Je ne sais
pas ce qu’elle avait reçu comme éducation, mais il
est vrai qu’il ne suffit pas d’avoir reçu une bonne éducation
pour être au clair. Elle n’avait tout de même pas l’air
de mordre la vie à pleines dents.
Procope
ne s’était pas encore déclaré. Bien qu’étant
très belle, Agnès ne devait pas être facile d’accès.
Un jour, il arriva à ses fins et parvint auprès d’elle
pour lui déclarer sa flamme. En plus il avait apporté des
cadeaux. Gentil tout ça !
Et pourtant, il avait à peine ouvert la bouche qu’Agnès lui rétorqua :
Les petits Bollandistes disent que sa réponse était pleine de modestie chrétienne
- "Retire-toi, tison d’enfer,
aiguillon de péché, pierre de scandale et appât de
mort ! Ne pense pas que je sois jamais infidèle à mon Époux à qui
je me suis tellement unie, que mon âme ne vit que de son amour. Ne
flatte pas non plus ta pensée qu’il y ait quelque mérite
en toi qui te puisse justement faire prétendre à être
son rival; car il possède six qualités qui le rendent incomparable
et uniquement digne d’amour. Il est noble, il est beau, il est sage,
il est riche, il est bon, il est puissant... Quand je l’aime je suis
chaste; quand je m’approche de lui, je suis pure, et quand je l’embrasse
je suis vierge."
Pauvre Procope,
heureusement qu’il était assis. Il pensa qu’elle était
tout de même un peu frappée. Il crut qu’elle était
possédée et qu’elle parlait en frénétique.
Ca lui fit un tel effet qu’il en tomba malade, mais aussi malade
de jalousie.
Symphrone,
son père, connaissant la raison de sa maladie convoqua Agnès.
Il essaya de la persuader d’épouser son gamin mais on sentait
bien qu’elle était "ailleurs". Quelqu’un
lui dit "vous savez Symphrone, c’est une chrétienne,
habituée
comme tous les autres aux pratiques de la magie. Le Dieu qui la possède,
c’est le Dieu des Chrétiens."
Symphrone
trouva là un prétexte pour venger son fils.
Il
dit à Agnès
: "Marie-toi où tu subiras le châtiment." Elle
lui répondit
:"Ne vous échauffez
pas Préfet, je ne changerai pas d’avis. De toutes manières
j’ai un ange avec moi pour me protéger, il prendra ma défense
de façon merveilleuse.Je suis un mur qu’on ne saurait forcer".
Le
préfet
se mit dans une rage folle et ordonna qu’on déshabille complètement
Agnès et qu’on la conduise dans un lieu infâme. Un trompette
allait devant le cortège en criant que c’était Agnès
la magicienne, la sorcière, qu’elle était conduite
dans un lieu d’infamie et que ceux qui voulaient pouvaient y aller
pour abuser d’elle.
Derrière
le cortège, ça commençait à se presser.
Mais au moment
où l’on déshabilla Agnès, ses cheveux poussèrent
d’un seul coup et devinrent suffisamment grand pour envelopper tout
son corps. Lorsqu’elle fut poussée dans la maison d’infamie,
un ange lui donna une belle robe blanche pour se rhabiller et la chambre
fut éclairée d’une vive lumière.
Tous les jeunes
et les moins jeunes qui y entraient en ressortaient chastes et convertis.
Tous ceux qui y entraient par incontinence en ressortaient incontinent
et remplis de contrition.
Procope
qui avait appris ce que son père avait fait à Agnès, alla
tout à coup beaucoup mieux. Il se leva et alla incontinent à la
maison infâme. Une fois entré, il ne se laissa pas distraire
par la lumière ni par l’ange ni par la robe blanche, il fonça
sur Agnès et tenta de la violer. Mais l’ange le frappant au
coeur, il tomba raide mort.
Symphrone apprenant que son fils était tombé aux
pieds d’Agnès, courut désespéré à l’infâme
maison et traita Agnès de tous les noms : sorcière, furie
sortie des enfers, enchanteresse, harpie, monstre. Puis il se calma et
lui demanda pourquoi elle avait tué Procope. Elle lui répondit
qu’elle n’avait rien fait, que ce n’était pas
elle mais que c’était Procope qui, par son audace s’était
mis en situation d’infarctus.
Toute infraction
amène une punition
! La
preuve, les autres obsédés qui étaient entrés
dans la maison infâme en étaient ressortis tranquillement
parce qu’ils avaient vu clair à temps.
Symphrone
se jeta à ses pieds et la supplia
de rendre la vie à son fils. Ainsi on connaîtra qu’elle
ne l’a
pas tué en usant de charmes magiques. Elle renvoya Symphrone hors
de l’infâme maison et se mit en prière, ce qui fit ressusciter
l’infâme cadavre de Procope.
Le père et le fils crièrent alors partout que
le Dieu des chrétiens était le seul vrai Dieu. "Il n’y
a de Dieu que le Dieu des chrétiens!"
Mais la foule,
influencée par les chefs idolâtres, cria très
fort : "que la magicienne meure ! Elle qui fait devenir les
hommes comme des bêtes !"
Symphrone,
entendant tout ça, prit peur. Comme il ne voulait plus condamner
Agnès, il demanda à son lieutenant Aspase de prendre l’affaire
en main et se retira pour se cacher. L’infâme !
Aspas
ayant allumé un grand feu, fit jeter la vierge au milieu. Mais les
flammes se divisèrent pour protéger Agnès et se lancèrent
sur les spectateurs dont quelques-uns furent bien brûlés.
Elle aurait pourtant dû se consumer avec sa toison. Mais se consumant
pour son divin époux, Agnès se mit en prière et le
feu s’éteignit.
La
foule rugissait. Aspase, pour la calmer, fit donner un coup de glaive à la
gorge d’Agnès. Il en sortit tant de sang qu’elle en
fut complètement couverte.
Avant de recevoir
ce dernier coup, elle s’enveloppa dans son vêtement afin de
mourir dans la pudeur.
C’était
le 21 janvier de l’an 304, une troupe d’ange vint chercher
son âme et l’accompagna sur les voies du ciel.
Emérentienne, sa soeur, (23 janvier) s’occupa de ramasser ses reliques. Bien mal lui en prit, elle fut lapidée.
Huit
jours après sa mort, Agnès apparu à ses parents, au milieu
d’une multitude de vierges habillées de robes et de draps
d’or, couronnées de guirlandes et de pierres précieuses.
Elle tenait un agneau à ses côtés.
Quelques années plus tard, Constance, la fille de l’empereur Constantin, qui était couverte de plaies et qui sentait mauvais, résolut d’aller au tombeau de Sainte Agnès. Un fois près du tombeau, elle s’endormit. Pendant son sommeil, Agnès lui apparut et lui promit qu’elle serait guérie des ses plaies et qu’elle ne sentirait plus mauvais. A son réveil elle était complètement guérie.