23 ou 24 septembre
Sainte Thècle
Le chanvre et l’équinoxe
EQUINOXE D’AUTOMNE
Sainte
Thècle (“Théo-cleïa” :
Gloire de Dieu ou ”thèkè” : boîte,
rapproché de Thikai : cercueil)
Sainte de la bonne mort.
A Iconium, (Konya dans
l’actuelle Turquie), Saint Paul, qui prêchait dans la région,
logeait chez Onésiphore. Les gens y venaient en assemblée. Parmi eux se trouvait
une fille qui s’appelait Thècle. Sa mère, qui
s’appelait Théoclie, l’avait fiancé à un riche seigneur
appelé Thamyris.
Mais influencée par
les prédications de Saint Paul, Thècle se fit chrétienne
et renonça au mariage.
Lorsque Paul fut mis en
prison, elle donnait ses joyaux aux gardiens afin de pouvoir entrer et le voir.
Théoclie, apprenant
que sa fille avait renoncé au mariage, entra dans une grande fureur et
fut près de la tuer de ses propres mains. Vous pensez, tous les
avantages d’une telle union échapperait à la famille !
Elle accusa alors sa fille,
devant le juge, d’être chrétienne et incapable de tenir les
promesses de mariage qu’elle avait faite. Elle lui demanda de la faire
brûler vive si elle ne changeait pas d’avis.
Le juge fit comparaître
Thècle. Comme elle restait sur ses positions, il fit allumer un grand
brasier et commanda d’y jeter Thècle.
Mais Thècle fit le
signe de croix, puis, Hop ! la voila entrée dans le brasier avant
même que les soldats aient eu le temps de l’y pousser. A l’instant même, il se mit
à tomber des cordes, que dis-je, des câbles, et la pluie
éteignit le bûcher. Tout le monde s’enfuit pour chercher
à s’abriter et Thècle en profita pour déguerpir
à toute vitesse et s’éloigner si rapidement de la ville que
personne ne put s’opposer à sa fuite.
Elle courut partout à
la recherche de son apôtre bien aimé : Paul. Elle finit par le retrouver
caché dans un lieu solitaire, non loin d’Iconium.
Thècle le suivit
partout où il allait prêcher. Au bout de quelques temps, ils
partirent vers Antioche (Antakia de Turquie) C’est là
qu’elle se fixa.
Elle était si belle
qu’un notable de la ville, Alexandre, tomba amoureux d’elle. Comme
elle refusait ses avances, il l’insulta en public. Mais elle se rua sur
lui, lui déchira sa tunique et lui arracha la couronne qu’il
portait. Mais Alexandre se défendit, l’empoigna et la conduisit
devant le gouverneur qui la condamna à être dévorée
par les bêtes.
A l’heure du supplice,
on la mit nue dans l’arène et on lâcha une lionne furieuse
qui vint se coucher devant elle en lui léchant les pieds. Puis on
lâcha d’autres bêtes qui ne la touchèrent pas. Dieu
l’avait enveloppée d’un nuage de feu afin que personne ne
vit sa nudité. Même les bêtes ne levaient pas la tête,
par pudeur, et se contentaient de lui lécher les orteils.
Saint Ambroise, parlant de
Thècle, fit remarquer que, à ce moment, les rôles
étaient inversés. “Les hommes étaient devenus des
animaux sauvages et les bêtes se montraient humaines à tel point
qu’elles n’osaient pas lever leur regard vers la vierge nue.”
Puis elle pria et ensuite se
retourna et vit une grande fosse pleine d’eau dans laquelle nageaient de
nombreux phoques. Elle s’y jeta. La foule gémissait en croyant que
les phoques allaient dévorer cette beauté. Mais les phoques
virent la flamme d’un éclair et moururent tous tués par le
feu, puis leurs cadavres surnagèrent.
A la vue de ce prodige, les
gens restèrent sans voix, sauf le gouverneur qui devint plus violent que
jamais et ordonna que l’on reconduise Thècle en prison.
Le lendemain, on la remit
dans le cirque et le magistrat la fit attacher à des taureaux sauvages.
On excita alors les taureaux mais ils restèrent placides et immobiles.
Le gouverneur
précipita alors la vierge dans une fosse où l’on avait
placé des serpents et toutes sorte de reptiles venimeux. Mais les
animaux n’osèrent pas souiller Thècle de leur bave et
s’en éloignèrent. Ils s’engourdirent et
s’endormirent.
Devant les réactions
du peuple qui admirait Thècle, le gouverneur ne put que la
libérer.
Elle rejoignit alors Saint
Paul puis revint trouver sa mère Théoclie qui l’accueillit
froidement, resta sourde à ses convictions et refusa de se convertir.
Elle se dirigea alors vers
Séleucie (aujourd’hui Silifke) et s’installa dans une grotte
sur la colline de Calamon à deux pas de la ville. Comme les gens
venaient la voir parce qu’elle faisait des miracles en les
guérissant, des médecins jaloux de perdre une clientèle
organisèrent une descente vengeresse à la grotte de
Thècle. Mais au moment où ils voulurent la saisir, le rocher se
referma sur elle afin de la protéger. Ils s’en retournèrent
dépités.
Elle mourut à
Séleucie (Silifke) à l’âge de quatre vingt dix ans.
On peut encore visiter sa grotte, à Silifke, sur la route
d’Antalya.
Son corps reposerait
aujourd’hui à Tarragone, en Catalogne où il aurait
été transporté. Pierre V, roi d’Aragon reçut
un jour un soufflet de la Sainte parce qu’il voulait annexer à son
domaine le territoire de Tarragone. Il en tomba malade et en mourut.
Il y aurait quelques
ossements de la vierge à Chartres. Vernon sur Seine possède un os
du bras. L’Église de Riez possédait autrefois la tête
et un bras. Mais ces reliques ont disparu pendant la révolution. Il ne
lui reste plus aujourd’hui que la mâchoire inférieure.
Sainte Thècle est
fêtée à l’équinoxe d’automne. Elle est
invoquée pour la bonne mort. Elle peut être fêtée du
21 au 25 septembre selon les périodes calendaires. Au temps de Pline,
l’équinoxe était au 25 et du temps de Rabelais au 21. Aujourd’hui Thècle est
fêtée est au 23 ou encore au 24.
La configuration mythologique de l’équinoxe
d’automne tourne autour du rouissage-pourrissage des plantes textiles comme
le chanvre. Le “décès” de la plante mère dans
une fosse à rouir rappelle bien la fosse aux phoques de Thècle
mais aussi son passage dans un feu qui ne peut la détruire. Après
rouissage, le pantagruelion - enveloppe mère - laissait naître le
chanvre qui servait à faire des cordes.
Cette période correspond aussi à
la date de la mort de Gargamelle, mère de Gargantua qui, lui-même
est père de Pantagruel. (Cf. Gaignebet, “A plus Hault sens”)
“On apprête le Pantagruelion vers
l’équinoxe d’automne... La première instruction que donna Pantagruel fut de
dévêtir sa tige de ses feuilles et de sa semence, de la faire
macérer dans de l’eau stagnante, et non courante,...” (Rabelais, Tiers
livre, chap. 50, Éd. Seuil) S’ensuit un long discours sur les
plantes et leurs noms, puis, au chapitre 52 : “Comment certaine
espèce de Pantagruelion ne peut pas être consumée par le
feu.” “O chose grande ! O chose admirable ! le feu qui
dévore tout, dévaste tout et consume tout, nettoie, purifie et
blanchit ce seul Pantagruelion...”
Il faut noter qu’au 22 septembre, la
veille, on fête Saint Phocas, le jardinier, qui a été mis
à mort par ceux à qui il avait donné
l’hospitalité.
Le 23 est aussi le jour de la Saint Lin connotant
Linos d’Argos. Linos d’Argos est fils naturel de Psamathé
(par Apollon) la Néréïde protéiforme et surtout
phoque (connotant Mélusine et Thècle). Linos sera
dévoré par des chiens.
Le rouissage des plantes textiles introduit la
mort - la prochaine mort de la nature - mais en même temps l’espoir
d’une résurrection possible par la libération des
âmes qui s’échappent de la “boîte”
mère rouie. (thèkè)
Une autre Thècle est née en
Auvergne au 9ème siècle. Elle fonda l’église de
Chamalières. Elle est enterrée à l’église
abbatiale Sainte Marie de Royat
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