident a permis aux IVe et Ve sicles de transcender les anciennes valeurs de lĠAntiquitŽ, sans les rejeter. LĠart, la philosophie, la langue, la culture furent mis au service du Christ, dans un christianisme alors universel. Au Ve sicle, pour la culture grecque ou latine, on se sentait mme supŽrieur ˆ lĠAntiquitŽ, puisque maintenant, disait-on, lĠAcadŽmie de Platon loue le Christ!

 

CĠest dans ce contexte que sĠest ŽlaborŽ le chant occidental chrŽtien, en mme temps que lĠessentiel de la culture chrŽtienne, quĠelle fut grecque ou latine. Au IVe sicle, avec Saint Augustin, Saint Ambroise de Milan, Saint Jean

 

Chrysostome, Saint GrŽgoire de Nysse, Saint Basile, et au Ve sicle, Žpoque des grands Žvques lettrŽs, lĠessentiel de la liturgie est ŽlaborŽ. FixŽ aux VIIIe et IXe sicles, le chant est notŽ aux IXe et Xe et XIe sicles, sur des manuscrits dits ÒneumŽsÓ, cĠest- ˆ dire avec des indications dynamiques et ornementales, sans indications dĠintervalles; celles-ci nĠapparaissent quĠaux XIe, XIIe et XIIIe sicles, sur des manuscrits qui ne donnent que la hauteur des notes, par points. Le grand chant, en fait, est dŽjˆ en train de se perdre au XIe sicle. A lĠŽpoque de Saint Bernard, il dispara”t progressivement et la continuitŽ de la tradition est rompue.

 

A la fin du XIXe sicle, les bŽnŽdictins franais voudront restaurer le Òchant grŽgorienÓ, mais Žvidemment suivant leur Žducation musicale bourgeoise de lĠŽpoque,piano, harmonie, bel canto, sans jamais avoir entendu autre chose, ne serait-ce, par exemple, que le flamenco ou le chant des campagnes franaises, espagnoles ou italiennes, sans parler des grandes traditions orientales, pourtant apparentŽes comme par exemple, celles du christianisme dĠOrient ! SĠils sĠintŽressent aux manuscrits anciens, ils ne chantent que dĠaprs ceux du XIe, XIIe et XIIe sicles, et ignorent les manuscrits neumŽs quant ˆ la pratique du chant, faute de savoir comment les aborder. CĠest ainsi quĠils vont crŽer ce chant planant ˆ temps Žgaux, note par note, parfois trs beau et trs prenant, mais qui nĠa rien ˆ voir avec le vŽritable chant ancien, tel que les manuscrits dĠune part et les traditions modales dĠautre part lĠenseignent.

 

LĠabbaye de Solesmes en plus, exera une sorte de mainmise sur ce chant, persŽcutant littŽralement au dŽbut du XXe sicle toute tentative non conforme ˆ la sienne, mme Žmanant de lĠOrdre bŽnŽdictin. Elle fit du grŽgorien une sorte de beau monument national, absolument intouchable, un monopole monastique de plus, ce quĠil nĠŽtait pas du tout ˆ lĠorigine. Aux IVe, Ve, VIe sicles, les moines Žtaient fort retirŽs du monde et le grand chant Žtait plut™t celui des paroisses et des ŽvchŽs qui avaient dĠautres besoins liturgiques et artistiques. Les moines pratiquaient surtout le chant de lĠAntiphonaire. Reste en plus lĠerreur sur lĠappellation ÒgrŽgorienÓ et chant romain alors quĠen fait lĠessentiel du rŽpertoire est quant au style musical celui des Gaules du Nord-est autour de Metz et celui des Gaules du Sud-ouest. (1)

 

...et retrouvŽe ?

 

Les manuscrits neumŽs constituaient le point de dŽpart de cette reconstitution. Nous avons la chance quĠils aient ŽtŽ conservŽs, car les autres traditions ne possdent rien dĠŽquivalent, dĠautant plus que nous avons des transcriptions o les intervalles ont ŽtŽ notŽs, dĠaprs une tradition encore vivante vers le XIe sicle. Mais un document sur le papier ne dit pas comment chanter. La seule dŽmarche possible consistait ˆ essayer de voir les traditions apparentes qui auraient pu survivre, puisque chez nous elles ont disparu. On pense Žvidemment ˆ lĠEglise dĠOrient, qui nĠa pas subi la mme Žvolution et les mmes transformations que celle dĠOccident.

Non pas lĠorthodoxie russe, dont la musique a ŽvoluŽ vers une forme polyphonique acadŽmique au XIXe sicle, mais lĠŽglise grecque, survivance de lĠŽglise byzantine. Encore faut-il distinguer la source originale des influences turques, arabes ou europŽennes rŽcentes. De proche en proche, on est amenŽ ainsi ˆ Žtudier les musiques traditionnelles juives, arabes, indiennes, qui toutes sont apparentŽes par lĠexigence dĠune grande prŽcision de rŽsonance intŽrieure, et dont certaines vivent encore lĠesprit modal antique.

 

Il est important aussi dĠŽcouter ce qui a survŽcu dans les campagnes occidentales, en

Espagne, en Grce, en Italie, o subsiste encore du chant latin de tradition orale. On peut ainsi se faire une idŽe sur la manire dont le latin pouvait tre chantŽ, dĠune faon extrmement dynamique et vivante, pas du tout tra”nante ou ‰nonnante comme on lĠa entendu trop souvent. Entendre de telles intonations vivantes dans les campagnes occidentales est trs impressionnant.

 

Le fondement du travail de reconstitution et dĠinterprŽtation authentique est basŽ sur lĠŽcoute comparŽe des traditions orales vivantes, lĠŽtude des manuscrits anciens neumŽs, la phonŽtique latine et en mme temps lĠŽtude et la comprŽhension de la philosophie contemplative sous-jacente, philosophie platonicienne dont lĠart roman, quoique tardif, donne une expression visible.

 

Une musique sacrŽe

 

Le travail avec les traditions musicales transmises oralement nous montre le r™le fondamental que joue la Contemplation. QuĠest cequi fonde lĠart sacrŽ ? QuĠest-ce qui pouvait le fonder dans lĠAntiquitŽ ? Sans la vision contemplative du monde, on ne comprend pas la relation entre les mathŽmatiques, la musique et la philosophie, si affirmŽe dans le monde antique.

Le mot-clŽ, cĠest lĠ‰me, la psychŽ (mais pas au sens moderne de la psychologie!). CĠest lĠ‰me, lĠEsprit qui relie toutes choses, le monde extŽrieur, le monde visible et le monde invisible.

 

Dans toute leur diversitŽ, les musiques traditionnelles ont en commun cette vision de lĠ‰me. La prire prenant un corps sonore, ˆ un Žtat intŽrieur donnŽ, correspond une faon de rŽsonner, un accord, un mode, ceci indŽpendamment de la culture, car lĠtre fondamental rŽsonne de faon identique. Ensuite, Žvidemment, la langue, la culture, lĠindividu vont modifier cela, mais il reste une Žquivalence fondamentale.

 

Dans lĠexpression musique sacrŽe, le terme sacrŽ est le plus important, la musique vient aprs. LĠart sacrŽ nĠest pas un art en soi ; cĠest un art fonctionnel, lĠoutil par excellence pour aider la prire, pour entrer dans le monde de lĠesprit, par dŽfinition difficile ˆ aborder. Mais un outil de beautŽ, de cette beautŽ platonicienne qui aide ˆ la contemplation. Alors que lĠarchitecture romane influe par ses volumes, et lĠic™ne par ses lignes et la vision, le son agit directement sur tout le corps, extŽrieur et intŽrieur, par la vibration. Le son fait vibrer la colonne vertŽbrale, la poitrine, la gorge, la rŽgion frontale, le sommet de la tte, tous ces lieux contemplatifs, ces lieux de la conscience profonde, qui constituent le corps contemplatif ou encore le corps de lumire.

 

La musique occidentale classique, par exemple, le monde symphonique romantique, est un univers intellectuel et thŽ‰tral fabuleux, fantastique, mais nous avons besoin de la musique fondamentale basŽe sur la rŽsonance naturelle, dans laquelle notre corps est nŽ. Elle agit sur lui de faon juste ; elle agit sur notre corps profond et concerne aussi un autre univers, non pas intellectuel, mais spirituel. On a beau tre habituŽ ˆ lĠair polluŽ, lĠoxygne est nŽanmoins nŽcessaire. Cette musique - sans nier la valeur de lĠautre - est essentielle pour un certain Žquilibre, o le mental ne prŽdomine pas trop. Faire revivre celle-ci, rŽintroduire la gamme juste, est aujourdĠhui nŽcessaire, et pour cela, prŽserver et perpŽtrer les traditions orales ethniques diverses est une chose essentielle. En ce sens, on peut parler dĠŽcologie musicale.

ƒvidemment, cela nous sort du confort de la musique et de la musicologie basŽes sur le piano, mais notre sicle doit trouver la dimension universelle, et pour cela mme la dimension intŽrieure essentielle.

 

Une sŽlection de disques de musiques traditionnelles.

 

Inde : chant Dhrupad, par les frres Dagar, Ë musical anthology of the Orient, India 3, collection Unesco (BŠrenreiter).

Turquie : Turquie 1, collection Unesco et  MŽditation sur le Ney, par Kutsi Erguner.

Iran : le Tar (D. Tala• et D. Chemirani) et Radif (M.Kiani et D. Chemirani), Harmonia Mundi ; Tar par D. Tala•, Ocora, Radio-France.

Thibet : Explorer Series ou Unesco ou OcoraRadio-France.

Georgie : Chants de travail, Ocora-Radio France

Japon : Shomyo (cŽrŽmonie bouddhique), collection Unesco.

Afrique : PygmŽes, collection Unesco ou Radio-France.

 

Survivance de lĠOccident ancien :

 

-Musique grecque des campagnes : Society for the dissemination of national music (Athnes) plusieurs volumes dont un sur les ”les de Kasos et Karpathos et un autre sur lĠEpire.

-Tradition celtique irlando-Žcossaire : musique des HŽbrides -Ocora

Italie : musique de la Sardaigne.

 

Reconstitution de lĠOccident antique :

 

-GrŽgorien (reconstitution du XIXe sicle) : disques de lĠabbaye de Solesmes.

-Pour une reconstitution plus authentique, dans lĠesprit ci-dessus : Alleluias et Offertoires des Gaules (IŽgor Reznikoff), Harmonia Mundi et dans la plus belle rŽsonance romane : Le chant du Thoronet (IŽgor Reznikoff), disque SM.

 

 

(1) Voir Le chant grŽgorien et le chant des gaules, dans Actes

du Colloque musique, littŽrature et sociŽtŽ au Moyen-Age,

UniversitŽ dĠAmiens, mars 1980, diffusŽs par la librairie

HonorŽ Champion, 7, quai Malaquais, Paris

 

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