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Polyrythmie et responsorial pour une présentation à répétition

Animation pratique pour les 3èmes rencontres professionnelles de musicothérapeutes
Organisées les 11 et 12 novembre 2009 à Besançon

« Le jeu et la répétition en musicothérapie active »

Christophe Grosjean

Cette animation pratique a été présentée le 11 novembre, jour de l’Armistice certes, mais avant tout et surtout jour de la Saint Martin (Armistice étant un anagramme de Saint Martin).

Parmi les nombreuses aventures que l’on prête à St Martin, il en est une où il perd son âne ; en effet, pendant qu’il porte la bonne parole, son âne en profite pour déambuler, et part ainsi brouter ailleurs ; on dit aussi qu’à la nuit tombée, les enfants du pays se mettent à sa recherche, avec force lanternes, et le retrouveront en train de manger des chardons. Pour les remercier, St Martin a transformé toutes les petites crottes que l’âne a semé sur son périple en brioches, brioches que l’on appelle en Flandres les folards, ou craquandoules. Pour commémorer cela, les enfants flamands défilent dans les rues, avec une lanterne en forme de tête creusée dans une courge, et vont de porte en porte chanter leur quête, en échange de quoi on leur offre des bonbons.

Le 11 novembre est également le jour où l’ours, mythologiquement, se retire dans sa caverne pour hiberner. L’âne est-il parti hiberner avec l’ours, à mi-chemin du monde des morts, morts que l’on honore justement en novembre au moment où la nature commence à mourir momentanément, et à mi-chemin du monde des vivants, vivants qui défient la mort en faisant de la St Martin et des fêtes de novembre des événements festifs (ceci dans une grande partie des cultures du monde) ? (1)

Puisqu’il faut faire le difficile choix d’une thématique pour proposer une chanson, celui-ci nous en fournira une. L’on m’objectera peut être que j’ai voulu faire l’âne, faire de cette animation une âne-imation (2)… Il s’agit plutôt ici de trouver à se relier au temps, à la qualité du jour, éloigner peut être ainsi le défilé monotone et sans repère des jours qui se suivent et se ressemblent, ceci étant particulièrement sensible chez les personnes malades et enfermées en institutions.

Une chanson évoquant une perte donc, la perte d’un âne (pas d’une âme, le calembour est facile, la langue peut fourcher en chantant)… Et tout ceci comme prétexte à dérouler une histoire contée chantée, où chacun a été invité à se présenter, à narrer / chanter son parcours jusqu’à Besançon, et à dire ce qu’il avait vu sur sa route, s’il avait vu “mon” âne.

Par ce détour, j’ai donc souhaité installer un rituel de présentation musiqué, potentiellement ludique (contrairement aux tours de table parfois interminables de début de formation), et déroulant une trame symbolico-imaginaire permettant le jeu et la parole, de manière peut être pas trop anxiogène pour une première matinée de rencontre. Il me semblait important que tout ceci balance entre individu et groupe ; un responsorial sert ainsi le refrain, et il y a répétition en écho des prénoms déjà cités, ceux-ci étant repris à chaque fois avec l’ajout du prénom de la personne qui vient de se présenter.

Je me suis inspiré ici des contes de randonnée. Ceux particulièrement où un personnage part en quête, rencontre des alliés qui se présentent, et qui s’ajoutent tour à tour à la formule verbale décrivant les protagonistes. Ces contes de randonnées prévoient souvent une récapitulation des personnages ou éléments déjà cités, la randonnée fait alors un aller retour, mobilisant la mémoire.

Dans la littérature (écrite, bien sûr), les répétitions sont considérées comme pauvreté et lourdeur.

Par contre, les répétitions du type de celles que l’on trouve dans les randonnées sont une des richesses de l’oralité, elle permettent le jeu et l’interaction presque immédiate avec l’autre ; en effet, c’est très vite un plaisir de retrouver, de répéter, et parfois d’enrichir les formules du conteur.

Le rythme de la chanson, les répétitions, l’alternance individu / groupe, ont été rapidement possible avec peu de consignes, le balancement corporel installé au départ conduisant à cela.

Le refrain est collectif et propose une structure connue puisque qu'il a été répété plusieurs fois ; les couplets sont individuels, il ouvrent davantage vers l’inconnu puisqu’ils sont improvisés de manière rythmo-musicale, cela au service de la parole.

Une formule verbale a été proposée (Sur mon chemin, je vous l’avoue, Aucun âne, ni peu ni prou), pour conclure les présentations individuelles. Ceci pour éviter les balbutiements de fin quand on ne sait plus quoi dire, et pour que cette formule invite le groupe à se préparer au refrain collectif. C’est une articulation utile à mon sens. Le soliste s’est également vu proposer un petit boomwhacker (tube sonore en plastique, accordé sur une note) ; il me semble toujours intéressant de donner à voir qui est le soliste, pour éviter les confusions (si fréquentes avec les personnes malades, en con-fusion avec l’autre), en plus de lui offrir un support rythmique pour ponctuer sa parole…

Notes :

1) Le thème de la coupure est très présent à cette période calendaire. On le retrouve sous plusieurs formes, par exemple avec le manteau de St Martin partagé en deux pour couvrir un mendiant. Ou encore dans la coupure opérée entre les vivants et des morts, lors d’une période charnière entre la saison chaude et la saison froide, celle-ci étant marquée par de nombreux retournements du temps (comme pour aujourd’hui l’été de la St Martin, un été en ce début de saison froide), retournements prétexte à des inversions marquants déjà le début de Carnaval.

2) L'âne a ainsi mauvaise réputation. Cela n’est pas toujours le cas, son symbolisme est des plus complexes. Il préside avec le boeuf à la naissance du Christ. L’âne de Balaam voit les anges et entend leur langage. Il est l'animal qui a des oreilles pour entendre. On dit que le bonnet d'âne était primitivement donné à l'écolier qui ne savait pas écouter, non pour lui faire honte, mais pour qu'il apprenne à entendre.

Texte et déroulement de la chanson :

Quand je me suis levé ce matin, (reprise du chœur à chaque fin de phrase)
Dans mon écurie il n'y avait plus rien,
J’ai eu beau chercher dans tous les coins,
Prier prier mon ange gardien

REFRAIN en responsorial :

Mon âne mon âne s’est fait la malle
Mon âne mon âne s’est fait la malle
Combien s'rons nous pour le chercher, Qui vais-je rencontrer
Combien s'rons nous pour le chercher, Qui vais-je rencontrer

Ami qui passe par ici,
Viens tu d’Annemasse ou d’Annecy
Es tu passé en Anatolie
Y as tu vu mon âne joli

REFRAIN

Dis moi ton nom s’il te plait
Par quel chemin es tu passé
Quelles embûches as tu rencontré
Mon âne as tu vu galoper

REFRAIN

PREMIERE PRESENTATION (un exemple possible), sans responsorial + PETIT BOOMWHACKER pour ponctuer / rythmer

Je m'appelle …
Je m'appelle …

Et j'ai le droit de répéter
C'est le thème de la journée
Alors je n'vais pas m'en priver
Alors je n'vais pas m'en priver

Je travaille à …
Je travaille à …

Et sur mon chemin ce matin
J'ai j'ai j'ai croisé un train
J'ai vu un chien et deux poussins
Mais sur mon chemin je vous l'avoue
Aucun âne ni peu ni prou

REFRAIN

Mon âne mon âne s'est fait la malle
Mon âne mon âne s'est fait la malle
A 1 j'étions pour le chercher
Et alors il y avait

STOP ; la musique s’arrête sur un signe prévu – PRENOM (repris en chœur par le groupe)

Musique. Le petit boomwhacker circule vers quelqu’un d’autre

Chacun son tour va se présenter
C’est pas compliqué, c’est pas compliqué
On peut le parler
On peut le rythmer
On peut le chanter
Sur la mélodie d’la matinée
On peut improviser
La mélodie que vous voudrez
Une fois la présentation terminée,
N’oubliez pas la formule à prononcer
Sur mon chemin je vous l'avoue
Aucun âne ni peu ni prou

Celui qui reçoit le boomwhacker se présente

Puis, REFRAIN :

Mon âne mon âne
Mon âne s’est fait la malle
2 étions pour le chercher
Et avec nous il y avait :

STOP – Prénom du premier chanteur, repris par le groupe, prénom du deuxième chanteur, repris par le groupe Musique, le petit boomwhacker circule vers quelqu’un d’autre.

Elle ou il se présente.
Puis refrain, nom du premier repris par le groupe, du deuxième repris par le groupe, du troisième repris par le groupe…

Et caetera jusqu’à dérouler tous les participants.