Sainte
Odile, patronne de l'Alsace. VIIIème siècle
(patrimoine)
Odile, du germain ODAL, signifie richesse, patrimoine. (Alice, Adèle,
etc.)
Avant Paul VI, Odile était au 13, le même jour que Sainte Lucie.
Elles ont toutes les deux des rapports avec la cécité et la
lumière. L'une de par sa naissance, l'autre de par son nom. En plein
milieu de l'Avent, on attend la lumière du solstice. Mais il y a un
proverbe qui dit : "A la sainte Luce, les jours rallongent du saut d'une
puce." Or, nous ne sommes pas encore au solstice. Deux interprétations
sont proposées. La première vient de ce qu'autrefois, sous le
calendrier Julien, Lucie était au 24. Avec l'établissement du
calendrier grégorien, elle fut ramenée 11 jours plus tôt,
le 13. (Cf Sainte Thérèse d'Avila, morte le 5 octobre et enterrée
le lendemain, le 16 octobre)
La seconde vient de spécialistes qui vous expliqueront que, en réalité,
dès le 13 décembre, les jours commencent à rallonger.
Mais il faut demander ça à un astronome car je suis bien incapable
d'expliquer pourquoi et comment.
Jadis vivait dans la ville d'Oberehnheim, au pied de la montage de Hohenbourg,
en Alsace, un puissant seigneur qui s'appelait Adalric. Il aurait été descendant
d'Archambaud, maire du Palais sous Clovis II.
Il avait épousé Berhésinde, nièce de Saint Léger,
évêque d'Autun. Il aimait se retirer de temps en temps dans la
solitude et avait fait restaurer, sur la montagne de Hohenbourg un vieux palais
en ruine. Il y construisit une demeure et deux églises. Berhésinde
s'y retirait parfois en été.
Ils avaient tout pour être heureux mais ils n'avaient pas d'enfant et
donc pas d'héritier. Ils prièrent beaucoup, et un jour, Berhésinde
se trouva féconde.
Ils attendirent avec beaucoup d'impatience la naissance de l'héritier.
Hélas ! c'était une fille ! De plus, elle était aveugle.
(657)
Adalric, déçu, sombra dans le désespoir et la haine.
Il décida que la naissance de l'enfant ne devait pas être connue
et répandit le bruit que sa femme avait fait une fausse couche. On
transporterait l'enfant dans un lieu caché. Berhésinde confia
sa fille à une ancienne servante qui habitait Scherwiller, non loin
de Sélestat. Elle lui demanda d'élever cette enfant comme sa
propre fille et lui fit promettre de ne jamais révéler son origine.
Adalric lui-même ignorait où était sa fille.
Quelques temps plus tard, des bruits couraient sur l'origine d'une fille
aveugle qu'on élevait à Scherwiller et qui aurait l'âge de celle
que Berhésinde aurait perdu... etc.
La mère fit donc transporter sa fille au monastère de Baumes-les-Dames
en Bourgogne. Il faut dire que l'abbesse du monastère était
la tante de Berhésinde.
On entoura la petite de tous les soins possibles. Elle y grandit chrétiennement
en montrant une douceur agréable et une intelligence remarquable. A
douze ans, elle n'était pas encore baptisée, sans doute en
raison des coutumes du pays qui baptisaient tardivement.
Un jour, Erhard, évêque de Ratisbonne, en Bavière, eut
une vision qui lui enjoignait d'aller à Baumes-les-Dames où il
trouverait une enfant aveugle. Il devait la baptiser et lui donner le nom
d'Odile.
Il passa par les Vosges pour visiter d'abord l'abbaye de Moyen-Moutier et
proposa à son frère, l'abbé Hidulphe, de l'accompagner
dans son voyage.
Dès leur arrivée, ils plongèrent l'enfant dans l'eau
baptismale et disant "Odile, sois éclairée des yeux du
corps et de l'âme".
Le miracle s'accomplit, Odile avait trouvé la vue
Adalric fut informé des circonstances du baptême de sa fille.
Sa rancoeur fit place à la joie. Malgré cela, il ne rappela
pas sa fille dans son château, pensant qu'elle serait mieux à Baume.
Pendant qu'Odile grandissait en sagesse auprès de sa tante, Berhésinde
mit au monde quatre fils. Etichon, Adelbert, Hugues et Batachon et une fille
Roswinde. Hugues était particulièrement beau, plein d'esprit
et de générosité. Sa réputation parvint aux oreilles
d'Odile qui l'aima sans l'avoir jamais vu. Elle lui écrivit des lettres
qui touchèrent Hugues. Ils correspondirent souvent. Puis, Odile demanda
à son frère de préparer son retour au château.
Hugues n'hésita pas dans ses démarches et proposa le retour
d'Odile. Mais Adalric n'était pas chaud.
Hugues monta alors un stratagème, pensant que lorsque son père
verrait Odile, il l'accepterait volontiers.
Il envoya des chars et des chevaux quérir secrètement sa soeur.
Adalric se promenait dans la campagne avec Hugues. Ils virent arriver un
cortège.
Étonné, Adalric demanda qui étaient ces gens. Hugues
répondit que c'était Odile, sa soeur, qui revenait au château.
Adalric clama "qui a été assez audacieux pour la rappeler
sans ma permission ?" Hugues avoua que c'était lui. Alors son
père s'emporta et le frappa durement. D'autres disent qu'il le tua.
Mais peu après, Odile se jeta aux pieds de son père qui l'embrassa.
Berhésinde et les autres frères accoururent et tous se retrouvèrent
avec bonheur.
Odile resta donc au château. Elle y vécu vertueusement tout en
goûtant les charmes de la convivialité. Son père gardait
ses distances avec elle. Il ne l'admettait pas à sa table. Un jour
qu'il la vit porter du pain aux pauvres, il en fut ému et décida
de changer et d'adopter une attitude de bienveillance vis-à-vis d'Odile.
Odile et sa soeur Roswinde se dépensaient sans compter pour la cause
des malheureux.
Son père songea à la marier. Mais, comme bien d'autres, elle
avait des projets différents et voulait retourner dans la solitude
de Baume. Adalric n'était pas d'accord. Odile fut donc obligée
de rester à Hohenbourg. Un duc allemand demanda sa main. Mais Odile
refusa et s'enfuit secrètement, déguisée en mendiante.
Elle traversa le Rhin et se réfugia dans un lieu inconnu, loin du
monde.
Adalric et ses fils se mirent à parcourir le pays afin de retrouver
Odile. Lui-même se dirigea vers Fribourg en Brisgau. Il fit publier
un édit dans lequel il promettait à sa fille de lui laisser
choisir la vie qu'elle désirait si elle revenait au Château.
Apprenant cela, Odile revint à Hohenbourg (680)
Le père céda à sa fille le vieux château d'Hohenbourg.
Elle le transforma en monastère avec l'aide de ses parents.
Rapidement, la communauté devint prospère.
On construisit une grande église et trois oratoires où Odile
aimait se retirer pour prier. La troisième chapelle, dédiée
à saint Jean-Baptiste fut, selon la légende, consacrée
par Saint Pierre qui apparut entouré d'anges.
Pour rappeler la Sainte Trinité, Odile planta de sa main trois tilleuls
dans la cour.
Odile ne se nourrissait que de pain d'orge et de légumes. Elle dormait
sur une peau d'ours.
Cela rappelle sa parente, Sainte Richarde, qui, des années plus tard,
faisait une retraite au monastère de Sainte Odile. Elle eut une vision
l'enjoignant de retourner dans son pays et de construire un monastère
au premier lieu où elle trouverait un ours. Ce fut à Adlau.
Pour faciliter la vie aux infirmes, Odile fit bâtir un monastère
dédié à Saint Nicolas, au pied de la montagne.
Le monastère étant au complet, Odile en fit construire un nouveau
qui prit le nom de Nieder-Munster. L'abbesse régissait les deux communautés.
Mais elle aimait par dessus tout aller à Saint Nicolas soigner les
misérables.
Adalric et Beréshinde se faisaient vieux. Ils décidèrent
de passer leurs derniers jours dans le monastère de leur fille. Ils
y vécurent peu de temps et moururent presqu'en même temps.
Odile vécut encore de longues années.
Un jour, un lépreux se présenta à la porte du monastère.
Il sentait vraiment mauvais et personne ne voulait l'approcher. Odile vint
elle-même lui donner à manger. Après quelques hésitations,
elle se jeta au cou du lépreux et l'embrassa. En pleurant, elle supplia
Dieu de lui donner la santé. Elle fut exaucée.
Un autre jour, déjà âgée, où elle revenait
de Saint Nicolas à Hohenbourg, elle rencontra un pauvre étendu
sur le sol et mourant de soif. Comme elle ne pouvait courir chercher du secours,
elle frappa le rocher de son bâton et fit jaillir une source afin de
désaltérer l'homme. La fontaine miraculeuse continua de couler
et guérit de nombreuses personnes.
Arrivée à un âge très avancé, elle était
connue dans toute l'Alsace.
Elle sentit sa fin approcher et rassembla ses filles pour les conseiller.
Remarquant ses nièces Eugénie, Gundelinde et Attale qui pleuraient,
elle leur demanda d'aller prier pour obtenir une bonne mort. Quand elle revinrent,
Odile était plongée dans une grande extase. Un ange descendit
en tenant dans ses mains une coupe contenant le sang du Christ. Odile y goûta,
les anges disparurent et le vase resta entre ses mains.
Puis elle s'éteignit le 13 décembre.
On la représente quelquefois avec un livre ouvert sur lequel on a placé deux
yeux.
Mais les alsaciens en connaissent plus que moi.
Aujourd'hui, il y a aussi Sainte Jeanne-Françoise Frémyot, baronne
de Chantal, au 17ème siècle. Une Bourguignonne. Sainte Élisabeth-Rose
à Chelles (1130) et le bienheureux Ponce de Balmey, à Belley
en 1140.
Bonsoirs de lumière.