Première
présentation clinique
1) Présentation de A.
A. comme Agitée,
Automutilatrice et Attirée par la moutarde.
A.
est en agitation quasi-permanente avec des gloussements ascendants gutturaux
particulièrement efficace pour fatiguer chacun d’entre nous.
Intouchable, elle vous glisse entre
les mains comme le fait le personnage de « barbapapa » que
je lisais à mes enfants il y à 20 ans. Son
corps massif est mû par une volonté irraisonnable de s’insinuer à travers
les barreaux d’une fenêtre, dans les interstices d’un grillage, à tel
point qu’elle s’en déchire trop souvent le corps. Son
enveloppe ( sa peau et ses muscles) est marquée
de nombreux points de suture et autres cicatrices .
Elle
enjambe les obstacles dont elle ne semble pas tenir compte dans leur existence
réelle. Tendue
vers l’urgence permanente d’atteindre le seau de moutarde qui
lui fait office d’obnubilation, elle développe une inventivité et
une observation extraordinaire pour subtiliser un trousseau de clef dont
elle connait parfaitement celle qui ouvre les cuisines.
L’autre n’est, la plus part du temps, pas
reconnu en tant qu’entité autonome, même s’il se
place en écran physique sur son chemin. Son
regard est transperçant, s’accrochant difficilement. Nous
sommes parfois pourtant sollicités par A., mais plutôt comme
un prolongement de ce qui lui manquerait pour arriver à ses fins.
Par exemple
nous sommes intéressants en tant que détenteur de clefs pour
lui permettre de pénétrer dans la cuisine et aller renverser
la moutarde en badigeonnant le sol (probablement à la recherche
de l’odeur piquante). Elle
se mire aussi sans en être rassurée pour autant, dans le reflet
des plats en inox dont elle semble vouloir faire partie ( elle s’insinue
entre les pile des plats).
Nous sommes parfois utilisés
comme dessinateur exclusivement de sapins de Noël, qui lui procurent
le souvenir d’une émotion sans cesse renouvelable, à l’identique,
et qui nous parait vide d’un sens partageable car insatiable. Je
pense alors à leur valeur d’ « objet autistique ».
Référence aux travaux
de R.W.Winnicott, Mélanie KLEIN, Ester BLICK, Michel et Geneviève
HAAG sur la différenciation des « objets transitionnels » (doudous mous, malléables, personnalisables,
déformables) et les « objets autistiques » (dures, non malléables, utilisés comme
tels ou bien cassés, utilisés comme bouclier parexitatoires).
Notre voix est le plus
souvent couverte par des stéréotypies vocales « Ouloulou ! »... « La !
La ! »
Dans les moments de relative inaction,
lorsque le contexte la contraint à une trop longue attente, les automutilations
se produisent par épluchage des doigts. Elle
en macule ses vêtements de petites taches de sang. Elle
n’est pas agressive envers son entourage.
A. nous présente
un typique tableau clinique de l’autisme tel que le décrivait
Léo KANNER (1943) et
décliné ensuite par ses successeurs.
On y retrouve les altérations
graves du développement dans les trois domaines de :
- La communication
verbale et non verbale (regard, vocalises, mimiques)
- Les
interactions sociales.
- Les
activités, comportements et intérêts restreints et stéréotypés.
Aujourd’hui,
on aurait tendance à dire, des troubles envahissants du développement.
Me voila donc chargée d’inventer
urgemment une prise en charge en psychomotricité avec cette charmante
jeune femme tout à fait inaccessible à mes premières
tentatives traditionnelles de séance. Elle ne veux pas entrer dans
mon bureau, ne se laisse ni toucher par mes mots, ni par mes propositions,
encore moins par mes mains.
Par
quel bout la prendre ?
Je
décide d’ouvrir ma valise de musicothérapeute et je
trouve matière à nous nourrir. Il
faut vous dire, à ce propos, que A. englouti sa nourriture à table
sans en être jamais rassasiée.
2) Création d’un rituel de
début, et de fin :
Pour
me rendre sur son unité de vie où A. est en constante attente,
je marche en musiquant mes pas avec une maracass (J’ai pensé à cet
instrument pour faire lien avec le pays d’origine de sa mère
qui est brésilienne.) Sur
son groupe, je la salue par une poignée de main et je fais de même
pour chaque colocataire rencontré. Pour
ouvrir la porte de sortie dans laquelle elle s’engouffre, je lui
demande de me tenir l’instrument, le temps de faire jouer les clefs
dans la serrure.
Une étape
plus tard, je lui demande de porter cette maracas jusqu’en bas des
escaliers ce qui produit inévitablement une rythmisation de ses
déplacements. C’est
moi ensuite qui la suis, modulant le jeu rythmique sur ses allures de marche, puis
de course (elle se précipite vers chaque porte d’entrée
possible amenant aux cuisines).
Bien
sûr elle est pour un temps perturbée par mon insistance et
semble vouloir me chasser de son champs de stimulation, qui me met en interaction
directe avec ses mouvements. Pour
moi, c’est une manière de marquer mon attention à son égard,
et un élément d’accroche pour ne pas être expulsée
systématiquement par son système défensif autistique.
Le
rituel de fin est de se serrer la main et je lui dis « au-revoir ».
3) L’apprivoisement par
le toucher rythmé, alterné et nommé :
Lorsqu’elle s’assoit,
déçue de sa quête inaccessible, je m’installe à coté d’elle
et je rythme : « Trois fois sur ma jambe », suspens, « trois
fois sur ta jambe », tout en chantonnant comme une sorte de comptine.
Quelques étapes
d’apprivoisement plus tard, nous pouvons aborder les bras, le dos
qu’elle me présente probablement
souvent en guise de rejet, puis la tête avec les oreilles, la bouche…bref
tout ce qui constitue la structure locomotrice du corps, sa charpente,
et ses appendices sensoriels et communicatifs. A.se met
alors à produire toutes sortes de sons avec des dentales, des gutturales,
des labiales…, quelques éructations, des rires d’excitation
crispant tout son visage. Ces rires n’ont pas pour moi un caractère
clair d’expression d’un réel plaisir, mais
plutôt d’une mimique excessive qui m’interroge.
Durant
ces moments d’accalmies déambulatoires temporaires A .
devient une partenaire de discussion et d’échange.
Je peux lui parler, et elle manifeste des syllabes en retour , ou des sons,
ou des regards qui deviennent sensés.
4) Les corps existent :
le mien, le sien, et c’est pas grave :
Au
fur et à mesure de nos rencontres, il semble que je devienne moins
insupportable pour A. M’aurait-elle un peu intussusceptionnée ? Elle
accepte de me donner, en main propre, la maracass au lieu de l’abandonner à terre. J’existe ! La
rythmisation de nos déplacements est devenue un standard pour nous,
comme dans un morceau de jazz, on le décline en plusieurs improvisations
et on se retrouve sur notre tempo de déplacement commun, en phase. A.
se retourne avec un coup d’œil furtif, comme interrogative
lorsque je laisse trop de silence ou qu’il advient des versions inhabituelles.
Je gagne de son attention.
La référence aux travaux
de Daniel Marcelli sur les macro et micro-rythmes dans le développement
de la capacité de penser des nourrissons m’est inévitable.
Peu à peu, elle semble me percevoir
comme moins menaçante vis-à-vis de cette tension qui la submerge
et dont je lui parle abondement ( la moutarde, le cuisinier en colère
qui ne veux plus la voir, les clefs que nous ne lui donnerons pas …)
autant de frustrations à supporter et que mes paroles portent !
Nous prenons du temps pour soigner
ses doigts épluchés en y mettant pommade et pansements, elle
accepte de renter dans mon bureau jusqu’à une demi-heure, et
le jeu chantonné du touché –nommé devient plus
longuement supportable.
J’ai
bien la notion du caractère intrusif de mes propositions, mais A.
a perçu mes capacités à supporter ses fuites
tout en ne l’oubliant pas. La porte de mon bureau ne sera jamais
plus fermée à clef sauf pour lui faire elle-même manipuler
le trousseau sans l’associer au caractère toujours interdit
qu’il avait aquis puisqu’elle allait ouvrir les cuisines pour…..la
moutarde.
Le morcellement n’est pas nié,
mais nous tâchons de garder un lien sensoriel (sonore, tactile), un
lien kinesthésique et
communiquant (gestuel et verbal ) entre tous les éléments en
jeu dans notre prise en charge.
Je signifie ma présence acharnée à ses côtés
tout au long des séances sans en être détruite. Elle
n’est pas dans une contention insupportable. Nous ne sommes pas en
contrainte – opposition, nous cherchons des canaux communs d’entente. En
fin de séance je suis entière, mais complètement épuisée.
Au fur et à mesure, je me
fatigue pourtant moins, la sensibilisation d’A. à ma pratique
de prise en charge se fait à dose homéopathique. Impossible
de lui proposer un traitement « de choc en bloc- préfabriqué ».
Sa psychose est plus forte.
C’est
dans les interstices de ce que W.R.BION repère comme « non
psychotique même dans les psychoses les plus envahissantes » que
je m’évertue à immiscer cette petite dose de jeu.
Retour
5) Du réel, du
symbolique et de l’imaginaire :
Nous avons durant une semaine construit et reconstruit chaque jour une maison
en carton dehors exposée aux quatre vents : La maison de NAFNAF.
La deuxième année de prise en charge, à l’occasion
de la semaine nationale de récupération
des emballages, en automne, nous avons récupéré un grand
carton provenant de la fameuse cuisine tant convoitée. Nous
avons ficelé, dessiné, bibouillé une maison dans laquelle
nous arrivions à tenir serrés à trois adultes.
Cette
inoubliable expérience de jeu s’appuyant sur la fameuse histoire
des trois petits cochons et du menaçant loup, restera un grand moment
de joyeux partage avec A. invitant même d’autres résidents
intrigués à se joindre à notre histoire.
Un
an après un résident me demande encore quand est-ce-qu’on
refera la maison des trois petits cochons : ( travail inscrit dans
la mémoire affective tenace !)
La mère
de A., émue, en voyant les photos de notre dinette : ( sa fille,
le regard rieur, donnant à manger à un autre
résident trois grains de riz que nous nous partagions dans une minuscule
assiette de poupée), s’est exclamée : « Et dire que l’on prétend
que le jeu n’est pas accessible aux autistes ! »
Première conclusion
Cette aventure de maison de NAFNAF mériterait à elle
seule un article détaillé que je m’efforcerai peut- être
d’écrire pour la revue Carmina ou pour un prochain colloque.
Ce qui est certain c’est que
sans ma valise de musicothérapeute, je n’aurai pas trouvé l’audace,
ni assez de justification conceptuelles pour mener mon travail avec A. de cette façon.
Dans la forêt vierge de son
autisme, j’ai pu semer des petits cailloux blancs pour retrouver mon
chemin de thérapeute et accompagner A. dans les dédales de
sa pathologie.
Deuxième présentation
clinique
Pour cette résidente, que j’appellerais Cécilia…,
(tout rapport avec un personnage médiatique actuellement connu est totalement
fortuit…) un geste simple : lui tendre la main et
lui dire bonjour.
1) Présentation de l’ogresse :
la grande baffeuse.
Chaque matin comme pour chacun des résidents de notre institution,
je tends la main à Cécilia pour lui dire bonjour.
D’une pierre deux coups : J’anticipe une réaction
négative de Cécilia, toujours redoutée, par
cette invite accueillante à lui tenir la main ,et je la salue en lui
prodiguant dans la foulée un mini massage circulatoire du Taé Yang ( méridien situé au bord externe de la
main, et qui remonte vers le coude ).
Ce circuit de l’énergie (yang) est intéressante à stimuler
pour accompagner son appogée naturelle ( TAE= grand) le matin. (Nous
nous voyons vers 10 heures) .
Cette femme si explosive se prête volontiers à ce contact, comme
surprise à chaque fois que l’on puisse lui tendre la main !
Elle qui baffe tout le monde !...
On retrouve chez Cécilia
des manifestations psychotiques décrites par BION dans des comportements
face à la frustration.
Elle fait de très nombreuses crises « d’angoisse ? » qui
l’amènent à taper violement sur les résidents les
plus craintifs ou le personnel à sa portée, sans que l’on
puisse toujours « le voir venir ».
Elle fait faire à son « Bébé » (une
poupée en chiffon), de multiples bêtises allant du simple allumage
de robinet ou de lumière, à l’arrachage des essuies-
glasses des
voitures (objets dures, cassables) sur n’importe quel parking. Sa
mère a subit de très nombreuses agressions. Elle lui donne volontiers à porter un
tas d’objets qui lui occupent les mains, lui permettant ainsi de se protéger
quelque peu. Cécilia se promène donc avec tout ce
fatras en quasi permanence.Ces objets mous, déformables… seraient-ils
des « objets transitionnels » ?.
2) Questionnement sur le diagnostic. Apport
des théoriciens de la psychiatrie.
Il est fait un diagnostique de pathologie du narcissisme primaire, sur un
versant déficitaire et un fond dépressif !!!. Une dysharmonie…que
je veux espérer évolutive.
Depuis mon arrivée dans l’établissement, j’entends
dire par les éducateurs que cette résidente n’a pas sa
place ici, qu’elle ne serait pas autiste, et en même temps pas
de place possible non plus en hôpital psychiatrique, et trop déficitaire
pour un foyer occupationnel ou un C.A.T..
Bref, entre les ajustements diagnostiques, les querelles de pouvoirs institutionnels, la
position familiale fragile, et le questionnement des équipes éducatives,
nous devons imaginer un TRUC avec Cécilia qui est là, bien vivante, à nos
côtés depuis 7 ans et qui nous encombre dans nos capacités à imaginer, à rêver
un projet pour et avec elle.
Dans la violence de ses pulsions dévastatrices, elle manifeste son intolérance à la frustration. Je
perçois chez elle ce que BION décrit de la crainte de l’anéantissement de
certains traits psychotiques : « …une lutte menée
par les pulsions, contre la réalité, les perceptions sensorielles
et la conscience. »
Cécilia s’est habituée à faire
ses besoins là où elle se trouve, sans pouvoir différer
seule cette nécessité primaire, de la même façon
qu’elle agresse son entourage immédiat à la moindre contrariété,
projetant et rejetant sur un extérieur une tension interne.
BION nous dit que pour certaines psychoses, « Le Moi peut aller
jusqu’à se décomposer, expulsant des parties du Moi clivées
dans des objets environnants extérieurs.
Ce qui provoquerait chez le sujet une
impression d’être entouré d’objets bizarre,
menaçant de l’envahir en retour. »
Par ailleurs, le mécanisme de projection vers l’extérieur
viserait à expulser le contenu de l’appareil psychique et à y
empêcher l’établissement de liens, ce qui pourrait avoir
une influence directe sur les capacités à penser du sujet.
BION postule également l’existence d’une fonction alpha
comme « fonction de liaison symbolique des impressions sensorielles
et des ressentis émotionnels très primitifs ». Cette
fonction serait assurée par la mère dans l’idée
que celle-ci joue un rôle primordial dans l’établissement
de la capacité à penser du nourrisson.
C’est
avec la lanterne de Daniel MARCELLI et
son article sur les macro et micro-rythmes, que je retrouve maintenant notre
chemin qui nous mène au jeu de « la petite bête qui
monte… »
.
Article paru dans : «La psychiatrie de l’enfant »Vol.
XXXV 1/ 1992 - P. 57-82.Le rôle des microrythmes et des macrorythmesDans l’émergence de la pensée chez
le nourrisson
3) Retour à la musicalité du
geste pour Cécilia, au massage et au jeu.
- « La
petite bête qui monte » permet l’apprivoisement.
En réfléchissant à ma manière spontanée
et personnelle d’aborder Cécilia, je
repère dans un premier temps,
l’évidence d’une distance toujours équivalente et
donc une durée toujours identique entre mon geste d’invite avec
mon bonjour verbal, et le moment du contact, du toucher de la poignée
de main et du micro-massage.
Je me suis aperçue
ensuite,
que de plus en plus de distance et donc de durée était possible
entre mon invite qui s’est au fur et à mesure aussi diversifiée
(« bonjour Cécilia ! » , « Tu
veux venir boire un peu d’eau ? » ou encore « Tu
veux que je t’ouvre la porte pour aller aux toilettes ? » et
le contacte avec les mains.
Cécilia apprécie de plus en plus ce jeu et viens maintenant d’elle-même
le devancer en tachant de prononcer mon nom, elle réclame même
une bise le matin ( je viens d’apprendre que sa sœur lui recommande
depuis peu d’être gentille avec nous, leur mère étant
récemment décédée, elle soutient de près
la
prise en charge de Cécilia dans
l’établissement).
Je conçois cet aspect comme particulièrement musical dans
nos rapports, dans le sens de la structuration du temps pour Cécilia,
de sa capacité de se sentir espérer et donc de rêver.
Ou au moins être espér
ée et être
rêv
ée par moi-même, et non plus seulement crainte.
Nous organisons par ce petit jeu matinal un différé possible
et une frustration « cortiquée, et non plus seulement instinctive
ou émotionnelle. » ( référence
au livre « Le complexe de
Barbe-Bleue, psychologie de la méchanceté et de la haine. » de
Jean- Albert MEYNARD)
C’est la création ludique de ce
que je perçois comme un moment d’attente possible, avec sa dose
d’attente-espérance (S.FREUD) qui, comme le dit
MARCELLI aussi, stimule et permet, par
conséquent la capacité de penser.
Nous avons créé un
espace possible de rencontre :
On joue, on se touche, on rythme,
on inscrit de la musicalité
dans la rencontre matinale,
contre la
reconduction à l’identique des comportements intolérables
que Cécilia nous impose ( immuabilité
de la psychose) et contre aussi la rigidité des
méthodes comportementalistes méthode TEACH qui faisaient loi à mon
arrivée dans l’établissement.
Par la critique ici de cette rigidité perçue dans une telle méthode
, je ne jette pas pour autant le bébé avec l’eau du bain
comme on dit populaire nous le recommande si bien. Je garde un intérêt
et une attention réelle aux travaux théoriques et aux pratiques
cognitivistes lorsqu’ils respectent la personnalité de chacune
des personnes dont nous avons la charge , en évitant de faire à l’identique
pour tous les autistes.
Le vécu singulier de chacun imprime
trace aussi sur les autiste y forgeant leur personnalité, et les pathologies
autistiques sont plurielles.
Ce débat important nous renvoi également aux vertus pédagogiques
de la musique en regard de nos pratiques thérapeutiques, mais il n’est
pas le propos principal de mon exposé maintenant.
Reprise
de l’exposé clinique :
Tous ces préalables
autour du bonjour avec la main, m’ont permis ensuite d’envisager
une proposition de touchers sur les épaules puis sur le dos lorsqu’une
situation suffisamment intime nous le permettait.
• Nous sommes dans une possibilité de
soins en massopuncture.
Maintenant, elle accepte aussi le contact massant le long des 2 bras qui est
devenu notre code de gratification accompagné d’un « C’est
bien Cécilia ! ».
MARCELLI nous précise qu’
« Il
n’y a pas de développement cognitif sans un double investissement
du temps dans le sens rétrojectif de la mémorisation, et dans
le sens projectif de
l’anticipation. »
• Nous sommes alors
aussi avec Cécilia dans un prossessus d’apprentissage.
Ces moments duels où nous pouvons être un peu à distance,
pas trop submergées par d’autre résidents ou encadrants,
sont précieux et en même temps source de potentiel
conflit
dans la société de notre établissement.
L’autre,
perçu comme
intrusif ou
comme concurrent perturbateur lorsqu’un contact positif et apaisant est établi
avec Cécilia est rapidement investi par elle comme un « mauvais
objet » et tapé comme tel, ce qui n’est pas sans poser
d’autre problèmes d’ordre relationnel dans l’institution.
Cécilia
n’est pas guérie, elle se construit, et je m’étonne
aujourd’hui d’être arrivée à faire ce bout
de chemin avec elle.
Elle est perméable à mes propositions
ludiques puisqu’elles peuvent devenir facilement des sources de plaisirs
partagés et de gratifications.
• Son sourire et sa bise du
matin me font penser que sur le domaine relationnel, elle va parfois aussi un
peu mieux.
Une autre histoire est
celle d’arriver à raconter à mes
collègues éducateurs nos modalités de rencontre entre
Cécilia et moi, en étayant leurs valeurs thérapeutiques.
Deuxième conclusion
Allez donc dire que l’on peut faire de la musicothérapie en
disant bonjour le matin !!!
Moi, je n’y arrive pas encore.
Cette
présentation devant vous m’y incitera sans doute en espérant
que vos questions de tout à l’heure m’aideront à étayer
mon analyse.
En tout cas, Cécilia et moi on n’est pas
perdu ensemble, et on ne s’ennuie pas ; ce qui me parait un atout
déjà important dans notre difficile travail auprès d’une
tel
population de patients.
Conclusion
finale
L’utilisation des opportunités
de rencontre en dehors de cadres fixes de travail restent pour
moi une source d’inspiration à la
relation qui ne me semble pas moins thérapeutique pour autant. L’établissement
d’un cadre rigoureux de Prise en charge est une autre dimension de
notre travail ; héritage de situations psychanalytiques (freudiennes ?)
dont je ne suis pas spécifiquement friande dans leur application trop
rigide auprès des autistes.
Ceci invite à une discussion sur notre cadre d’intervention, sur
le statut de musicothérapeute dans une institution qui est avant tout éducative,
et l’intérêt ou pas de reconnaître et nommer la pratique
d’une activité musicothérapique « clandestine » dans
ce contexte. Là-dessus, votre éclairage me
sera certainement précieux.
Je vous remercie de votre attention
Retour
Bibliographie
« Le complexe de Barbe- Bleue » Psychologie de la
méchanceté et de la haine, Jean-Albert MEYNARD, Edition
de L’archipel, 2006
« La construction de soi » Un usage de la
philosophie, Alexandre
JOLLIEN,Edition du Seuil, oct. 2006
« Buffo » Howard BUTEN Edition
Actes Sud, 2005
Du même auteur : « Il
y a quelqu’un
là-dedans : des autismes », Édition Odile
JACOB, 2003
Site internet : http://liberté-psychiatrie.fr
Accueil du site > PSYCHIATRIE Soigner
ensemble : "De la guerre à la paix"lundi 25
juin 2007 par Fatima Degoy, Anaël Fournier, Estelle Le Bohec, Marie Quentin,
Delphine Rambaud.
ANNEXE
1) Les définitions :
Musiquer : Ce verbe ancien n’est pas sans évoquer
un sens commun à notre assemblée.
Délaissé depuis le début du 20eme siècle, au profit
du terme « Faire de la musique ou jouer de la musique »,
il est revenu dans notre jargon spécifique de musicothérapeute
par Willy Bakeroot lors de notre formation.
Il donne la notion d’une transformation d’actions verbales, ou
même plus primairement sonores, mais aussi gestuelles, en quelque chose
qui aurait attrait à une composante artistique, culturelle, communicative
en supplément de l’action qu’il vient transformer.
Le geste est érigé comme une quasi spécificité dans
notre profession de psychomotriciens , je le présenterai aujourd’hui
comme un mouvement du corps, volontaire (ou non), dirigé et à vertu
communicante. La locution « faire un geste pour » lui
donne sa valeur thérapeutique.
Dictionnaire historique de la langue française (Alain REY)
Latin gestus = mouvements
du corps, attitude, mimique et jeu.. Et de gestum = accomplir, gérer, faire.
Massage
Dictionnaire Alain REY : Origines probablement orientale ;
presser, pétrir la peau de quelqu’un dans un but hygiénique
ou thérapeutique.
Problème de légitimité vis-à-vis de la création
du conseil de l’ordre des masseurs – kinésithérapeutes
au printemps 2007.
Association française de
massage chinois (Gym. Alimentation, rapport de l’environnement avec ses
influences des heures, saisons, cosmos, etc.
... C’est cette connaissance ancestrale chinoise de santé basée
sur la circulation énergétique le long des méridiens à laquelle
je me réfère en parlant de Massopuncture.Toucher thérapeutique :
C‘est le terme officiellement admis en psychomotricité.
Le jeu
Dictionnaire d’Alain REY : Jeu vient
du latin jocus = jeu en paroles, plaisanterie. Puis associé à ludus =
ludique, jeu en action ; ce dernier lui a transmis ses valeurs.
2) Les auteurs de référence
auxquels j’ai pensé : (non exhaustifs)
D’emblée il semble incontournable de citer Donald
Woods Winnicott dans
son livre « Jeu et réalité ».
Une conception du jeu, par quoi il faut entendre une capacité de
créer un espace intermédiaire entre le dehors et le dedans ;
le moi et l’autre.Nous sommes nombreux à nous
intéresser à la fonction intégratrice du jeu dans
son rôle sublimatoire de l’agressivité (batail au
tambourin), son rôle socialisant, sa richesse de modalités
d’apprentissages… C’est une voie royale de la communication
dans mon travail actuel auprès des autistes que je côtoie
dont on dit pourtant qu’ils
ne sont pas accessibles au jeu.
D.W. Winnicott (1896- 1971) part de son article consacré aux « objets
transitionnels » pour développer son analyse de la fonction
du jeu dans le développement de l’enfant.
Mélanie KLEIN développe et étaye à son tour la
notion d’objet transitionnel.Mais pour les autistes, les observations
d’Esther BICK (1902-1993) de Michel
et Geneviève HAAG, nous amènent à penser que « l’objet
autistique » ( dur, non malléable, utilisé comme tel
ou bien cassé, utilisé comme bouclier paréxitatoire) est
différent de « l’objet transitionnel » ( mou,
déformable, où l’empreinte et la déformation personnelle joue un rôle important dans son identification
et donc sa fonction d’interaction avec le monde extérieur : mon doudou
irremplaçable !).
D’où l’idée que le jeu ne serait pas accessible aux
autistes, car les autistes manipulent leurs objets autistiques et non des objets
transitionnels qu’ils n’ont pas la capacité (sublimatoire ?)
de créer.
Heureusement, je trouve avec Wilfried Ruprecht
BION un allié à mes observations et mes tentatives de jeu.
Il approche la notion de personnalité psychotique ou autistique en postulant
que toute personnalité individuelle possède une fraction psychotique.
Selon lui, cette fraction est plus ou moins importante selon les individus. Elle
coexiste avec une part non psychotique qui est conservée quel que soit
le stade d’envahissement de la psychose, maintenant le lien avec la réalité extérieure.
C’est avec cette partie non psychotique que je m’évertue à créer
du jeu dans mes prises en charge.
Pour BION, la psychose se définit par « la capacité de
déliaison et d’attaque des liens en particulier au sein de l’activité de
penser, expulsant dans l’acte ou dans la réalité extérieure
le matériel psychique non intégré.».
Les ressentis violents du nourrisson, reconnus et recueillis par la mère,
transiteraient par son psychisme afin d’y être transformés
en éléments alpha, affects moins violents réintégrables
par le nourrisson. Pour se faire, la mère use de sa « capacité de
rêverie ». Peu à peu se forme une « barrière
de contact », constituée d’éléments alpha,
séparant les fantasmes et émotions d’origine interne des
perceptions de la réalité et permettant au sujet de passer de l’un à l’autre
sans perdre le contact avec l’un d’entre eux.Si la mère
n’est pas apte à être le réceptacle des ressentis violents
de l’enfant, les affects violents et impressions sensorielles non élaborées
ne peuvent être transformés en éléments alpha et deviennent
des éléments bêta non intégrés dont le sujet
essayera de se défaire par le biais de l’identification projective. L’accumulation
d’éléments bêta constitue pour BION, par la suite « l’écran
bêta », caractéristique de la structure psychotique,
qui engendre une indistinction entre conscient et inconscient et l’incapacité à créer
des liens symboliques, origine des troubles de la pensée. Les
objets bizarres se forment en conséquence d'une identification projective
pathologique.
Cette projection massive aboutit non pas à l’objet partiel, mais à une
telle fragmentation que les représentations investies se brisent et perdent
leur sens. C’est en me référent à cela que je poursuit
mon obstination à proposer ma capacité de rêver aux
patients autistes et tenter par
cela même de permettre d’organiser une pensée.
Pour parler « BION » : Proposer des éléments
alphas face aux écrans bêtas, dont je constate chaque jour la malléabilité possible.
Mais faut être patient et persévérant comme pour bon nombre
d’activités thérapeutiques. W.R.BION identifie
certains traits dominants de la fraction psychotique dont L'intolérance à la
frustration, la crainte de l'anéantissement, la violence des pulsions
destructrices et la lutte menée par ces pulsions contre la réalité,
les perceptions sensorielles et la conscience. Le sujet, tributaire de la violence
de ses pulsions dévastatrices tenterait, selon lui, par le biais de l'identification
projective de rejeter les ressentis de déplaisir comme la frustration
ou la douleur.
Prfs. Daniel MARCELLI
Article paru dans : «La psychiatrie de l’enfant »Vol.
XXXV 1/ 1992 - P. 57-82. Le rôle des microrythmes et des macrorythmesDans l’émergence de la pensée chez
le nourrisson (Micro
et macrorythme, Interaction précoce, Attente et incertitude)
L’auteur s’interroge sur les moyens dont dispose un nourrisson pour
se dégager du système perceptif d’un côté, et
hallucinatoire de l’autre, afin de s’engager dans un travail de mise
en représentation qui implique la tolérance à la frustration
imposée par l’attente.
Deux contextes interactifs différents et contradictoires participent à cette émergence
: d’un côté les contextes macrorythmiques dominés
par la répétition impliquant les partenaires interactifs dans
leur globalité et concernant plus particulièrement les relations
de soins au bébé : d’un autre côté les contextes
microrythmiques dominés par les ruptures de rythmes, les attentes
trompées impliquant les partenaires dans de courtes séquences et
concernant plus particulièrement les interactions ludiques.
Le rythme conditionne la capacité d’investir le temps d'attente
et par conséquent la capacité de penser. »
« . S.
Freud décrivait ce moment particulier de l’attente en particulier l’attente-espérance. Les
psychologues actuels parlent volontiers de conduite anticipatrice. Quand les
mots “attente”, “continuité”, “anticipation” sont
prononcés chacun conçoit qu’on se réfère de
façon implicite ou explicite à l’investissement du temps.
Il n’y a pas de développement cognitif sans un double investissement
du temps dans ses deux flèches rétrojective et projective : l’investissement
rétrojectif du temps de la mémorisation, l’investissement
projectif du temps de l’anticipation. »
Mots de la fin :
Après avoir Psychomotrisé, Massoponcturisé, Musicothérapeutisé,
et vieilli, je me suis mise à jouer et j’aurais tendance à inviter
désormais chacun de nous à le faire.
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