Musicothérapie active

 

 

 

EXTRAITS DE LECTURE

 

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D'après "VIE ET MORT DE L'IMAGE"

 

Régis Debray, Gallimard 1992

 

 

 

SUR L'HISTOIRE DU MOT "ART"

 

 

"Jamais, quand c'est la vie qui s'en va on n'a autant parlé de civilisation et de culture." Antonin ARTAUD

 

La musique est-elle un objet ? Peut-être oui, peut-être non !

 

Ce n'est, en tous cas, pas dans le sens d'"objet" que nous utilisons la musique en musicothérapie active.

 

Cependant, les connotations habituelles nous collent à la peau. Pourtant, nous ne sommes pas des "art-thérapeutes." Il est difficile d'extraire la musique de la catégorie plus vaste dans laquelle elle est habituellement placée : la catégorie de l'art.

 

Remettre en cause la notion d'ART entraîne généralement une ribambelle de protestations diverses. Au nom de la culture, au nom de la liberté, au nom du raffinement d'une civilisation, au nom de la Grèce ancienne etc.

 

Et pourtant, l'art n'est pas un invariant de la condition humaine.

 

"L'art n'est pas un invariant de la condition humaine mais une notion tardive propre à l'Occident moderne et dont rien n'assure la perénnité. Cette abstraction mythique a puisé sa légitimité dans une "histoire de l'art" non moins mythologique, dernier refuge du temps linéaire utopique."

 

"Entre nos images et nous, se dresse un mot écran : "l'art". Nous avons maintes fois et comme machinalement buté sur ce fourre-tout. Debray Page 157

 

"La beauté faite exprès, ce que nous appelons art, cela n'occupe, dans l'histoire de l'Occident, que quatre ou cinq siècles. Brève parenthèse." Debray Page 158

 

L'histoire de l'art veut nous faire croire à un invariant, un écoulement des images qui s'opère depuis la nuit des temps formant un objet idéal dont chaque époque illustrerait un des aspects. Cet écoulement se rallie à l'archétype chrétien du temps salvateur qui commence par l'incarnation et finit par le jugement dernier.

 

"Ce serait rallier la loi du dernier venu et du plus fort." Debray Page 157

 

L'art est une notion occidentale qui apparaît avec le Quattrocento florentin.

 

La notion d'art y fait de l'artisan un artiste et non l'inverse.

 

"La notion d'art est apparue à la Renaissance, portée par l'idée toute neuve de progrès." Debray Page 162

 

 

PRÉSUPPOSÉS ESSENTIELS :

 

- L'existence d'un concept unique d'art englobant toutes les civilisations et toutes les époques.

 

- L'existence d'une histoire unique et continue.

 

- Que cette histoire peut faire l'objet d'une discipline autonome.

 

Il y a des civilisations (comme par exemple la Chine) où l'art comme histoire n'a jamais vu le jour. Debray Page 160

 

"On donne encore des cours d'histoire de l'art quand plus personne, sauf ironie, ne propose une histoire de la Civilisation." Debray Page 161

 

 

NAISSANCE DU MOT "ART"

 

On tient toujours pour acquis depuis Winckelmann et son "Histoire de l'art chez les Anciens"(Dresde 1764) que les Grecs sont les vrais inventeurs de l'Art.

 

Or, : "l'art, au sens où nous l'entendons, nous, modernes, comme rubrique indépendante et catégorie mentale, ne paraît pas avoir de répondant dans la Grèce ancienne." Debray Page 180

 

Il existe des formes matérielles qui peuplent nos musées, mais il n'existait pas de discours propre sur l'art dans le monde antique.

 

"Ils n'avaient donc pas de mot pour le dire, n'en ayant pas le besoin." Debray Page 181

 

Les formes plastique étaient liées intimement aux puissances de l'au-delà.

 

"Ecrire "ART" se dit en grec "TECHNÉ" comme cela se fait tous les jours, c'est plus qu'un anachronisme, c'est un délire récupérateur." Debray Page 181

 

 

TECHNE

 

Désigne l'artifice, l'habileté ou la ruse. Il s'agit d'un savoir-faire dans un métier. Il est toujours qualifié. Exemple : l'art de la parole. Il est à la fois science et magie, compétence et bricolage.

 

C'est : agir sur la nature.

 

"Praxeis technè" que nous traduisons par "Oeuvres d'art" devrait se traduire plus justement par "Réalisations techniques". Il faut savoir que le plasticien, en Grèce ancienne, est l'émule d'un esclave. On apprécie l'oeuvre parce qu'elle représente un dieu, mais jamais l'ouvrier.

 

Les notions de talent, virtuosité, n'ont pas cours.

 

"l'impression produite par une image peinte ou sculptée dépend de ce qu'elle figure, non de la façon dont elle le figure." Jean-Pierre Vernant

 

"La technè est une disposition à produire quelque chose de manière raisonnée." Aristote

 

"Le beau grec n'est pas une catégorie esthétique mais éthique et métaphysique."

 

Debray Page 188

 

Yvan ILLICH dans son ouvrage sur le Travail fantôme (Seuil) rappelle que le mot MECANIQUE vient du grec "MECHANE" :

 

Pour les grecs de l'époque classique, les ARTS MECANIQUES étaient des procédés au moyen desquels déjouer la nature par des miracles, par la magie, l'artifice, et par des appareils tels que les horloges hydrauliques et les miroirs paraboliques. Ce pouvoir était le fait des DIEUX,des magiciennes, des acteurs et des artisans.

 

La MECHANE était ce qui faisait des choses étranges et la FABRICA les normales.

 

Ivan ILLICH note que le Latin n'adopta pas ce mot et ne lui substitua pas de terme équivalent.

 

CHEZ LES LATINS

 

Les romains : ARS, terme péjoratif désigne l'adresse, la malignité. D'où notre "artificieux"

 

ARTIFEX : à la fois le spécialiste et l'artisan : le faiseur.

 

Les chrétiens : "Houvrier" (tailleurs d'ymages, charpentiers et autres ouvriers) est remplacé par "artisan"

 

"Artiste" désigne alors le maître es arts et s'étend aux chimistes et alchimistes. "Artiste" est celui qui travaille dans un art et se dit particulièrement de ceux qui font des opérations chimiques.

 

L'art avant la naissance de l'Art est pur reflet de l'ordre du monde. On n'y discute pas des goûts et des couleurs. Il relève d'une théologie ou d'une cosmologie.

 

"Dans son propre bercail historique, et jusqu'à hier matin, l' ART a été, non pas introuvable, mais simplement impensable." Debray Page 200

 

"L'artiste, c'est l'artisan qui dit "moi je". Debray Page 242

 

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