Bien des fantasmes tournent autour de la flûte. Petit objet insignifiant - pipeau - bon pour les enfants, stridence phallique insupportable, arme imparable consacrant la primauté redoutable de ce qui sort de la bouche, objet fétiche auquel on se raccroche... phallus manquant ?
La flûte est tout cela en même temps qu'un instrument de plaisir.
Ses connotations sont toujours érotiques même s'il s'agit d'un petit flageolet.
Associée au plus spirituel des légumes - le fayot - elle reste tout de même un lieu par ou passe l'esprit, qu'il vienne des enfers ou du haut des cieux.
W.B.

Retour

PROPOS FLUTIEUX

Retour

L'intérêt de l'emploi de la flûte est multiple.
C'est d'abord un instrument simple, bon marché, léger, peu encombrant. S'il se brise, il est facilement remplaçable.
Il permet, à celui qui en fait usage, de s'initier rapidement aux bases du jeu musical et même du solfège.
Il donne la possibilité de travailler le contrôle du souffle grâce à l'obligation, pour le joueur, de rythmer le débit respiratoire.
Tous peuvent y accéder facilement sans être obligé de passer par un long apprentissage.

Sur le plan symbolique, c'est un instrument qui a, nettement, une connotation phallique. En ce sens, il est ambigu. Il peut aussi bien agacer que faire plaisir. On peut lui faire émettre un son strident qui maltraite les oreilles de ceux qui l'écoutent. Certains enfants ne se privent pas de l'employer pour agresser leur entourage. Cette agression est d'autant plus forte que la flûte est plus aiguë. (soprano) L'aspect phallique est poussé alors à son maximum. Cet acte est moins aisé avec des flûtes alto, ténor ou basse. Leur son est plus doux. Si l'agression par la flûte atteint surtout ceux qui l'écoutent, elle peut être un plaisir - abusif quelquefois - pour ceux qui en jouent.

L'ambiguité de la flûte prend toute sa dimension dans le mythe du charmeur de serpent. On sait qu'un serpent est sourd, le son de la flûte ne l'atteint pas, contrairement à ce que nous croyons. Pour "charmer" le serpent, le charmeur se revêt d'abord de vêtements épais (cuirs) qui le mettront hors d'atteinte d'une piqure éventuelle. Le serpent étant dans le panier, le charmeur en soulève le couvercle. Lorsque le serpent passe la tête en voulant sortir, il recoit alors un coup violent qui l'assomme. Chaque fois qu'on soulève le couvercle et que le serpent veut sortir, il est assommé par le "coup de flûte". Progressivement, conditionné par la terreur de l'instrument, il n'ose s'échapper de la menace permanente du charmeur qui le suit dans ses mouvements. La flûte du charmeur est formée de deux tuyaux parallèles encastrés dans la partie sphérique d'une calebasse. Sur la calebasse, on a mis de la verroterie qui brille au soleil et ajoute à la fascination du serpent. Le bout étroit de la calebasse sert d'embouchure. Le "charme" prend ici tout un sens d'enveloppement mortifère.

La flûte - du moins chez les Grecs - a été l'instrument principal qui accompagnait les transes. L'AULOS était une flûte double avec double anche et qui donnait un son nasillard. Elle avait mauvaise presse chez les "intellectuels" athéniens qui la jugeaient "vulgaire" au sens du terme "populaire". De même, l'église catholique ne fut pas sans dénigrer la flûte en lui reprochant d'accompagner des danses lubriques.

Il est intéressant de constater que le son "nasillard" est caractéristique des instruments populaires du genre cornemuse, hautbois, et, aujourd'hui, de l'accordéon ou de l'harmonica. Le son nasillard semble plaire parce qu'il est plus proche de la voix que le son des autres instruments trop clairs et aseptisés de la musique savante et bourgeoise.

Dans les mentalités "populaires", rien ne surpasse la magie de la voix qui a la primauté sur tous les instruments. Le phénomène se retrouve en Afrique où, dans certaines sociétés, le son trop clair des lamelles de bois du balafon est brouillé par une très fine lamelle qui obstrue les calebasses de résonance. C'est que ce son brouillé se réfère à la voix humaine alors que le son clair semble artificiel. Ce fait consacre l'importance de la voix que viennent "servir" les instruments.

La flûte dite "douce" que nous utilisons, n'a pas le caractère nasillard du hautbois, mais est a l'avantage d'être plus facile à jouer.