6 mars

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Calendrier mars

Sainte Colette augmentée
Sainte Colette

(aphérèse de Nicolas : Victoire) 1380-1447

Patronne de la ville de Gand (Belgique) des charpentiers, des petites filles qui n'arrivent pas à grandir.

Les déclarations d'impôts ne sont pas particulièrement passionnantes et ça n'a pas grand chose à voir avec la vie des saints. Quoique, si l'on s'en réfère à l'étymologie du mot conte, on arrive d'abord à "compte" puis à "putare" - qui signifie "élaguer" -, ce qui sous-tend une mise en ordre. D'où le mot "computeur". Le conteur est un metteur en ordre du langage en raison de sa prise de parole ordinée qu'il ampute sans arrêt des rameaux inutiles. Dire des contes et faire des comptes, c'est fondamentalement de même nature. On "organise" pour servir ensuite dans un plat bien composé. La différence réside dans le fait que du côté du "compteur", le matériau est chiffré et n'a d'autre sens que celui d'une allégeance à un contrôleur vérificateur de l'exactitude des quantités produites et des rapports entre les données du matériau, tandis que du côté du "conteur", le matériau est métaphorique, explose rythmiquement à la cantonade. Ici, la quantité est secondaire. Reste tout de même les rapports entre les données du discours.

Sainte Colette avait-elle fait de la comptabilité ? C'est que Colette collectait ! N'étant ni comtesse ni duchesse, il fallait bien qu'elle compute en supputant afin de parvenir, sans concussion, à concrétiser ses constructions religieuses dans la Franche-Comté. En fait, elle fut conditionnée par les plus-values.

Mais disons d'abord quelques mots de ses parents. Son père habitait la cité de Corbie près d'Amiens. Il s'appelait Robert Boellet et exerçait le métier de charpentier. Sa mère s'appelait Marguerite Moyon. Elle était d'une vertu éprouvée. Ils pratiquaient l'hospitalité et recueillaient des pauvres chez eux. Mais, en fin de compte, et comme au début de bien des contes, ils n'avaient pas d'enfant et ils en étaient bien malheureux.

A force de prier saint Nicolas, Marguerite, qui avait 60 ans, mit au monde une petite fille. Ils l'appelèrent Colette ou petite Nicole, en l'honneur de Saint Nicolas. Ce n'est pas qu'elle ressemblait à Tom Pouce, mais elle n'était pas grande. Si elle grandissait en vertus, elle ne grandissait pas en taille. En compensation, dès l'âge de quatre ans, on put remarquer qu'elle avait des prédispositions particulière pour devenir une sainte. Elle se mortifiait, elle se privait de manger pour donner son repas aux pauvres, elle priait longtemps la nuit puis s'endormait sur un lit qu'elle rendait plus dur en mettant des morceaux de bois sur ou dans le matelas. Et encore, avait-elle un matelas ?

Mais elle restait petite.

A l'âge de 14 ans, ça la contrariait. Un jour, elle partit en pèlerinage à Albert. Mais laissons son dernier confesseur, Pierre Devaux, raconter ce qui se passa (1448)
"Colette considérant les paroles désolables qu'on disait à son père à l'occasion de sa petitesse, en fut dolente. Et, une fois, comme elle était allée par dévotion en pèlerinage en l'église de quelque Saint (sans doute à Albert) en faisant son oraison devant le Seigneur, elle lui dit "Hélas, sire, s'il vous plaît-il que je demeure aussi petite !" Et incontinent, l'oraison terminée, elle trouva qu'elle était creuhe (accrue) et qu'elle était plus grande au retourner qu'elle n'avait été au venir."

Colette avait alors 14 ans. Cet accroissement subit a donné lieu au dicton que répétaient autrefois les petites filles de Picardie :

Sainte Colette
tire-moi les jambettes
rends-moi sage et parfaite.

Son capital-vie s'était soudain accru d'une plus-value considérable tout en lui fournissant une assiette plus confortable. Terminés les complexes, finies les peurs devant le grand démon qui lui apparaissait pour la tourmenter, elle pouvait maintenant viser les hauteurs.

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Après la mort de ses parents, (elle avait 18 ans) elle donna tout ce qu'elle possédait aux pauvres, Elle voulut entrer chez les Béguines qu'elle ne trouva pas assez mortifiantes. Puis elle alla chez les bénédictines puis chez les Clarisses et enfin, avec le consentement de l'abbé de Corbie (Raoul de Roye), elle se fit construire une petite cellule contre les murs de l'église Notre Dame de Corbie. Elle fit profession du Tiers ordre de Saint François, fit voeu de réclusion et choisit le Père Pinet comme directeur-confesseur. On mura la porte de la cellule.

Dans sa cellule, Dieu lui faisait voir toutes les misères du monde, tous les crimes et toutes les âmes criminelles se précipitant vers l'enfer en foules nombreuses. Elle fut si effrayée de voir les flammes infernales qu'un jour, elle agrippa les barreaux de sa fenêtre et y resta figée pendant bien longtemps. Un autre jour, Jésus-Christ se montra tout sanglant et tout défiguré. D'autre part, les démons l'assaillaient mais elle leur résistait facilement. Ils lui disaient "arrête de prier et nous ne te tourmenterons plus."
Elle resta quatre ans recluse dans sa cellule, se mortifiant sans cesse, dormant par terre, la tête appuyée sur un rondin de bois, se ceignant d'une chaîne de fer armée de pointes aiguës. Elle eut une vision et annonça la mort du Père Pinet. Une fois mort, il lui apparut dans toute sa gloire.

Un jour, elle fut transportée devant le trône de Jésus-Christ. Là, elle put papoter avec Saint Jean et Sainte Marie-Madeleine qui lui demandaient de poursuivre sa vie en solitaire. Mais il y avait là Saint François et Sainte Claire qui n'étaient pas d'accord et qui lui demandaient de réformer leur ordre.

Revenue près de son église, un peu troublée par son briefing, elle consulta des hommes de science qui l'enjoignirent d'obéir à Saint François. Comme Zacharie l'incrédule devant l'ange Gabriel, elle douta et fut frappé de mutisme pendant trois jours. Ensuite, elle fut frappée de cécité pendant trois jours. Au bout de six jours, ayant promis d'exaucer le voeu de saint François et de Sainte Claire, elle recouvra l'ouie et la vue. J'ai tout de même l'impression que la grande Colette devait bien s'ennuyer dans sa petite cellule.

Un peu plus tard, elle vit pousser un grand arbre dans son habitacle. Il était couvert de fleurs brillantes comme de l'or. Pour une fois, ces fleurs d'or sentaient bon, bien que l'argent n'ait pas d'odeur. Mais enfin, il s'agissait d'or, comme le silence et pas d'argent comme la parole. Notez qu'entre l'or et l'argent il n'y a pas beaucoup de différence, ils ont tous deux à voir avec le silence du secret bancaire. Comme son patron Saint Nicolas, elle devait chercher l'or alchimique qui devait lui permettre d'avoir un pouvoir sur le temps et donc sur l'argent. Le grand arbre tout doré fit des petits autour de lui, et elle vit, avec intérêt, pousser des petits doublons au pied de l'arbre capital.
Elle croyait qu'il s'agissait là d'une manoeuvre diabolique. Elle arracha le grand arbre et ses rejetons et les jeta par la fenêtre. Elle devait avoir une grande fenêtre ! Notez qu'il vaut mieux jeter des arbres par la fenêtre que de jeter de l'argent. Mais à terme, l'arbre repoussa avec ses produits. Chaque fois qu'elle les jetait par la fenêtre, ils repoussaient à un endroit différent. Finalement une parole divine lui enseigna que le grand arbre la représentait et que les arbrisseaux représentaient les âmes qu'elle allait sauver ou encore les monastères qu'elle allait fonder.

C'était décidé, elle allait obtempérer à la demande de Saint François. Un franciscain de Chambéry, le Père Henry de la Baume, fut averti par une vision qu'il devait se rendre à Corbie pour rencontrer Colette et l'aider à exécuter son projet. Pour cela, Colette devait être relevée de son voeu de réclusion. Le Père Henry de la Baume s'adressa à Pierre de Lune (Benoît XIII) qui était reconnu, en France, à Nice, comme l'antipape pendant le grand Schisme qui divisait l'Église. En 1406, il accorda la dispense à Colette qui put prendre la poudre d'escampette. Pierre de Vaux dit qu'elle alla à Nice en toute simplicité, les yeux inclinés en bas et le coeur en haut. Elle y rencontra Pierre de Lune (pape) qui lui confirma son mandat de réformatrice de l'ordre de Saint François.

Cela ne se fit pas sans opposition de la part de certains conseillers de Benoît XIII qui étaient effrayés devant la jeunesse de Colette. Mais une peste éclata tout à coup et frappa les opposants.

Reprenant le chemin du nord, elle tomba malade en route, heureusement une dame mystérieuse lui apparut et la guérit sur le champ. Mais arrivé à Corbie, on la prit pour une sorcière et elle ne put rien entreprendre. Le Père de la Baume lui proposa alors de se rendre en Franche-Comté. Elle s'y rendit avec deux de ses amies : Guillemette Chrétienne et Marie Sénéchal. Elle devint abbesse du monastère des Clarisses de Besançon. Ce monastère était presque abandonné, il n'y avait plus que deux religieuses. En arrivant à Besançon, elle fut accueillie triomphalement par la population. C'était une star, on la considérait comme une sainte.

La communauté y vécut pauvrement, jeûnant toute l'année, ne mangeant jamais de viande, n'ayant aucun contact avec les hommes, marchant pieds nus hiver comme été. Mais rapidement le monastère se refit une santé. Puis ce fut la kyrielle de nouvelles maisons : Auxonne, Poligny, Bellegarde, Seurre, Moulins, Aigueperse, Decize, Vevay, Le Puy, Castres, Lézignan, Béziers etc. Elle devint célèbre et fréquenta tous les grands de ce monde.

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Puis commencèrent les extases. Un jour, elle était assise par terre au milieu des religieuses, on vit apparaître les douze apôtres qui l'entourèrent jusqu'au moment où elle s'arrêta de parler. Alors, ils commencèrent à monter vers le ciel et Colette avec eux, jusqu'à ce qu'ils disparaissent. Souvent elle entrait en extase et lévitait si haut qu'elle disparaissait quelquefois pendant plusieurs jours. Ce n'est que lorsque le Père Henry la rappelait qu'elle sortait de ses entretiens divins. Une vraie chamane.

Saint Jean l'évangéliste lui apparut et lui passa au doigt une bague en or (pas en argent) qui la protégeait de tous les maux et la consacrait épouse du Christ.

"Une autre fois, très dévotement, elle priait Dieu et la glorieuse Vierge Marie qu'elle fut interceresse par devers son cher enfant, qu'il lui plût d'avoir pitié de son pauvre peuple. En laquelle oraison il lui fut présenté un beau plat tout plein de petites piécettes de chair comme d'un innocent. Et lui fut répondu : "Comment requerrai-je mon enfant pour tous ceux qui, tous les jours, le dépiècent par les horribles péchés et offenses qu'ils font contre lui, plus menu que n'est la chair en ce plat détranché." Pour quoi elle porta en son coeur longtemps après une grande douleur." (Pierre Devaux)

Lors de ses voyages, il suffisait qu'elle prie pour que les voleurs soient enchaînés, les arrogants militaires désarmés, les fleuves tumultueux calmés, les eaux se solidifier sous ses pieds. C'était l'époque où Saint Vincent Ferrier prêchait. Ayant eut une vision de Sainte Colette, il revint d'Espagne en Bourgogne et alla passer quelques jours avec Colette. Ils se consolèrent mutuellement et collaborèrent dans leurs entretiens célestes. Ils encouragèrent le concile de Constance et celui de Bâle.

Colette fit beaucoup de miracles. Elle ressuscita plusieurs morts. En particulier une religieuse qui était morte en état de péché. Colette la ressuscita afin qu'elle puisse se confesser et se remettre saintement dans la bière. En 1441, elle reparti vers le Nord et fonda un monastère à Hesdin puis un autre à Gand et aussi à Amiens.

Le jour de la Saint Nicolas 1446, elle revint à Gand où elle annonça sa mort prochaine. Le 25 février (jour de la saint Ether, évêque d'Embrun au VIIè siècle) Notre Seigneur lui apparut dans les airs. Le père Henry lui donna l'extrême onction. Le 6 mars, (jour de la sainte Colette - elle ne pouvait mourir que ce jour là) arrivée à son terme et complètement amortie, elle expira.


Pour Colette ou Nicole

Un jour Colas, la Colette accula
en lui disant, or, mettez le cul là
puis de ci près se print à l'accoler
qu'en l'accolant, la goutte fit couler
et pour culer, jamais ne recula

Texte de Germain Colin Bucher XVIème siècle mis en musique par Clément Janequin publié en 1536 chez Attaingnant

or : maintenant

print : prend

accolant : la bricolant

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