12 juin
la maltraitée
de Pibrac
L |
a famille Cousin dont le père s’appelait Laurent et
la mère Marie Laroche vivait à Pibrac, vers l’an 1579, dans
un petit village à quelques kilomètres de Toulouse.
Quand Germaine naquit, la pauvre petite avait des scrofules et, comme on dirait
aujourd’hui, elle était handicapée de sa main droite qui
était atrophiée. De plus, elle était à peine
née que sa mère mourut. Ca commence bien !
Peu de temps après, son père se remaria et eut des
enfants de la seconde femme. Celle-ci n’eut, pour Germaine, que des
regards de haine. Ainsi, Germaine, déjà orpheline fut
placée sous le joug d’une cruelle marâtre.
Pour nous consoler, les Petits Bollandistes écrivent
“Elle aima la douleur comme une soeur née avec elle,
placée avec elle dans le berceau, et qui fut sa constante et unique
compagne depuis son premier cri jusqu’à son dernier soupir.”
Sous prétexte que Germaine avait des scrofules et que
c’était contagieux, la belle-mère ne voulait pas que
Germaine vive avec ses propres filles.
Il s’agit d’adénopathie fistulisée le plus souvent d’origine tuberculeuse mais aussi syphilitique - Le mot “écrouelles” vient de “scrofules” qui vient du latin “scrofa” qui signifie “truie”. La désignation par “scrofules” viendrait du fait que la maladie provoque des petites enflures qui ressemblent à des dos de truies. Il existe une plante : la scrofulaire, censée guérir des scrofules. Les rois de France héritaient, lors de leur intronisation du don de guérir les scrofules. Ils faisaient toujours, au lendemain de leur consécration, un pèlerinage à Saint Marcoul grand patron des scrofuleux et de toutes les maladies du cou. (Voir au 1er mai) C’est là qu’ils recevaient le pouvoir sacré de guérison. Jean Lemaire des Belges (15e s.) désignait par “grande truie” une sorte de vérole qui atteint les cordes vocales. Le malade pousse des cris rauques et perçants comme ceux de l’animal.
E |
lle persuada son mari de lui faire garder les troupeaux. Comme
ça, elle serait toujours dehors et loin de ses demi-soeurs. Quand elle
était à la maison, elle devait manger dans l’étable
ou par terre au fond du couloir.
Il lui était interdit d’avoir des contacts avec ses
soeurs que pourtant, paraît-il, elle aimait tendrement. Elle
n’avait aucune jalousie des préférences dont ses soeurs
étaient l’objet. Mais que faisait donc son père ? Elle était donc toujours par
monts et par vaux, gardant les moutons par tous les temps, supportant le froid
comme la chaleur.
Tous les jours elle allait à la messe. Elle plantait sa
quenouille en terre et la quenouille gardait les moutons. Les loups
étaient nombreux dans la région mais jamais un loup ne lui enleva
de mouton. Malgré cela, la marâtre n’arrêtait pas de
lui reprocher sa négligence lorsqu’elle allait à
l’église en laissant ses moutons.
Pour aller à l’église, elle devait passer un
gros ruisseau. Mais rien ne l’arrêtait. Un jour que le ruisseau
était extrêmement gonflé, des paysans qui la voyaient venir
se demandaient, d’un ton railleur comment elle ferait pour passer. O
surprise ! les eaux s’ouvrirent devant elle et elle traversa sans
même mouiller sa robe.
Bien qu’elle n’avait pas beaucoup de nourriture, elle
les partageait avec des pauvres. Sa marâtre l’accusa de voler le
pain de la maison. Un jour de plein hiver, la marâtre croit
s’apercevoir que Germaine avait emporté du pain dans son tablier.
Elle courut après, en furie, avec un bâton. Des voisins la virent
et devinèrent ses intentions. Ils s’empressèrent de la
rattraper avant qu’elle puisse frapper Germaine. Ils la rejoignirent et
il fallut qu’elle ouvre son tablier. Mais à la place de pain,
apparut un joli bouquet de roses.
Les voisins allèrent raconter le fait au village. Depuis,
son père interdit à sa femme de battre Germaine. Il lui proposa
même de loger dans la maison mais elle refusa et continua à dormir
dans son appentis, sous l’escalier. (Cf. Saint Alexis au 17
février)
U |
n matin que son père ne l’avait pas vu sortir comme
d’habitude, il alla voir sous l’escalier et la trouva morte sur son
lit de sarment. Elle avait 22 ans.
On raconte que la nuit même de sa mort, deux religieux qui
allaient vers Pibrac, furent surpris par l’obscurité et
s’arrêtèrent dans les ruines du château. Ils virent
passer deux jeunes filles, vêtues de blanc, qui se dirigeaient vers la
ferme Cousin. Quelques instants plus tard, les apparitions reprirent le chemin
inverse mais à la place de deux, il y en avait trois dont l’une
était couronnée de fleurs.
Elle fut enterrée dans l’église de Pibrac, en
face de la chaire, sous les dalles du sol, sans aucune inscription. Peu
à peu, on l’oublia ainsi que le lieu exact où elle avait
été enterrée.
V |
ers l’an 1644, à l’occasion de
funérailles, le sonneur se disposait à creuser une fosse dans
l’église. A peine avait-il soulevé une première
dalle qu’un corps enseveli se montra. Le sonneur effrayé se mit
à crier. Cela attira quelques personnes qui constatèrent que
l’endroit du visage qui avait été touché par la
pioche offrait l’aspect de la chair vive. Le corps fut ensuite
découvert complètement. Il était entier et
préservé de la corruption. Les ongles des pieds étaient
parfaitement adhérents. Même les fleurs qu’elle tenait dans
sa main n’étaient que légèrement fanées. A la
difformité d’une de ses mains et aux blessures du cou, on reconnut
le corps de Germaine Cousin qui était là depuis 43 ans.
On plaça le cadavre - tellement frais - debout près
de la chaire, devant le banc des notables, exposé à la vue de
tout le monde.
Un an plus tard, une des notables, Marie de Clément Gras,
épouse de noble François de Beauregard, se mit à rechigner
parce que Germaine était placée juste à côté
du banc qu’elle occupait à l’église. Sans doute pas
trop loin du poële ! Elle
ordonnât qu’on éloignât la Germaine.
Bien mal lui en prit. Elle attrapa un ulcère au sein et
l’enfant qu’elle nourrissait devint malade et fut presque moribond.
On fit venir des médecins de Toulouse. Rien à faire. Alors, son
mari lui rappela le mépris qu’elle avait eu pour la pauvre
Germaine et se demanda si Dieu n’avait pas été
offensé et voulait la punir par le mal dont elle souffrait.
Marie Gras demanda alors pardon. Durant la nuit suivante, elle se
réveilla et vit une grande clarté dans sa chambre. Elle
crût voir Germaine qui lui prédit la guérison de son
enfant. Elle regarda son sein. La plaie était presque fermée.
Elle fit venir son enfant, il était guéri et téta
abondamment le lait qu’il refusait depuis longtemps.
Le lendemain, elle offrit une caisse de plomb où l’on
plaça le corps de Germaine. Il fut porté dans la sacristie. Et on
l’oublia encore. Germaine était décidément faite
pour être délaissée et oubliée.
L |
e 22 septembre 1661, le vicaire général de
l’archevêque de Toulouse, Jean Dufour, vint à Pibrac. Il
était entré dans la sacristie et fut étonné de voir
un cercueil en pareil lieu. Il le fit ouvrir et l’on trouva Germaine
aussi fraîche que 16 ans auparavant.
Alors on lui raconta tous
les détails de sa vie et la manière dont elle avait
été retrouvée. Il fit même creuser sous
l’église, à l’endroit où Germaine avait
été retrouvée. Il y avait d’autres corps à
l’état de squelette. On ne pouvait donc plus douter du miracle.
De fil en aiguille, à la suite de nombreux miracles, on
demanda la canonisation en 1700.
A la révolution, en
1793, un fabricant d’étain et quatre hommes enlevèrent le
cercueil de Germaine pour en faire des balles. Ils retirèrent le corps
qu’ils enfouirent dans la sacristie en jetant dessus de l’eau et de
la chaux vive. Mais peu après, un des hommes fut paralysé
d’un bras, l’autre devint difforme, son cou se raidit et sa
tête se tourna vers l’une de ses épaules. Le
troisième fut atteint d’un mal de reins qui l’obligea
à se plier en deux et porter cette infirmité jusqu’à
son tombeau. Les deux autres implorèrent Germaine pour obtenir son
pardon, ce qu’elle fit.
Quelques temps après la révolution, le maire de
Pibrac, Jean Cabriforce, à la demande de la population, fit ouvrir la
fosse. On découvrit une fois de plus Germaine, mais cette fois les
chairs avaient été fort atteintes par la chaux. On mit notre
Germaine dans un beau nouveau suaire et on la replaça dans la sacristie.
Quelques années plus tard, un pèlerinage attira les
foules. Après bien des aventures turbulentes où le corps de
Germaine fut “transbahuté” à différents
endroits, et où l’on put dresser une liste impressionnante de
miracles, le procès en béatification reprit son cours et Germaine
fut béatifiée par Pie IX le 7 mai 1854.
Il paraît qu’elle ne savait pas lire.
On la représente avec une houlette, un mouton, une
quenouille et aussi avec un tablier sur lequel on peut voir un bouquet de
roses.
Elle une des patronnes des bergers.