Les cures thermales sont excellentes pour la santé, leur efficacité ne vient pas seulement des bains. Il faut se rappeler de la fontaine de Jouvence. On croit toujours qu'il suffisait de boire l'eau pour rajeunir. Ce n'est pas tout à fait ça. En réalité, il fallait écouter le chant de l'eau qui coule. C'est donc le son de l'eau qui rajeunissait. A condition d'avoir des oreilles pour entendre. Quoi qu'il en soit, l’effet de l'eau est ici liée au son.
Dans le ventre de leur mère, les enfants
n'entendent rien car ils sont sourds, du moins pendant la majeure partie
de la grossesse. Mais les sons leur parviennent sous forme de vibrations
massantes. Les futurs parents qui se racontent des histoires pendant que
leurs petits sont en train de nager dans les eaux matricielles, ne se rendent
pas toujours compte qu'il prédisposent l'enfant à écouter
des contes. Plus tard, les conteurs, par les sons magiques de leurs paroles,
continueront à masser, masser, masser les masses.
Cependant il y a des discours qui donnent
des boutons, de l'acné, de l'eczéma ou même de l'herpès,
ou, plus simplement qui horripilent. Peut-être les paroles entendues
sont-elles trop sèches ? La réaction ne se fait pas attendre
: il y a une éruption et tout brûle.
La réaction peut aussi donner un accès
de fatigue et le conteur voit son auditoire s'endormir. On se réveille
alors en se passant le visage sous l'eau. Dans le cas des boutons c'est
plus compliqué, et, en général, ça dure plus
longtemps. Mais peut-être que quelques paroles plus suaves mêlées à une
bonne humidité ont un effet thérapeutique certain.
Alors, imaginez que, tout d'un coup, votre
auditoire attrape la lèpre !!! Quelle histoire !
Courez alors prendre un bon bol d'air dans
le Gévaudan. C'est beau, même s'il y a des bêtes, et ça
respire bien. Mais surtout, il y a des sources miraculeuses. Il y en a
une surtout qui a guérit Sainte Enimie. Je ne sais si c'est parce
qu'elle a écouté ou si c'est parce qu'elle a plongé.
A mon avis, c'est les deux.
Enimie était fille de Clotaire II,
roi de France. (D'autres disent qu'elle était fille de Clovis) Quand
elle était petite, elle écoutait raconter les Saintes Écritures.
Il paraît que certaines phrases la marquaient plus que d'autres,
surtout celles qui disaient qu'on ne pouvait être heureux que si
l'on prenait Dieu pour maître. Elle les répétait sans
trop les comprendre. Elle devait faire ça en se balançant,
comme les juifs devant le mur des lamentations ou comme les petits arabes
quand ils apprennent le Coran.
Nous, on ne se balance plus et c'est sans
doute dommage.
Je vous passe le récit de son éducation.
On peut l'appliquer à toutes les filles qui vont devenir Saintes.
Elle aimait aller laver les pieds des pauvres. Ca promettait. Elle
les visitait dans leurs humbles demeures, faisait leurs lits quand ils
en avaient, pansait leurs plaies, même les plus dégoûtantes.
Elle était toujours vêtue de
la tenue la plus simple.
Comme elle était noble de naissance,
elle fut rapidement demandée en mariage. La cérémonie
devait avoir lieu. La nuit qui précédait le mariage, Enimie
se retira dans ses appartements et priait Dieu afin qu'il ne lui permette
pas d'avoir un autre époux que lui-même.
Puis, à l'heure où l'on vint la chercher pour la cérémonie, on la trouva toute couverte de lèpre. Tout le monde fut saisi d'effroi, surtout le futur marié, sauf Énimie qui était bien contente. On essaya tout pour la guérir mais rien n'y fit.
Bien sûr, le mariage capota.
Elle resta ainsi plusieurs années dans
cet état. Un jour, un ange lui apparut et lui dit : "Dieu
veut vous rendre votre santé première. Vous la retrouverez
en allant vous laver dans la fontaine de Burle, en Gévaudan."
La voila toute réjouie. Elle en parle à ses
parents qui lui donnent un bon pécule pour le voyage et un cortège
pour l'accompagner.
La troupe fit au moins cent cinquante lieues.
Cela devint pénible surtout à cause des montagnes du Gévaudan.
Enfin, une fois arrivée, elle se renseigna
pour savoir où était la fontaine mystérieuse.
Une dame qui passait par là lui dit
: "j'ignore s'il y a une fontaine de ce nom là mais pas
loin d'ici, vous trouverez une source très réputée
pour ses miracles." En fait, cette dame lui parlait des eaux thermales de Bagnols-les-bains
où l'on allait faire des cures. Arrivée dans Bagnols, Énimie,
circonspecte, se mit en prière.
Un ange lui apparut et lui dit :"Les
eaux de Bagnols ne sont pas celles qu'il faut. Vous ne devez pas être
purifiée dans des bains de ce genre. Dieu veut vous guérir
par sa propre vertu, au moyen d'une eau froide ordinaire. Il vous faut
aller plus loin !"
Le lendemain, ils partirent pour faire encore
six à sept lieues d'un mauvais chemin et parvinrent à la
fontaine de Burle.
Énimie se plongea alors dans les eaux.
Au même moment, le rocher d'où coulait la source se fendit à plusieurs
endroits et laissa passer une énorme quantité d'eau. Peu
après, Énimie se sentit complètement guérie
et sortit de l'eau avec la peau aussi nette que celle d'un enfant.
Tout le monde en fut très heureux.
Puis, le cortège reprit le chemin de
la capitale.
Il se trouvait déjà à une
bonne distance de la fontaine lorsqu'Énimie fut reprise par la lèpre.
On rebroussa chemin afin qu'elle puisse se replonger dans la fontaine.
A peine eut-elle plongé qu'elle retrouva à nouveau la santé.
Le cortège repartit alors vers Paris.
A quelque lieues de là, la lèpre
réapparut. Énimie comprit alors qu'elle avait une vocation
thermale et qu'elle ne pourrait plus s'éloigner de ce lieu. Elle
se replongea alors dans la fontaine, une troisième fois, et la santé lui
fut rendue pour de bon.
Elle décida donc de rester et de congédier
tous les gens de sa suite. Mais ils voulurent rester avec elle et dirent
: "Nous voulons être exilés et souffrir avec vous
en cette contrée, afin de pouvoir régner un jour avec vous
dans le ciel".
Après que quelques-uns s'en furent
retournés à Paris pour annoncer la nouvelle à ses
parents, Énimie gravit la montagne qui dominait la source et trouva
une grotte dans laquelle elle s'installa. Elle garda avec elle sa filleule
- qui s'appelait aussi Énimie.
Après avoir beaucoup souffert des intempéries,
du froid, du manque de nourriture, elle se mit à faire des miracles.
Beaucoup de gens accoururent dont la plupart furent guéris. Comme
certains voulurent rester avec elle, elle construisit un monastère
auprès de la source.
Mais, le diable jaloux de cette construction
apparaissait, tous les samedis, sous la forme d'un énorme dragon,
et renversait l'ouvrage que les ouvriers avaient faits durant la semaine.
Peu après, elle reçu la visite
de Saint Ilère, évêque de Mende. Énimie se plaignit
des misères que lui faisait le démon et Ilère promit
de l'aider. Il revint souvent la voir.
Un jour qu'il était à côté d'elle,
le dragon apparut tout fumant et crachant le feu. Énimie se mit à pleurer
et tomba dans les bras d'Ilère en lui demandant son aide. Bien déterminé,
Ilère marcha vers le dragon. Par terre il vit deux morceaux de bois
qu'il plaça en forme de croix. Il n'en fallut pas plus pour que
le dragon fit marche arrière et se réfugia dans des cavernes
d'où il ne sortit plus jamais.
Énimie acheva son monastère
tranquillement et en devint l'abbesse. Son père Clotaire et son
frère Dagobert 1er lui assurèrent une rente qui lui permit
de faire vivre le monastère et de l'agrandir.
Quelques temps avant sa mort, elle annonça
que sa filleule mourrait très peu de temps après elle. Elle
ordonna à ses soeurs de placer le sépulcre de sa filleule
au dessus du sien.
Puis elle mourut.
Elle est représentée avec un
serpent parce qu'elle passe pour en avoir délivré le Gévaudan
Après sa mort, son frère Dagobert
1er passa par là et voulut emporter le cercueil d'Énimie
afin de le placer dans la Basilique de Saint Denis. Mais il se trompa et
emporta celui de sa filleule.
Puis on oublia Énimie.
Beaucoup plus tard, un religieux nommé Jean
eut une vision qui lui indiqua le lieu où gisait la Sainte. Il avertit
l'évêque du diocèse et tout le monde se retrouva dans
l'église.
On
commença à creuser en chantant une antienne et l'on découvrit
un petit caveau. De ce caveau s'exhala une odeur si suave que les assistants
se croyaient au Paradis. En même temps, les cierges s'éteignirent
d'eux-mêmes et leur lumière fut remplacée par un nuage
lumineux qui remplit toute l'église. Il était si intense
que personne ne pouvait voir son voisin. Puis le nuage disparut et les
cierges se rallumèrent.
On recommença alors à sentir
l'extraordinaire odeur. Tous les malades qui étaient présents
furent guéris.
On transporta alors le corps de la Sainte
dans l'église du monastère nouvellement construit.
L'étymologie du nom d'Énimie
est obscure. Je pense qu'il n'est pas loin de Néomie ou Noémie
(Néoménie : nouvelle lune). Le thème du dragon qui
vient détruire l'édifice en construction le samedi rapproche
de la thématique de Mélusine, fée architecte, qui
se purifie dans son bain tous les samedis.
Les PP. Bénédictins affirment
que la Vita d'Énimie a été inspirée de celle
de Sainte Ermine au 24 décembre.