Impossible
de laisser passer le 15 mai sans évoquer Sainte Dymphe, LA PEAU D'ANE
BELGE. Elle a fait le régal de bien des conteurs depuis longtemps
déjà.
Dymphe est une forme anglicisée de Damhait. En Irlande, on
la retrouve sous Damhait, Dymphna ou Dympna.
En Irlandais, Damh = Faon, soit Damhait = petit faon. C'est bel et
bien du domaine celtique! S'il y a syncrétisme dans cette histoire, on
peut se demander comment de l'ane-cane
(assonance), on peut passer par un faon ?
"Dympna était fille d'un
roi ou prince de Bretagne : peut-être faut-il entendre sous ce nom le
successeur d'un chef des Angles ou Saxons, qui vinrent faire invasion dans
cette île, aux Ve et VIe, siècles. Son père était païen;
sa mère, dont les actes ne disent que ce seul mot, était
chrétienne comme sa fille."
"Un Saint prêtre
nommé Géréberne, qui vivait dans les environs de leur
demeure, les avait baptisées l'une et l'autre, et les entretenait dans
la pratique de la religion."
Sa mère était
morte. Son père en ressentait une grande douleur. Avant de mourir, sa
femme lui avait fait promettre que, s'il se remariait, il n'épouserait
qu'une femme aussi belle qu'elle.
Le
père envoya ses messagers dans toute la contrée. Ils revinrent
avec la conclusion qu'aucune femme du royaume n'égalait la fille du roi
en beauté. Par conséquent, il lui conseillèrent
d'épouser sa fille Dymphe.
"La jeune vierge
frémit à cette parole, et malgré toutes les instances et
toutes les promesses qu'on lui faisait, elle déclara qu'elle n'y
consentirait jamais. Comme ses refus ne faisaient qu'irriter les désirs
de son père, elle demanda quarante jours pour réfléchir.
Le roi y consentit, ne doutant pas
que, cet intervalle écoulé, elle se rendrait à ses
sollicitations; mais la pieuse Dympna avait dans le coeur une pensée
bien différente."
Dymphe alla trouver son
conseiller Géréberne. A eux deux, ils décidèrent de
fuir à l'étranger. Ils filèrent à l'anglaise dans
un petit bateau et finirent par aborder dans l'embouchure de l'Escaut,
près d'Anvers, dans l'actuelle Belgique.
Après un
périple dans les broussailles, ils aboutirent à Gheel, au milieu
des bois. Là, ils trouvèrent une petite église
dédiée à Saint Martin. Ils construisirent une petite
habitation dans un lieu proche appelé Zemmale où ils
vécurent trois mois.
Cependant,
le père de Dymphe et quelques soldats se mirent à leur recherche.
Ils s'embarquèrent et arrivèrent eux aussi dans l'embouchure de
l'Escaut.
Le
père envoya des émissaires par tout le pays. Certains
s'arrêtèrent à Westerloo pour y passer la nuit dans une
auberge. Le lendemain, les émissaires payèrent l'aubergiste.
Celui-ci fut étonné de voir que les pièces d'argent qu'il
recevait étaient semblables à d'autres qu'il avait reçu de
Dymphe. Questionné par les voyageurs, il répondit que ces
pièces étaient les mêmes que celles qu'il recevait d'une
jeune fille qui vivait non loin d'ici et qui venait faire ses courses à
Westerloo. Il se proposa de les conduire au lieu où elle vivait.
Le
père en fut averti et se pressa à Zemmale pour y retrouver sa
fille.
Après les reproches
de Géréberne au sujet des projets de mariage, le roi le fit
saisir et couper la tête.
Dymphe,
horrifiée, réitéra son refus d'épouser son
père.
"Mon Père", répond
Dympna, "n'espérez pas d'obtenir mon
consentement, jamais je ne le donnerai."
Le
père fou de colère prit son épée et trancha la
tête de sa fille.
"Le corps de Dympna et celui du vénérable
Géréberne restèrent quelques jours exposés aux
animaux et aux oiseaux de proie qui les respectèrent; puis, de pieux
habitants du pays les déposèrent dans la terre. Plus tard,
à cause des miracles qui s'opéraient en ce lieu, le clergé
et le peuple cherchèrent les restes des deux martyrs, et les
trouvèrent renfermés dans deux tombeaux d'une pierre
extrêmement blanche : ce qui parut d'autant plus étonnant que
toutes les pierres dans ce pays sont noires."
"L'époque
précise de la mort de Sainte Dympna n'est pas connue. Les auteurs
varient sur l'année qui peut être placée vers le milieu de
la seconde partie du VIIe siècle. Pour le jour, le manuscrit d'Utrecht,
qui rapporte la vie de la Sainte, le fixe au 30 mai ; mais c'est le 15 que sa fête
est célébrée.
"Le village de Gheel prit
beaucoup d'accroissement par le culte et les miracles de Sainte Dympna. On y
trouve dans la suite une baronie, un hôpital, et une église qui
fut érigée en collégiale.
"On représente Sainte
Dympna tenant un démon enchaîné ; c'est qu'elle est renommée
pour la délivrance des possédés et la guérison de
la folie et de l'épilepsie ; car ce qui était possession chez les
anciens est regardé comme folie ou épilepsie chez les modernes. A
ce titre, on a établi à Gheel, sous son patronage, une maison
d'aliénés, aussi célèbre en Belgique que
Bicêtre chez nous : cette maison existe de temps immémorial.
"Si l'on nous demande pourquoi l'on invoque Sainte Dympna pour les possédés, aliénés ou épileptiques, nous trouvons facilement le motif de ce patronage dans l'acte insensé de son père qui, à son projet d'inceste, ajouta le meurtre : par un rapprochement facile à concevoir, il est naturellement venu à l'esprit du peuple d'invoquer contre la folie celle qui avait été victime de la fureur et de la démence de son père."
Encore
aujourd'hui, Gheel est une ville où les "fous" vivent
normalement au milieu des habitants. C'est une alternative bien
intéressante à l'asile psychiatrique et qui vit le jour il y a
bien longtemps au nord de la Belgique.
Sainte Dymphe est patronne de Gheel.