23 mars
Philothée et les
violettes
Sainte Philothée
(qui
aime Dieu ou qui est aimée de Dieu)
Une
mémoire pure et rien d’autre, un conte qui ne s’appuie sur
presque rien, un mythe qui se promène sans jamais s’enraciner dans
autre chose que la parole de ceux qui le racontent.
On ne sait
rien de Philothée. Il a bien fallu qu’on lui donne un nom mais ce
n’est pas le sien. On ne sait pas où elle a vécu. On sait
tout juste qu’elle a vécu vers les années 1430.
On dit
qu’elle est née non loin de Nuremberg, en Allemagne. Mais ce
n’est pas certain.
On dit aussi
qu’elle était pauvre et qu’elle était belle.
A
l’âge de quatorze ans, elle offrit à Dieu, "comme un
bouquet de fleurs suaves, le lis de sa virginité",
disent les petits Bollandistes.
Mais le
Diable veillait, il envoya des centaines de démons pour essayer de lui
faire peur, comme il le fit pour saint Antoine. Ils épouvantaient la
jeune Philothée le jour et la nuit en faisant de grands bruits. Mais
rien n’y fit. Elle garda son calme.
Elle avait
un petit jardinet qu’elle cultivait amoureusement. Dès
potron-minet, elle se levait puis bêchait, semait, arrosait, nettoyait,
admirait puis récoltait des petits légumes qu’elle
savourait avec délices.
Un jour, en
automne, elle se demanda si Dieu l’aimait vraiment, quand tout à
coup, elle vit, dans un coin du jardinet, se lever une grande quantité
de violettes qui parfumèrent tout le jardin.
Tout le monde
sait que les violettes, ça veut dire "je t’aime" !
Elle y vit
une réponse à sa question. Elle cueillit alors les violettes et
les serra très fort contre son coeur. Elle se dit qu’elles
préfiguraient le jardin des délices.
Mais un peu
plus tard, elle se mit à douter. Et si les violettes étaient
venues naturellement ? Et si ce n’était pas Dieu qui les avait
fait pousser ? Et si c’était un artifice du démon ? Et si
c’était des fausses violettes ? Et si elles n’étaient
pas vraiment violettes ? Et si ceci, et si cela ?
Eh oui !
“Je pense donc je suis, donc je doute”
disait déjà Descartes ! Et pourtant, en 1430, il
n’était pas encore né.
Philothée
avait besoin d’une preuve supplémentaire pour la
démonstration. Elle demanda donc à son fiancé
céleste de lui confirmer son amour par une expérimentation de
plus.
Dans sa
sainte scientificité, Jésus ne la déçut point. A
l’endroit où avaient poussé les violettes, des anges
messagers vinrent déposer un anneau rempli de diamants
étincelants. Sur le chaton étaient gravées deux mains
entrelacées.
Philothée
se mit à genoux, ramassa la bague qu’elle mit à son doigt
pour ne plus la quitter.
Quelques
temps plus tard, Dieu lui apparut sous la forme d’un enfant qu’elle
serra bien fort dans ses bras pour le couvrir de baisers. Peu après, elle mourut et
s’envola vers le jardin du paradis.