17 octobre
de Paray le
Monial
Il
y avait, au début de ce mois d’octobre 1999, un congrès sur
le “Coeur” à Paray le Monial. Deux clans s’opposaient
civilement sur le thème du Coeur Sacré. Il y avait ceux qui
étaient pour le vrai coeur plein d’amour et les autres qui
n’y voyaient qu’un symbole.
On y a bien parlé du coeur de
Marguerite, et qu’en termes galants, ces choses étaient dites.
Mais l’as-t-on effeuillée ?
Je n’y étais pas mais on me
l’a raconté. Un peu, pas beaucoup, plutôt tendrement, sans
trop de folie, au cours d’un repas où l’on a mangé de
tout.
Ils sont bien embêtés ces gens
qui discutent du “cas” de Marguerite-Marie. Quand on parle à
travers nos catégories, il est difficile de savoir si c’est du lard
ou du cochon. Les religieuses de l’époque la prenaient
déjà pour une "tarée", ou au moins pour une
personne bizarre. De plus, il devait y avoir de la jalousie devant une sorte de
folle préférée par Dieu. Il y avait pourtant un
antécédent avec Thérèse d’Avila.
Ces phénomènes passionnels nous
échappent aujourd’hui où la pensée dite scientifique
se cantonne dans une religion de la toute puissance et oppose un fonctionnement
qui dirait exactement la réalité à une culture populaire
très imaginative et en quête de vérité. La
boursouflure de la Déesse raison est de se croire unique. Mais elle
occulte ainsi une vraie compréhension de la bivalence de
l’être humain : le monde de l’imaginaire, indispensable pour
vivre, et le monde du raisonnable, indispensable pour ne pas mourir... trop
vite.
Marguerite Marie Alacoque est née le 22 juillet 1648,
10.390 jours avant l’an 2000, c’était un jeudi, jour de la
fête de Sainte Marie-Madeleine la velue et la pleureuse. En pleine
canicule. Tout un programme !
Toute sa vie, elle fut tourmentée par une soif
très vive. Pas étonnant quand on est né à la Sainte
Marie-Madeleine, en canicule. Il y a, la dessus, des textes très
explicites. Mais c’était pour elle l’occasion de ne pas
boire afin de faire des sacrifices. Une fois, elle resta sans boire pendant
cinquante jours de suite.
Elle fut baptisée à Verosvres, dans le
Mâconnais. Son père s’appelait Claude, grand administrateur
royal, et sa mère Philiberthe. Ils eurent sept enfants dont cinq
moururent jeunes. Personne n’aimait le fromage dans sa famille .
Dès l’âge de 4 ans, elle fut confiée
aux soins de sa marraine, Madame de Fautrières. Ce n’était
pas comme à la maison mais il y avait une compensation : Madame de
Fautrières habitait près de l’église, et ainsi, Marguerite-Marie
pouvait aller facilement aux pieds de l’autel où elle ne
s’ennuyait jamais.
A huit ans, elle perdit son père. Sa mère la mit
en pension chez les Clarisses de Charolles.
A 10 ans, elle fit sa première communion puis tomba
malade pendant quatre ans. Elle était quasi paralysée. Au bout de
ces années, on la ramena à la maison. Elle fit voeu de devenir
religieuse si elle guérissait et se leva illico.
Comme elle n’arrêtait pas de faire des oraisons
jusque tard dans la nuit, sa mère la fit coucher avec elle.
Tous les psychologues vous diront que ce n’est pas bien !
On en sort avec des misères diverses. C’est ce qui arriva. Ses
jambes se couvrirent d’ulcères et elle eut très mal sur le
côté.
Elle arriva à laisser sa mère mais augmenta les
mortifications si bien qu’elle retomba encore malade. Elle proposa
à sa mère de faire une neuvaine ensemble. Au bout de neuf jours,
elle était guérie.
Sa mère étant incapable de gérer les biens
de la succession, proposa la direction des affaires à un gérant
qui ne tarda pas à réduire le reste de la famille en
véritable régime carcéral. De plus ils avaient peu
à manger. Marguerite-Marie
devait même aller mendier pour avoir des oeufs et soigner sa
mère qui avait un horrible érésipèle au visage
C’était le moment ou Marguerite-Marie était
devenue un peu plus volage et avait des rendez-vous. Mais la situation
l’empêchait d’y aller. Chaque fois qu’elle sortait,
elle se faisait quereller, puis elle passait le reste de la nuit au pied
d’un crucifix à pleurer.
Jésus devint son maître !
Même quand elle était dans une fête, elle se
sentait “comme liée avec des cordes, tirée si fortement” par Jésus “qui paraissait jaloux”.
Le soir quand elle rentrait, Jésus lui apparaissait, avec
des plaies sanglantes, en lui reprochant ses vanités. Cependant, sa
mère insistait pour “placer” sa fille et lui faire faire un
bon mariage. Mais Marguerite-Marie résistait malgré son
ambiguïté : faire plaisir à sa mère ou
d’abandonner à son amant divin. “Un jour, Jésus me
fit voir qu’il était le plus beau, le plus riche et le plus
puissant, le plus accompli et le plus parfait de tous les amants” Il lui affirma que
si elle le laissait tomber, il l’abandonnerait à tout jamais.
Elle
se décida donc pour la vie religieuse. Retour
Sa mère désolée lui fit savoir
qu’après tout ce qu’elle avait fait pour elle, c’est
elle qui la ferait mourir.
Un oncle voulut la faire entrer chez les Ursulines. Mais un
franciscain qui passait par là, reçut les confidences de
Marguerite-Marie et alla trouver Chrysostome Alacoque, son frère, pour
lui dire qu’il valait mieux qu’elle entre à Paray le Monial,
dans le Charollais. Elle y entra le 27 août 1671.
Très vite elle recommença ses doux entretiens.
Cela n’était pas du goût de tout le monde. La jalousie fit
qu’elle dut attendre un certain temps pour faire sa profession.
La supérieure du couvent : Marie-Françoise de
Saumaise l’avait un peu saumâtre. Il est vrai qu’entre deux
“Marie”, il ne peut y avoir que de l’amertume et le
goût de l’eau de mer. Elle aimait beaucoup Marguerite-Marie. Mais
qui aime bien châtie bien et la De Saumaise s’ingéniait
souvent à l’humilier. Elle la plaça à
l’infirmerie sous les ordres de la soeur Catherine Marest, un vrai mec,
dure et endurcie, qui lui en fit voir des vertes et des pas mûres.
“Oh ! la lourde, tu ne feras jamais rien qui vaille.” A tel point que
Marguerite-Marie commença sérieusement à avoir la
migraine.
On la changea de poste pour celui de surveillante, afin de
s’occuper des jeunes filles que recevait le monastère. Puis on la
changea encore pour diverses occupations, des petits boulots quoi !
On avait bien dit qu’elle n’aimait
pas le fromage. C’était une vraie maladie : la tyrophobie. Un
jour, on lui en servit par mégarde et après l’avoir
mangé par obéissance, elle tomba malade pendant trois jours.
Surmontant son dégoût, elle se mit à manger du fromage, et,
pendant huit ans, elle tombait malade pour trois jours à chaque fois.
Un jour qu’elle puisait de l’eau au puits, le seau
lui échappa et retomba au fond. La manivelle rendue folle vint la
frapper à la mâchoire. Elle tomba en ayant les dents
fracassées et des morceaux de gencives qui lui sortaient de la bouche.
Elle se releva aussi sec et toujours calme, demanda à ses
collègues d’aller chercher des ciseaux pour couper les lambeaux de
chair pendantes. Elles furent tellement effrayées qu’elles se
sauvèrent. Qu’à cela ne tienne, Marguerite-Marie prit les
ciseaux et se les coupa elle même comme s’il s’agissait de
morceaux de tissus ordinaires.
Quand elle s’occupait des malades, elle
ne supportait pas la moindre saleté à tel point qu’un jour,
elle mangea le vomissement d’un malade.
Un jour qu’on travaillait au chanvre, elle retira un peu
pour être plus près du Saint sacrement. Elle était à
genoux et vit le Coeur entouré de séraphins qui chantaient :
L’amour triomphe,
l’amour jouit.
L’amour du Saint
Coeur réjouit.
Les anges la prièrent de se joindre à eux pour
chanter. Depuis, ils devinrent ses amis.
Il fallait bien que tout ça aboutisse. Un jour où
elle allait communier, Jésus lui posa une couronne sur la tête. Sa
migraine redoubla à tel point qu’elle se croyait
transpercée par des épines acérées. Si elle
cherchait à s’appuyer, ses douleurs augmentaient.
Elle souffrait jour et nuit et s’en réjouissait.
Finalement Jésus lui proposa d’embrasser
définitivement sa vie de crucifié. Elle s’en trouva
transformée.
Ses souffrances allaient toujours du côté du feu
(caniculaire) “Dieu est un feu qui consume”. Mais Jésus
voulait qu’elle abandonne toute volonté. Il voudrait pour elle.
Puis Jésus lui apprit “l’Heure Sainte”. Toutes les nuits
du jeudi au vendredi, elle devait se lever, se prosterner contre terre,
réciter cinq Pater et cinq Ave et cinq prières qu’il lui
avait appris.
Ses collègues
religieuses ne voyaient pas ça d’un très bon oeil et
quelquefois elle lui interdisaient d’avoir ce genre de relations, elle en
souffrait beaucoup. Mais chaque fois, Marguerite-Marie, en balayant la cour
chantait :
Plus l’on
contredit mon amour
plus cet unique bien
m’enflamme
que l’on
m’afflige nuit et jour,
on ne peut
l’ôter à mon âme
plus je souffrirai de
douleur,
plus il m’unira
à son coeur.
Enfin, un jour où elle était prosternée,
elle s’embrasa. Jésus laissa reposer son coeur sur sa poitrine.
Puis, il lui parla longuement de son coeur en lui demandant de répandre
le culte de son sacré-coeur. Puis, il prit le coeur de Marguerite-Marie
et le mit dans le sien. Elle le vit comme consumé dans un brasier
ardent. Il le lui rendit tout embrasé.
“Alors le Sacré-Coeur lui apparut comme un soleil
éclatant, dont les rayons tombaient sur son coeur embrasé
d’un feu si vif qu’il semblait prêt à se
réduire en cendres.”
Elle fut traitée de visionnaire. Puis elle devint comme
malade, son coeur l’oppressait. Les médecins vinrent la voir et
elle leur demanda de la saigner. Après bien des réserves ils
s’y résignèrent et ça la soulagea. Ces oppressions
revenaient souvent et, chaque fois, on la saignait, et chaque fois elle se
sentait soulagée.
Mais les religieuses la trouvaient de plus en plus bizarre. Les
médecins ordonnèrent qu’on lui fit manger de la soupe.
Un jour Jésus lui apparut avec ses cinq plaies “brillantes
comme des soleils”. “des torrents de flammes sortaient de son
divin coeur”.
Il lui ordonna de communier le plus souvent possible. Il lui annonça que “chaque semaine, dans la nuit de jeudi à vendredi, il la ferait
participer à la mortelle tristesse qu’il avait ressenti au jardin
des oliviers.”
Elle sortit anéantie de cette vision. Elle en contracta
une fièvre qui lui fit risquer sa vie. Pendant ses accès, elle
eut une vision de la Sainte Trinité : le Père plaça sur
ses épaules une croix hérissée d’épines et le
Fils lui annonça qu’il la crucifierait, puis le Saint Esprit,
qu’il la consumerait.
La Mère de Saumaise lui demanda d’obtenir sa
guérison de Jésus. Ainsi, elle reconnaîtrait que tout ce
qui arrivait était vrai. Marguerite-Marie guérit
instantanément.
Puis on la fit voir à des médecins qui
trouvèrent qu’elle était bien fragile et surtout bien
mélancolique.
Mais, en 1674, un religieux arriva à Paray-le-Monial : le
père de la Colombière. Elle lui raconta ses visions et lui,
enfin, il la comprit et l’engagea à continuer.
A Noël, le Sacré-Coeur lui apparut sur un
trône de feu, rayonnant et transparent. Une couronne d’épine
entourait le coeur.
Le Père de la Colombière n’eut alors de
cesse que de répandre le culte du Sacré-Coeur.
Puis il reçu l’ordre de partir pour
l’Angleterre. Pendant ce temps, elle devint un peu une victime. Son
estomac, qui la faisait souffrir, ne pouvait plus accepter aucune nourriture,
cependant, on lui donnait l’ordre de manger ce qu’on lui servait.
Puis la Mère de Saumaise fut remplacée par la
Mère Péronne-Rosalie Greyfié. Le Père de la
Colombière revint à Paray le Monial pour y mourir. Mais la Mère Péronne
comprenait et aimait bien Marguerite-Marie et tout alla mieux.
Puis Marguerite-Marie fut en proie à de nouvelles
souffrances : “Je te veux être toute chose !” lui avait dit
Jésus.
“Le carnaval lui apportait toujours
un redoublement d’angoisse”
Le démon ne la laissait pas tranquille. Elle était
obsédée par la gourmandise, puis, quand elle entrait au
réfectoire, elle était prise d’un fort dégoût
pour ce qu’il y avait à manger.
La Mère Péronne fut remplacée par
Marie-Christine Melin de Paray. Elle nomma Marguerite-Marie son assistante et
maîtresse des novices.
Cette année-là, la fête de Sainte Marguerite
(d’Antioche : 20 juillet - canicule) tombait un vendredi. On fit, ce jour
là, un premier hommage rituel au Sacré-Coeur en dessinant son
image. Certaines religieuses refusèrent de participer à cette
fête.
Le Père Ignace Rolin, jésuite, nommé
supérieur à la résidence de Paray, la somma
d’écrire ses mémoires.
Le démon lui faisait faire des chutes étranges,
sans raisons. Plusieurs fois, lorsqu’elle voulait s’asseoir, la
chaise fut enlevée de dessous d’elle. Un jour
l’église fut enveloppée d’une tornade si violente
qu’elle faillit s’envoler.
Mais Marguerite-Marie continuait à avoir ses entretiens
avec Jésus.
Petit à petit, le culte du
Sacré-Coeur fut accepté et se répandit. La réputation
de la Sainteté de Marguerite-Marie devint immense. Elle comprit
qu’elle n’avait plus rien à faire ici-bas. Son amant lui
prédit qu’elle mourrait en 1690. En automne, elle fut prise de
fièvres. Le 17 octobre, elle eut des convulsions et mourut. Elle avait
42 ans
Elle fut canonisée le 13 mai 1920.