10 décembre
La translation de la maison de la Sainte Vierge ou
Le mobilhome de la Sainte Vierge
On n’a rien inventé ! Rien de nouveau
sous le soleil disait déjà l’Écclésiaste.
“Se trouve-t-il quelque chose dont on dise : “Vois : c’est
nouveau”, elle existait déjà aux temps passés.” (Eccl. I,X)
Ainsi nous faisons les fiers, avec nos grosses coquilles
d’escargot, sur les routes, pendant les vacances
d’été, à provoquer souvent des embouteillages par
l’imposante masse de nos maisons roulantes.
Et bien ! Il y avait mieux dès le 13ème
siècle. Non pas une maison roulante mais une maison volante. Et
c’est la Sainte Vierge qui avait inventé ça.
On apprit en Occident que la Terre Sainte était perdue pour
les chrétiens. Catastrophe !
A quoi avaient donc servi les croisades ? Les Turcs, ou je ne sais
qui, avaient récupéré les plages de la
Méditerranée orientale. Saint Louis était mort !
Mais voila qu’une nouvelle se répand sur les
côtes de l’Adriatique, en Dalmatie : la maison de Nazareth, dans
laquelle la Vierge avait conçu Jésus, avait été
transportée par des anges afin d’atterrir vers la Croatie.
C’était au 10 mai 1291, jour de la Sainte Solange.
Mais Sainte Solange n’a rien à voir avec ça.
La maison atterrit à Rauniza, entre Tersatz et Fiume.
Nicolas IV était pape et Rodolphe de Habsbourg empereur.
Un matin, les gens qui se réveillaient virent une maison en
un endroit où on n’avait jamais vu construire quoi que ce soit.
Rapidement, toute la population vint visiter ce nouveau
bâtiment de pierres rouges. Tout le monde était
étonné de sa forme antique et orientale.
A l’intérieur on pouvait voir un plafond avec des
étoiles peintes. Les murs avaient été construits sans
niveau et sans règles et étaient recouverts de fresques relatant
les aventures de la Vierge.
Il n’y avait qu’une porte et seulement une
fenêtre. Il y avait aussi un coin-cuisine avec quelques plats et pauvres
casseroles. Au-dessus du foyer, on pouvait voir une niche avec des colonnettes
sur lesquelles était posée une voûte décorée
de cinq lunes qui se chevauchaient. Dedans, une statue de la Sainte Vierge avec
l’enfant Jésus dans ses bras.
Dans la caravane de la Vierge, la statue de cèdre portait
une couronne de perles sur la tête.
C’était la stupeur ! On se demandait bien
d’où pouvait venir cet édifice.
Lorsque, tout-à-coup, on vit surgir le pasteur de
l’église Saint Georges, l’évêque Alexandre,
natif de Modruzia. Il était gravement malade et le voila qui arrive en
parfaite santé ??? La nuit d’avant, sur son lit, il se tordait de
douleur. C’est alors qu’il lui est venu l’idée de se
vouer à la Vierge. Au même instant, le voila guéri. Alors
lui apparaissent des anges avec la Vierge au milieu. Elle lui explique
qu’elle n’a pas voulu laisser sa maison aux mains des voleurs et
des iconoclastes. C’est pour ça qu’elle l’a fait
transporter en Dalmatie. Cette maison était pour elle un souvenir trop
important. C’est là qu’elle avait été
conçue dans l’oreille par la parole de l’ange Gabriel et que
le verbe s’était fait chair. De plus, il y avait dans la maison
des objets précieux : le crucifix apporté par les apôtres
et la statue sculptée par Saint Luc.
Puis la Vierge disparut, laissant derrière elle un parfum
céleste.
Le gouverneur de la province s’appelait Nicolas Frangipane.
Il était absent parce qu’avec son empereur, Rodolphe de Habsbourg,
il se taillaient des parts de gâteau en guerroyant contre je ne sais quel
Roi.
Quand il apprit la nouvelle, il demanda un congé et revint
dare dare en Dalmatie. Il envoya l’évêque Alexandre,
Sigismond Orsich et Jean Grégoruschi à Nazareth de Galilée
afin d’enquêter sur les faits. Ceux-ci confirmèrent que la
maison avait bien quitté le site. C’est alors que la
dévotion se répandit de toutes parts.
Il y eut de véritables exodes depuis la Serbie, la Bosnie,
l’Albanie et le Khossovo. Des milliers de gens affluèrent sur les
routes en se dirigeant vers la maison. Frangipane, pour protéger les
fruits du gâteau touristique et pour faciliter le passage des visiteurs,
on entoura la maison avec des grosses poutres sur lesquelles on avait cloué
des planches. Tout ça dans le style rustique du pays.
Mais voila-t-il pas que, trois ans et demi après son
arrivée, le 10 décembre 1294, la maison s’envola à
nouveau pour se diriger vers Récanati dans la Marche
d’Ancône, en Italie. Au grand dam de Frangipane qui eut beau faire
des récanations à Récanati, il en fut réduit
à construire une petite chapelle-mémorial à la place de la
maison.
Ca attirait du monde quand même. Puis, chaque année,
on pouvait voir des Dalmates qui se rassemblaient à Tersatz et qui
allaient en procession jusqu’à Récanati en traversant la
mer Adriatique. Sur le bateau, ils chantaient “revenez-nous Marie,
revenez !”
Quand ils arrivaient à Recanati, ils chantaient “retournez
à nous Marie, retournez à nous !”
Le maître des lieux avait beau essayer de leur imposer le
silence mais il n’empêche qu’il avait très peur de
voir la maison compatissante s’envoler à nouveau pour retourner
à Tersatz. Alors, aidé par le souverain pontife, il construisit
des camps-hospices pour recevoir plus dignement les pèlerins. Beaucoup
de pèlerins demandèrent d’ailleurs l’asile
définitif en Italie, tant ils regrettaient leur petite maison virginale.
Il ne retournèrent plus du côté nord de l’Adriatique.
Tout s’était donc passé le 10 décembre
1294. Pendant la nuit, du côté de Récanati, les gens qui
dormaient près de la mer furent réveillés par une forte
lueur dans le ciel et par des chants angéliques diffusés depuis
là-haut. Ils virent les anges transportant une maison qu’il
déposèrent au milieu d’un bois. Les arbres
s’inclinèrent pour la saluer. Aujourd’hui ils sont toujours
penchés. Comme ce bois était entouré de lauriers, on
l’appela Lorette.
Depuis, les gens n’ont pas arrêté de
pèleriner vers Lorette de toutes les parties du monde. On voyait des
gens aller et venir sur les routes, à pied, à cheval ou en
voiture. Il y avait des chassés croisés partout. La forêt de Lorette se couvrit de
petits chalets que les gens avaient construits pour se loger ou pour louer aux
touristes-pèlerins. Le lieu était pollué par des vols et
de crimes en tous genre.
La maison en eut marre. Elle s’envola à nouveau, au
bout de huit mois, pour aller se poser sur une colline qui appartenait à
deux frères : les comtes Siméon et Etienne Rainaldi de Antiquis.
Les gens gravirent alors la colline et les deux frères
s’enrichirent des dons que faisaient les fidèles. Tout nobles
qu’ils étaient, Siméon et Etienne cédèrent
à l’appât du gain et finirent même par se disputer.
Alors, de nouveau, la maison s’envola au bout de quatre
mois. Elle alla se poser au beau milieu de la voie publique qui allait de
Recanati à la plage. Comme elle n’avait pas de fondements, des
gens s’inquiétèrent car elle pouvait
s’écrouler. De plus, elle était dans un lieu battu par les
vents, les tempêtes et les torrents de pluie.
Ils construisirent alors, autour de la maison, un édifice
fait de pierres solidement enracinées dans le sol. Les nouveaux murs
serraient de près ceux de la maison afin de bien les protéger. De
plus, ils firent venir des peintres afin de représenter les aventures de
la maison.
Au XIVème siècle, on éleva un nouvel
édifice autour de la petite maison, en guise de protection. Un ville
s’installa alors autour, et des rituels honorifiques furent
organisés sous la houlette de Rome.
Puis on construisit des fortifications, des bastions et des
fossés défendus par de grosses pièces d’artillerie
afin de protéger plus sûrement le lieu.
Au moment où l’on construisit le nouvel
édifice, un ordre fut donné par Clément VII. Il fallait
murer l’unique porte de la maison d’origine et en percer trois
autres afin de faciliter les allées et venues des pèlerins et
limiter les accidents qui arrivaient tous les jours par
l’écrasement de la foule. L’architecte qui était
chargé de construire s’appelait Nérucci.
C’était lui qui était chargé de percer la maison de
la Vierge. Lorsqu’il prit son marteau pour frapper un premier coup, le
voila qui tombe sans connaissance.
Sa femme qui était à ses côté se
prosterna, implora la Vierge et Nérucci retrouva ses esprits.
On raconta le fait à Clément VII qui
s’empressa de renouveler son ordre en rassurant l’architecte. Mais
Nérucci ne trouva pas la force de percer les murs virginaux.
Tout à coup, apparut Ventura Périni, un clerc qui se
proposa de faire le travail. Il jeûna pendant trois jours et pria avec
ferveur. Puis, il s’avança au milieu d’une foule nombreuse,
baisa la muraille et la rebaisa mille fois en s’agenouillant, prit le
marteau et s’écria : “Pardonnez, ô sainte maison de
la plus pure des vierges, ce n’est pas moi qui vous perce, c’est
Clément, vicaire de Jésus-Christ, dans l’ardeur qui
l’anime pour votre embellissement. Permettez-le ô Marie, et
satisfaites le bon désir de son coeur !”
À ces mots, il frappa un premier coup puis d’autres ensuite
sans en être incommodé. Les autres ouvriers le suivirent. On mura
l’ouverture unique avec les pierres des trois autres.
Les papes se suivirent et Notre Dame de Lorette prit du poil de la
bête. Les gens venaient de plus en plus nombreux.
Sous le règne de Benoît XIV, on répara le
pavé sous les yeux de témoins respectables.
Quand on creusa, on s’aperçut bien que
l’édifice ne reposait sur aucun fondement.
A l’émerveillement d’ailleurs de ceux qui
creusaient et qui exultèrent lorsqu’ils découvrirent la
terre sous l’édifice. Ils s’écrièrent “la
terre vierge ! la terre vierge !”.
On fit remarquer que, autant l’édifice que les objets
qu’ils contient, ont le caractère “antique” et “oriental”.
La maison de la Vierge ne pouvait plus s’envoler car elle
était enserrée dans un bâtiment solide et construit avec du
marbre. Dommage !
Imaginez la maison de la Vierge se posant près de
l’obélisque, sur la place de la Concorde le 31 décembre
à minuit ! Qu’en aurait dit l’arc de triomphe ?
Aujourd’hui, c’est aussi la fête de Sainte Eulalie de Mérida. Une petite
fille terriblement torturée
par Calpurnien, délégué de Dacien.
Elle avait déjà subit tout ce que, classiquement, on
fait subir aux vierges, lorsqu’on la traîna par les cheveux pour la
jeter dans les flammes. Elle aperçut Calpurnien et lui dit “Calpurnien
! ouvrez bien vos yeux et regardez-moi car au jugement dernier, on se
retrouvera !”
On acheva de la consumer en la couvrant de charbons ardents. Elle
ouvrit la bouche comme pour avaler la flamme et l’on vit son âme
sortir de sa bouche sous la forme d’une colombe qui s’envola vers
le ciel.