Sainte Euphrosyne

1 janvier

Retour
Calendrier janvier

Euphrosyne et le passage de l'an

 

Il est étrange de trouver, au premier janvier, la fête de sainte Euphrosyne qui, comme sainte Eugénie le jour de Noël, a des rapports ambigus avec son père tout en jouant de son identité sexuelle.

Noël et Nouvel-an sont deux fêtes de passages. La première rappelle le solstice proche avec la venue de l'enfant-soleil-sauveur, la seconde rappelle la naissance symbolique, deuxième naissance initiatique avec la confusion forestière de la saint Sylvestre au 31 et la circoncision définissante au 1er de l'an.

Le passage d'une année à une autre année, ou plus simplement d'un temps passé à un temps futur suppose une métamorphose dont la métaphore la plus fascinante est le couple "homme-femme". La fascination est accentuée lorsque le couple s'étale dans le temps, ce qui est le cas des couples "père-fille" ou "mère-fils".

Bien sûr, on trouvera d'abord Janus-Janvier, le dieu à double visage, l'un qui regarde vers l'année passée et l'autre vers la nouvelle année.

Quoi qu'il en soit, ces métaphores provoquent un glissement sur le fil du temps, à l'endroit et à l'envers.

Dans la pièce de Shakespeare "la nuit des rois" - dont le titre anglais est "la 12ème nuit", (ce qui la met en rapport avec les 12 jours épagomènes d'inversion entre Noël et l'Épiphanie) tout joue sur le couple "frère-soeur" dont on ne sait jamais trop qui est qui.

Les anciens qui avaient un rapport au temps bien différent du nôtre n'étaient pas dépossédés comme nous le sommes d'une intimité avec le temps. A cause de l'établissement du temps mécanique de l'horloge et, sans doute, de l'influence grandissante de l'écriture et de l'imprimerie, nous avons pris, petit à petit le chemin menant à l'état de spectateur et nous croyons le temps maîtrisé.

Eugénie comme Euphrosyne rappellent que le monde des images qui nous entoure, à commencer par l'image du couple, est sous-tendu par les mouvements du temps, rythmes qui nous entraînent vers des métamorphoses inéluctables.

Au 5ème siècle, le père d'Euphrosine s'appelait Paphnuce. Il faisait partie des notables. Il était marié à une femme dont on ne connaît pas le nom. Ils n'avaient pas d'enfant. A force de courir les monastères et d'invoquer le ciel, Paphnuce rencontra un moine qui, par une intense prière obtint du ciel une petite fille qu'il appela Euphrosyne ou Euphrasie. Euphrosyne signifie allégresse. Elle était d'une rare beauté.

Euphrosyne étant âgée de 18 ans, son père la conduisit près de l'abbé qui avait prié pour qu'elle vienne au monde. Il lui demanda de la bénir car il voulait la marier. L'abbé fit à Euphrosyne une grande leçon sur la virginité puis la bénit en disant : "Que le Dieu Tout-puissant qui connaît le passé, le présent et l'avenir, vous bénisse et vous tienne en sa sainte garde."

Ils restèrent trois jours au monastère. Euphrosyne, qui n'avait pas tellement envie de se faire marier, eut tout le loisir d'observer comment vivaient les moines. Elle posa bien des questions et se renseigna sur tout. Un moine dont elle fit sa complice lui indiqua comment elle pourrait éviter le sort qu'on lui réservait.

Ce qui la travaillait quand même c'était le fait que si elle ne se mariait pas, son père n'aurait pas d'héritier pour faire fructifier son héritage.

Elle alla trouver un autre moine et lui dit :

"Mon père est riche et pieux mais ma mère est morte. Pour éviter de perdre l'héritage de ma famille, mon père veut me marier. Mais je veux rester vierge. Que dois-je faire ?"

Le moine lui répondit "Dieu a dit : celui qui aime son père ou sa mère plus que moi, n'est pas digne de moi". "Si vous voulez être sauvée, fuyez. Quant à l'héritage de votre père, il y a de par le monde des milliers de malheureux. Il n'a qu'à leur donner ses biens et ainsi il ne manquera pas d'héritiers."

De retour chez elle, Euphrosyne pensa que si elle entrait dans un couvent de femmes, son père la retrouverait tôt ou tard. Alors, elle s'habilla en homme et quitta la maison pendant la nuit. Le lendemain matin, elle se présenta au monastère qu'elle avait visité avec son père et demanda à y rester. On lui demanda qui "il" était. Elle répondit "je m'appelle "Smaragde" (Émeraude) et je suis eunuque." On la confia alors à un religieux qui s'appelait Agapit afin de l'initier à la vie monastique.

retour

Dictons de janvier

Smaragde-Émeraude était très beau. Quand il était à l'église, cela troublait les autres moines. Ils en référèrent à leur abbé. On le fit alors habiter seul dans une cellule à part où il vécut dans une retraite absolue. Très vite Agapit parla de Smaragde comme un modèle de sainteté.

Paphnuce qui ne retrouvait pas sa fille en conçut un vif chagrin. On chercha par toute l'Égypte sans succès. Tous les couvents de femmes furent visités, on alla jusqu'à faire des battues dans les forêts et les montagnes mais rien n'y fit.

Alors on pensa qu'elle était morte.

Le père se laissa aller à de sombres considérations : "O ma fille, ma fille bien-aimée ! lumière de mes yeux, joie et consolation de ma vie, quel malheur vous a enlevé à ma tendresse, mon bien unique en ce monde, ma seule espérance, qui vous a enlevé à mon coeur ?"

N'arrivant pas à se consoler, Paphnuce alla au monastère où il avait emmené sa fille et, s'étant mis aux pieds de l'abbé, il le supplia de prier pour savoir où était sa fille. Tout le monde se mit à prier pour avoir quelque révélation. Ils prièrent pendant sept jours mais il ne furent pas plus avancé car de son côté, Euphrosyne priait pour que rien ne soit révélé et la balance penchait de son côté.

Consolé par l'abbé, Paphnuce rentra à la maison moins triste. Mais un peu plus tard, il retourna voir l'abbé en lui disant qu'il ne pouvait plus supporter la perte de sa fille. Alors l'abbé lui proposa de consulter Smaragde-Émeraude qui lui serait certainement de bon conseil à cause de sa vertu. L'abbé ignorait que Émeraude était la fille de Paphnuce.

Quand le père fut devant sa fille, Smaragde se mit à pleurer et Paphnuce ne reconnut pas ce visage baigné de larmes et émacié par les privations. Pour ne pas être reconnue par son père, Euphrosyne-Smaragde se couvrit le visage d'un pan de sa robe.

Ils prièrent longtemps ensemble, puis Smaragde parla longuement à son père de chasteté, d'humilité, d'obéissance, d'aumônes, de fuite du monde, etc.

Elle lui dit que Dieu exaucerait bientôt ses prières. Puis elle demanda à Paphnuce de rentrer chez lui. Il s'en fut bien consolé. En s'en retournant, il dit à l'abbé : "Les discours de Smaragde m'ont fait beaucoup de bien et c'est presque comme si j'avais retrouvé ma fille." Il revint souvent la voir et ils eurent des entretiens pleins de charme. Cela dura trente huit ans.

Puis Smaragde tomba malade. Quand son père arriva au monastère, il se jeta au cou de sa fille en lui disant : "Vous m'aviez dit que je retrouverais ma fille et voila que je vous perd comme j'ai perdu ma fille." Smaragde lui demanda de rester trois jours avec elle sans le quitter.

Au bout de trois jours, elle dit : " Je vais maintenant rejoindre le ciel. Paphnuce, ne vous affligez plus au sujet de votre fille Euphrosyne car je suis Euphrosyne et vous êtes mon père bien-aimé. N'en dites rien à personne, quand je serai morte, déshabillez-moi vous-même pour me laver."

Puis Euphrosyne mourut.

Paphnuce s'évanouit de douleur. Quant il revint à lui il s'écria "Hélas ! ma fille, vous ne vous êtes découverte que pour disparaître aussitôt et monter au ciel."

Agapit qui était entré, alla raconter ce qui s'était passé à l'abbé. Tout le monde vint pleurer et glorifier Euphrosyne qui avait opéré de si grandes merveilles. Un des frères ne voyait que d'un oeil. Il vint embrasser le corps d'Euphrosyne et se mit à voir de l'autre oeil.

Alors on fit à la Sainte un bel enterrement.

Le père donna tous ses biens au monastère et y vécut jusqu'à sa mort.

retour

Dictons de janvier