13 décembre

Laissez Lucie faire

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Calendrier de decembre

Sainte Lucie (Lumière)r

Sainte Lucie se trouve dans la série des saints qui ont un rapport avec le feu sous-terrain ou la lumière en cette période alchimique de début décembre : Éloi, Barbe, Nicolas. Par son nom, Lucie met en valeur la lumière. Les Scandinaves lui font une fête grandiose. Et l'approche de Noël ou du solstice d'hiver glorifie la lumière. Le 8 décembre, Lyon se pare de bougies pour la fête de l'Immaculée Conception - qui correspond étrangement à celle d'Anouka, fête juive.

Partout on peut remarquer les employés communaux placer des guirlandes qui donneront au solstice tout son éclat de lumière.

Pourtant, la vie de Sainte Lucie n'insiste pas particulièrement sur les phénomènes lumineux. C'est plutôt une sombre histoire d'héritage et de dot.

Il faut dire qu'elle est souvent confondue avec Lucie la Chaste, que l'on fête au 3 décembre. Il s'agit d'une vierge qui aurait suivi Saint Vincent Ferrier en Espagne au 15ème siècle. Elle serait devenue dominicaine. Mais elle était poursuivie par un jeune prétendant qui l'aimait par dessus tout.

Un jour où il devait insister sur son désir de la posséder, elle lui demanda : "Qu'est-ce donc qui vous plaît tant en moi ?" Il lui répondit : "ce que j'aime par dessus tout, ce sont vos yeux !"

C'est peut-être de là que vient l'expression "t'as d'beaux yeux tu sais !"

Alors Lucie rentra dans sa chambre, prit son canif et s'arracha les yeux qu'elle mit sur une assiette. Puis, sans doute à tâtons, elle porta l'assiette à son prétendant en lui disant "tenez, pour vous, c'est toujours ça que vous aurez !"

L'histoire ne dit pas ce que le jeune homme fit des yeux, mais, rassurez-vous, les yeux de Lucie, par la grâce de Dieu, ont "repoussés". Il y a une multitude de représentations de Sainte Lucie qui tient dans ses mains une assiette ou un bol avec deux yeux.

Il y a en tout 16 Lucie qui sont fêtées à des dates différentes.

Celle d'aujourd'hui est celle de la patrie d'Archimède : Lucie de Syracuse en Sicile.

Lucie est née à Syracuse au 3ème siècle. Son père étant mort depuis neuf ans, sa mère qui s'appelait Eutychie voulait marier sa fille. Elle n'arrêtait pas de lui en parler. Mais Lucie n'en voulait pas. De plus, elle trouvait que sa mère était obsédée par cette question. Or Eutychie souffrait, depuis quatre ans d'une perte de sang inguérissable. Lucie se dit, "c'est sûrement à cause de sa maladie". Elle persuada alors sa mère d'aller toutes deux en pèlerinage au tombeau de Sainte Agathe à Catane. Le jour où elles y étaient, l'évangile de la messe racontait l'histoire de l'hémoroïsse qui fut guérie en touchant le manteau du Seigneur.

En écoutant cela, Lucie se disait : "Ah si ma mère pouvait guérir !"

Après le départ de la foule, Lucie et sa mère se prosternèrent devant le tombeau. Lucie qui était fatiguée, s'endormit et rêva. Elle vit une troupe d'anges gardiens couverts de perles et de pierres précieuses qui lui dirent : "Lucie, ce n'est pas la peine de nous demander la guérison de votre mère. Si vous le voulez, vous pouvez la guérir vous-même."

Quand elle se réveilla, elle dit à sa mère ; "Mère, vous êtes guérie ! Mais en revanche, ne me parlez plus de mariage, et laissez-moi libre de me donner toute entière à mon divin époux. Ensuite, la dot que vous deviez me donner pour le mariage, distribuez-la aux pauvres." Étonnant l'influence des rêves au réveil !

Que voulez-vous que dise sa mère ? Son problème de sang était réglé en catimini ! Il était temps ! C'était une calamité en moins.

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Cependant Eutychie résistait. Elle dit à sa fille : "Ma fille ! quand je serai morte, vous pourrez faire ce que vous voudrez avec vos biens et avec les miens. En attendant, je me charge de les faire fructifier."

Lucie lui répondit que ce n'était pas faire grand-chose pour Dieu que de ne donner que ce qu'on ne pouvait pas retenir.

La mère émue mollissait. Un argument comme ça, c'est imparable !

Quand elles rentrèrent à la maison, elles commencèrent à vendre tous leurs biens.

Mais il y avait quelqu'un qui ne l'entendait pas de cette oreille là ! C'était le jeune homme à qui Lucie avait été promise, son futur fiancé qui voyait le magot s'évaporer.

Il posa des questions à une servante qui, par prudence, lui dit que Lucie voulait acheter une maison plus grande et que c'était pour ça que les biens étaient vendus. Le jeune homme dupé fit même monter les enchères espérant que les dividendes lui reviendraient. Mais quand il s'aperçu qu'au bout du compte tout était dilapidé pour les manants, les va-nus-pieds, les économiquement faibles, les pouilleux, les paumés, les minables, les clochards, pour tous ceux que l'impécuniosité affectait en les transformant en mendigots, désargentés, démunis, fauchés, en pauvre quoi ! Il se sentit en difficulté, dans la panade et la mouscaille, dans le pétrin et la purée, dans la mouise et le sous-développement. Ah misère ! Il s'irrita profondément et alla trouver Paschase, préfet de la ville. et lui raconta que Lucie, sa future épouse était en train non seulement de dissiper tous les biens qui lui revenaient mais qu'elle était devenue chrétienne.

Paschase fit arrêter Lucie sur le champ.

S'ensuit une discussion pleine d'emphase dont les petit Bollandistes ont la spécialité et dans laquelle Lucie clame à tous moments qu'elle veut garder sa chasteté et qui se termine par la réflexion : "Si j'ai déjà sacrifié mes biens, je peux maintenant me sacrifier !"

Et bien, lui dit Paschase, je vais t'envoyer dans un lupanar où des débauchés s'occuperont de toi. Lucie répondit que même si elle se faisait violer, elle garderait sa virginité !

Au moment où l'on voulut l'emmener pour la livrer à un groupe de libertins, le Saint Esprit habita Lucie et la rendit raide, immobile et lourde comme un menhir. Personne ne put la bouger. Une foule d'officier se mit à l'ouvrage pour la faire bouger, impossible !

Tout le monde suait à grosses gouttes. On amena plusieurs paires de boeufs qu'on attacha à Lucie avec des cordes. Mais elle restait imperturbable et immobile.

Furieux, Paschase fit dresser autour d'elle un bûcher qu'on enflamma. Mais les flammes ne la touchaient pas et elle restait indemne au milieu de la tourmente. On la fit même enduire de poix, de résine et d'huile bouillante. Tintin !

Alors on lui enfonça un poignard dans la gorge. Mais elle ne mourut pas de suite. Elle continua à parler. (rappelez-vous Sainte Cécile) Elle prédit la mort de Dioclétien et celle de Maximien ainsi que l'avènement de Constantin le grand et la paix pour les chrétiens. Elle assura que Syracuse serait aussi célèbre avec elle que Catane avec Agathe.

Puis elle mourut le 13 décembre 303.

On invoque Sainte Lucie, patronne de Syracuse, contre les maux d'yeux, les flux de sang, la dysenterie et les hémorragies et donc aussi pour les laboureurs. (qui font des blessures à la terre comme Saint Fiacre, patron des jardiniers, qu'on invoque contre les hémorroïdes)

Une vieille cousine, qui aime bien rigoler, m'a raconté qu'un de ses copains, qui allait souvent au bistro sans sa femme Lucie, se faisait souvent interpeller par les clients : "pour quoi ta femme ne vient-elle pas ?" Il répondait "Laissez Lucie faire". C'est un peu facile mais c'est très juste, mythiquement parlant. Le mythe qui fonctionne comme un rébus associe Lucie à Lucifer prince de la lumière.

Sur les yeux de sainte Lucie, cliquez :

http://www.snof.org/histoire/saints.html

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