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Versailles 23 et 24 novembre 2018 - Centre Frédéric Ozanam , 24, rue du Maréchal Joffre Versailles
Je crois qu’on peut situer le monde des comptines dans le champ des tentatives enfantines d’accès au langage. On peut aussi les placer dans la catégorie « culture enfantine. »
On en parle souvent comme étant de la « Littérature orale ». Mais elles ne font pas partie d’une catégorie littéraire propre aux adultes alphabétisés.
Elles font plutôt partie de ce que Zumthor appelait l’Oraliture. (Paul Zumthor, La lettre et la voix, Seuil).
L’Oraliture désigne l’ensemble des manifestations ORALES et GESTUELLES, contrairement à la Littérature qui elle, est en rapport avec la LETTRE et L’ÉCRIT.
Ça nous situe dans les jeux du langage et de la parole. En parlant des comptines, nous sommes dans l’Oraliture. Les appréhender à partir du concept de « Littérature orale » amène à des contresens.
Pour entrer un peu plus dans le détail, je vous propose quelques réflexions un peu en vrac sur comment les comptines naissent en sachant qu’elles sont intimement mêlées à la logique du langage. Elles fleurissent à partir des racines qui génèrent ce qu’on peut appeler « l’ordre symbolique », l’ordre du langage.
« 1, 2, 3, nous irons au bois. »
On pourrait dire que l’essentiel se trouve dans cette comptine que vous devez connaître.
C’est une comptine bien française.
Elle est simple, octosyllabique, en 7 temps + 1.
Elle utilise, comme presque toutes les comptines françaises ou occidentales, le rythme d’anapeste qui s’appuie paresseusement sur la dernière syllabe.
La même formule se retrouve dans :
Am, stram, gram, pic et pic et colegram. (eins, zwei, drei)
Il y a des comptines africaines qui sont beaucoup plus riches en formules rythmiques. Nous serions incapables de les chanter ou de les jouer corporellement. Je n’en parlerai donc pas.
Si je cite cette comptine, c’est qu’elle commence par compter.
Le terme comptine à la même racine que celui de conte. Quelquefois d’ailleurs on voit le mot écrit « contines » et l’on parle de la comptine comme d’un petit conte.
Le mot « conte » est plutôt un avatar du mot « comptine ». « Compter » vient du latin « PUTARE ». En latin, les mots sont bien plus polysémiques qu’en français. Le même mot signifie parfois quelque chose et son contraire. Par exemple le mot latin SACER (sacré) signifie vénérable mais aussi exécrable.
PUTARE ou PUTATIO signifie couper, mais aussi croire, calculer, juger.
Le sens principal de putare tourne donc autour d’ « ÉLAGUER ». L’élagage est une sorte de mise en ordre de la végétation.
Il s’agit bien ici d’une activité de mise en ordre du langage.
Pour rappel, le mot anglais se dit COMPUTER, ordinateur. La comptine ordine le langage et le rend ainsi accessible.
Lorsque j’ai commencé à proposer des stages sur le conte, quelquefois des amis me lançaient la vanne « Ah ! Tu vas animer un stage de comptabilité ! ». Ils n’avaient pas tout à fait tort.
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L’obsession de la mise en ordre.
Lorsque l’enfant sort du ventre de sa mère, il est dans la confusion. Il est la mère. Pour en sortir, il va entrer dans un long processus laborieux qui lui permettra progressivement de se distancier afin d’exister en tant que sujet. C’est dans ce long processus qu’il mettra le langage ambiant dans un ordre accessible. Travail d’architecte mais aussi travail de rythmicien. Un de ses outils sera la comptine.
La pratique des comptines est quelquefois issue d’une anxiété par rapport à ce qui va se passer ou de ce qui se passe.
Une amie me racontait « Quand j’étais petite, nous habitions une grande maison peu éclairée. Les toilettes étaient à l’étage. Quand je devais y aller le soir, je prenais un balai en main et je montais les escaliers en frappant avec le manche sur chaque marche et en criant bien fort : S’il y a quelqu’un là-haut, qu’il le dise ! »
Je me rappelle de cette petite fille qui devait partir en vacances à Porto-Vecchio. Elle était assise sur le perron non loin de moi. La voilà lancée dans une sorte de longue incantation qui tournait autour du mot « Porto-Vecchio » qu’elle déformait de mille façons en le chantant sur une mélodie répétitive : Vecchio-Porto, portove, vecchiport, portoport, etc.
J’ai compté patiemment plus de 300 émissions variées du mot mélodisé répétitivement.
Un autre exemple est celui de mes petites nièces que j’avais emmené promener en voiture. Pendant des kilomètres, elles ont chanté « 1 kilomètre à pied, ça use, ça use, 1 kilomètre à pied, ça use, les souliers. ». Puis, « 2 kilomètres à pied, ça ruse, ça ruse… » Chaque fois qu’elles reprenaient le chant avec un chiffre différent, elle transformaient le mot « ruse » en suse, tuse, buse, buse etc.
Ça finissait d’ailleurs par être un peu casse-pieds. Mais leur constance ne faiblissait pas.
Autant de formulettes rassurantes qui font du bruit devant le silence du temps qui s’échappe sans arrêt.
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Les aventures utérines.
Il est bon de rappeler ici que, in utero, le bébé est comme bombardé par le « sonore ». Il habite dans un espace bordé par une cloison sonore. Il reçoit les vibrations avec tout son corps puis, plus précisément, vers le 6ème mois, par ses oreilles naissantes. Les bruits sont ceux de la mère en mouvement avec pour base régulière les battements du cœur. Puis la respiration, la voix, tous les bruits liés aux mouvements du corps. Ensuite les bruits extérieurs les plus variés.
La succession ininterrompue des bruits compose une sorte de RÉCIT constitutif qui édifiera ce que j’appelle « le squelette sonore » du bébé. Le terme RÉCIT comporte à la fois le temps et le mouvement. C’est une suite d’événements qui se succèdent. On parle peu de cet aspect sonore car il nous échappe comme le temps. Il est souvent évanescent. Nous préférons nous en tenir dans les termes d’espaces car ils nous donnent l’impression d’une précision maîtrisable.
C’est le travail du temps qui ne supporte pas le fixe.
Saint Augustin écrit : « Si l’instant présent devient fixe, s’il est toujours présent, il n’est plus le temps. Il est l’éternité. Mais alors comment le nommer ? »
À peine a-t-on essayé de nommer l’instant qu’il est déjà parti dans le passé et la mémoire. Pas de suspension possible. C’est toujours trop tard. Le temps est insaisissable. Le tic tac de l’horloge – qui rejoint la logique de l’espace - est un leurre qui peut nous faire croire que nous maîtrisons le temps.
Chaque bruit « entendu » par le bébé sera un repère de son mouvement d’avancée dans le temps. Ainsi, le bébé deviendra « temporel ».
Dans ce mouvement inéluctable, il est embarqué dans la jouissance de l’avancée en même temps que dans la terreur de la perte de ce qu’il laisse et qui le précédera.
Il devient temporel parce qu’il fait de manière ininterrompue l’expérience du tragique. Il perd sans cesse. On pourrait dire que l’instant est double et se balance sans arrêt entre l’avenir et le passé.
Tout « son » perçu est constitutif de ce récit. Peut-on rêver qu’il est un point fixe qui, dans l’idéal, ne se dissoudrait pas, prenant la forme de l’éternité ? Mais ce point fixe, sans cesse se dissout pour se transformer. La vie fait, de suite, place à la mort. La quête du fixe est sans cesse remise en question. Un son fait place à un autre son différent, et ainsi de suite.
1 fait place à 2 qui fera place à 3 etc.
C’est une situation angoissante. Mais nous ne pouvons pas exister sans ces vibrations sonores essentielles. Si ces vibrations cessent, nous tombons en poussière. L’expérience des chambres anéchoïdes (ou anéchoïques) révèle combien nous dépendons des vibrations. Les chambres anéchoïdes (sans échos) sont construites dans le but d’expériences scientifiques. Si l’on y enferme quelqu’un, il peut rapidement devenir fou et même en mourir.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Chambre_anéchoïque
Il est donc impossible de se passer des vibrations.
Nous avons tendance à rompre les silences. Ça nous rassure. C’est sans doute ce qui explique la manie des vacarmes permanents dans les pratiques musicales quelles qu’elles soient.
Pour désigner cette première aventure constitutive, le terme « RÉCIT » me paraît bien adapté. Toute sa vie, l’être humain sera habité par ce récit. Il ne pourra pas s’empêcher de l’évoquer sans cesse par les bruits qu’il fera partout où il peut, remémorant ainsi la cloison sonore qui l’a enveloppé depuis le début de sa vie. Observez les enfants qui passent dans un tunnel et qui émettent des sons qui résonnent.
La succession des sons constituera une sorte de RÉCIT AGITANT qui modèlera le bébé.
Le mot « RÉCIT » est bâti sur une racine européenne « Kei » qui signifie « agiter ». D’où « kiné », « cinéma ». (À remarquer aussi que le terme grec « Muthos » a donné « Mythe » qui signifie « récit », « parole prononcée » ou encore « projet »)
Il est bien difficile de nommer le temps sinon en passant par le terme RÉCIT qui raconte bien le déroulement de ce qui se passe.
La comptine est un petit récit qui organise un temps de l’initiation à ce qui nous distancie de notre matrice : le LANGAGE.
Ce mythe sonore se construit progressivement jusqu’à devenir suffisamment mature pour être une référence déterminante.
Saint Augustin écrit une formule qui me paraît emblématique tant elle décrit assez exactement le processus de maturation : il parle à Dieu. Traduisez.
« Vous me harceliez d’un aiguillon secret pour nourrir mon inquiétude, jusqu’à ce que, par une vue intérieure, vous fussiez devenu pour moi un objet de certitude. » (Confessions, Livre 7 ch. 8)
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« Promenons nous dedans les bois »
Le travail de distanciation commence par la « DISTINCTION ». Atteindre le « je ne suis pas ma mère » suppose d’abord la distinction entre le 1 et le 2. Elle se fait sans doute grâce aux balancements dans le va-et-vient entre le bébé et la mère. C’est un jeu d’hésitations entre « je suis moi » et « je suis l’autre » qui va introduire la RÉPÉTITION. Ces balancements constituent une sorte de tremplin bilatéral sur lequel on s’appuie pour aller vers une liberté.
Cela va se traduire dans l’accès au langage par ce qu’on appelle les mots doubles. (Ou encore des mots-phrases) MAMA, PAPA, DOUDOU, LOLO, PIPI, CACA, DADA, etc.
Ces mots traduisent la dyade mère-enfant. Ma-ma : maman et moi.
Répétition renouvelée et entretenue par les bercements corporels et l’utilisation par les adultes de termes doubles tels que COCO, MIMI, DOUDOU, etc. termes à connotations affectueuses et qui évoquent la dyade fondamentale.
On retrouve ces formes lorsque l’adulte est dans un rapport de tendresse avec un autre adulte : « mon coco »
Quand quelqu’un est satisfait, il a tendance à se balancer comme pour retrouver le plaisir enfantin des premières aventures vers l’autonomie. Autonomie qui ne pourra jamais être totale en raison de la crainte de l’isolement qu’elle pourrait favoriser.
Nous gardons toute notre vie cette tendance aux balancements. Elles sont souvent entretenues par des balancements corporels.
On la retrouve même dans des situations de malaise, par exemple lorsque nous sommes amenés à nous exprimer en public : balancements d’un pied sur l’autre ou balancements dans l’espace de gauche à droite ou d’avant en arrière.
Le même comportement peut être observé chez les animaux en cage : ils arpentent répétitivement leur grille d’un côté à l’autre.
Comme si, dans une situation de contrainte, il semblait utile de revenir au tremplin des balancements primitifs d’où l’on se lance pour aller vers je ne sais quelle libération.
Il est intéressant de voir que dans la mythologie du calendrier le balancement se situe au moment du passage de l’année. Dans la liturgie chrétienne on retrouve ce balancement hésitant qui existe entre décembre et janvier. On y trouve des séquences de temps à l’envers comme si le temps reculait. Sans doute pour mieux sauter ?
Chez le bébé, cette répétition inaugure le plaisir adulte des balancements multiples dans les répétitions langagières les allitérations et les redondances, du plaisir des rimes et cadences diverses.
Ce plaisir basique se traduira aussi dans les danses ou les simples balancements.
La distinction entre 1 et 2 amène progressivement un entre-deux qui se trouve être de la substance du langage. Ça nous amène vers le 3. Tiers qui s’annonce en garant de la distance entre 1 et 2. Après le 2 différent du 1, nous pouvons maintenant « aller au bois »
La mère tient son enfant dans les bras, le dépose dans son berceau puis s’absente. Pour le bébé, son objet d’amour a disparu. C’est alors que, si tout se passe bien, qu’il va l’appeler en criant « MAMA ».
Le mot « MAMA » ou encore « PAPA » nécessite un mouvement basique de la bouche qui engendrera la forme langagière. Cette ouverture de bouche est le geste qui commande à la lettre M ou encore à la lettre P. Ce sont deux gestes proches.
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Pendant les thérapies, j’ai vu plusieurs fois l’expérience de la difficulté d’accéder au 3.
Dans des jeux de ballon nommés par des chiffres en série. Dès qu’il doit renvoyer le ballon en disant un chiffre, l’enfant prononce tous les chiffres sauf le 3.
Après avoir rangé 4 timbales devant un tableau, un jeune garçon, en se servant d’un feutre, avait écrit un chiffre sur chaque timbale : 0, 1, 2, 4.
Puis, sur le tableau, il avait écrit plusieurs séries de 4 chiffres dans des ordres différents : 0124 – 4201 – 2410 – etc.
Ayant pris deux mailloches, il frappait sur les timbales dans l’ordre qui correspondait à celui des séries écrites sur le tableau.
Je lui demande alors pourquoi il n’avait pas écrit le chiffre 3 et formé une série logique de 1, 2, 3, 4 ? Il me répond « Ah ! Je ne sais pas ».
Ne nous leurrons pas, le 3 ne remplace pas le 2. Il n’est pas non plus un doublet du 2. Il est du domaine de la parole. Si je peux parler, c’est bien qu’une distance s’est établie entre le 1 et le 2 établissant ainsi un espace propice à l’expression, indemne de toute mainmise et favorisant la parole. Parler c’est affirmer son existence en tant que sujet et c’est aussi affirmer son potentiel de créativité.
« 1, 2, 3, nous irons au bois ». Des mathématiques primitives, je peux alors passer à la liberté du langage. Du premier rythme fondamental je peux passer à la fantaisie et à la poésie. « 4, 5, 6, cueillir des cerises » etc.
Mais le « nous irons au bois » ne colle plus tout à fait au « 1, 2, 3 »
Cependant, nous y retrouvons l’attirance pour la consonance. « Trois » rime avec « bois », « six » rime avec « cerises », etc. Comme si nous ne pouvions pas nous libérer complètement de la confusion primitive et de la captation par le « même », l’autre matriciel dont nous sommes issus. Mille formules de comptines nous fournissent des exemples : « c’est comme les ch’veux d’Éléonore, quand y en a plus, y en a encore ».
« Quelle heure est-il, madame persil…
« Huit heure moins l’quart madame placard
« En êtes-vous sûre madame chaussure
« Assurément madame vêt’ment
Les assonances vont jusqu’aux comptines les plus obscènes.
Ah ! Que c’est beau de chier dans l’eau
On voit la merde qui nage
Si j’avais su que c’était si beau
J’aurai chié davantage.
Toutes les comptines se basent sur des éléments comptés et ordonnés. Souvent, dans les comptines françaises, leur sous-bassement est en 8 temps ou encore en 7 temps plus 1.
Cela n’empêche pas certaines comptines d’être rythmiquement très libres.
Puis la poésie s’installe avec le rappel rimé des fusions primitives. Cette poésie toujours mélancolique est fabriquée sur la mémoire des temps anciens où « il était une fois ». Nous avons toujours du plaisir à entendre des allitérations « ton thé t’a-t-il oté ta toux » « si 6 scies scient six cyprès, six cent scies scient six cent cyprès… ». Et d’autres répétitions.
Au fond, il s’agit d’un jeu rythmique en ostinato permettant les libertés et les variétés de l’improvisation parlée et musiquée.
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Mais qu’est-ce donc que la PAROLE ?
Nous avons déjà vu que c’est ce qui maintient une distance entre l’autre et nous.
Le mot PAROLE est un avatar qui vient du mot PARABOLE. Parabole vient du grec « PARABOLÊ » qui signifie « comparaison ». Comparaison avec quelque chose d’existant. Le mot n’est donc pas la chose. Il s’agit simplement d’une comparaison.
Mais PARABOLE contient 2 racines : PARA et BALLEIN. « Para » signifie « à côté » et « Ballein » signifie « être jeté ». (voir aussi « symbole » : être jetés ensemble.
On pourrait dire que parler, c’est donc « jeter à côté »
Lorsque l’on se trouve devant le réel, on essaye de le définir par des mots et des phrases. Ce n’est pas que le réel soit informe mais il surgit toujours avant le langage. Son surgissement impressionne toujours un peu soit en plaisir, soit en effroi.
Le réel, c’est ce qui nous tombe dessus. Ce n’est pas la réalité. La réalité, on peut la constater après que le réel soit arrivé.
Nous jetons des mots vers le réel. Nous essayons de le définir. Mais les mots n’atteignent jamais le réel, sauf dans la folie où le fou se prendra même pour le réel.
Ce qui indique que lorsque nous ouvrons la bouche, nous sommes toujours un peu à côté de la plaque. Ce que nous disons ne rejoint jamais le réel que nous voulons décrire. C’est ce qui a engendré la phrase « cerner le problème ».
Parler de quelque chose, c’est essayer d’en définir sa réalité. Mais notre parole ne rejoint jamais le réel que nous voulons décrire.
Il restera toujours un espace imaginaire entre notre parole et la chose décrite. C’est d’ailleurs ce qui invite à se méfier des classifications qui prétendent cerner trop précisément le réel ou même la réalité.
Bien souvent, nous croyons qu’avoir émis quelques phrases sur ce que nous voyons nous en donne la maîtrise. Nous croyons savoir ce que c’est et nous en faisons quelquefois toute une histoire. Malheureusement, notre formulation fait aisément office de loi.
Nommer les choses nous donne le sentiment d’un pouvoir sur les choses. C’est une illusion qui peut provisoirement nous conforter.
La mythologie et les contes populaires racontent parfois l’histoire d’un mot qui guérit ou qui détruit ou tout simplement qui ouvre les portes.
Le sésame ?
Les comptines s’avancent librement dans ce jeu langagier sans la prétention de maîtriser le réel. Elles se contentent de l’évoquer.
Avisse
Le public est prévenu
36 fesses font 18 culs.
La comptine est osée, elle est fantaisiste et gentiment provocante, mais effectivement, 36 fesses font 18 culs.
Il y a toujours une part de réalité qui se fond dans la part de poésie et de distanciation.
Quoi qu’il en soit, l’évocation du réel conserve toujours sa part magique de pouvoir sur ce réel ou sur la réalité.
Les enfants ne disent pas volontiers leur nom. Ils hésitent souvent à dire comment ils s’appellent. Ils savent le pouvoir que pourrait avoir celui qui nomme.
Il est vrai que nommer réduit l’angoisse devant le réel souvent innommable et non symbolisable.
Le langage et la parole restent donc toujours en-deça du réel. Elle ne trouve sa légitimité que si elle s’articule avec d’autres mots.
La base du langage est une aventure avec les signifiants qui mettent en jeu les phonèmes, les assonances, les rythmes, les sonorités, les allitérations, les similitudes etc.
Le monde des comptines ne se prive pas de ces jeux… poil aux yeux.
De plus, ces jeux engagent souvent le corps. À savoir que la parole est un geste, le geste laryngo-buccal. Ceci concerne plutôt les recherches de Marcel Jousse.
Nous en parlerons demain.
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