Saint Antoine le Grand
17 janvier
(sublime fleur ou inestimable
fleur :
"anthos")
L |
La porte de janvier est
appelée porte des dieux
et celle de juillet, porte des Hommes.
Le Pape est gardien de
ces deux portes avec les deux clefs de saint Pierre qu'il montre sur ses armoiries.
De plus, il est "pontife", c'est-à-dire constructeur de ponts
entre le ciel et la terre.
Ces périodes de contact avec le ciel ont un
caractère mélancolique car elles rapprochent les humains des
paradis de l'au-delà. Ce sont des temps de souvenirs et de
mémoire.
Ceux qui ont eu l'occasion
de voir le film "Tous les matins du monde" ont plongé dans un propos
mélancolique. Le film ne correspond pas tout à fait au livre. Je
pense qu'il est plus percutant. A un moment donné, on voit la
cérémonie des "Ténèbres" qui, il n'y a
pas si longtemps, se déroulait tous les soirs de la semaine sainte.
Cette cérémonie était
très belle. On y chantait les lamentations de Jérémie.
Chaque lamentation était précédée du chant, sur
trois notes, d'une lettre hébraïque. A la fin de l'office, les
assistants frappaient très fort sur leur siège avec leur missel,
pour rappeler, soi-disant, le vacarme produit après la mort du Christ
en croix.
Dans le film, on assiste à l'extinction
des cierges - après chaque lamentation - puis la caméra se dirige
vers les stalles et s'arrête un instant sur deux sculptures qui
représentent le mieux la mélancolie : un ange et un chien. L'ange
par sa fidélité à Dieu et le chien par sa
fidélité à son maître.
Les deux filles du musicien
(joué
magnifiquement par Jean-Pierre Marielle) s'appellent Madeleine et Antoinette.
Elles portent les deux noms les plus liés à la mélancolie
: Madeleine alias Marie-Madeleine, celle qui pleure et Antoinette alias Antoine
le solitaire tenté en permanence dans sa grotte. 22 Juillet et 17 Janvier.
C'est Madeleine, qui, à la suite d'une peine d'amour, se pend au ciel
(de lit) avec un lacet du soulier qui la rattachait à la terre.
A six mois de différence, nous avons un marquage
temporel important. Saint Antoine et la canicule sont parfaitement en phase en
partageant l'année en deux avec Marie-Madeleine.
P |
as très facile de
raconter Saint Antoine. Les textes - que ce soit Saint Athanase, les Bollandistes
ou La Légende
dorée - donnent une suite de petits faits qui ne forment pas un
récit. On a l'impression que chaque fait est construit dans un but
édifiant sans appui sur une véritable filière.
Cependant, un thème le poursuit tout au long de
sa vie, ce sont les fantasmagories animalières.
Antoine voit des bêtes
fantastiques partout.
Ces bêtes essayent de
lui faire peur. Claude Gaignebet fait remarquer que le 17 janvier est
déjà en pleine période de carnaval. Les âmes des
morts sortent des enfers et hantent le monde des vivants. Antoine est souvent
représenté avec un cochon, animal psychopompe, (conducteur d'âmes)
dont on gonfle les vessies dans les rituels de carnaval. Ces vessies figurent
les âmes. En carnaval, on peut s'en servir pour frapper les femmes et les
rendre ainsi fécondes. On l'appelle aussi "le Monsieur vêtu
de soie", en raison de l'aspect de son pelage.
Saint Antoine avait un cochon :
(Sur
l'air de "Il est
né le divin enfant")
qui
courait les rues, défonçait les portes
Saint Antoine avait un cochon
qui
courait les rues, défonçait les...
ce que Marie cherche, ce que
Marie cherche
qu'on en dise ce que l'on voudra
ce que Marie cherche, Marie
trouvera.
Le cochon est un animal
infernal. Il se plaît au
contact d'une terre bourbeuse et cloaquale. Il mange les étrons. Il est
gardien des souffles.
Les cochons, autrefois,
couraient partout dans le village cherchant à manger. Quand on a interdit la divagation des
cochons, seul l'ordre des Antonins (ordre soignants) avaient le droit de
laisser divaguer leurs porcs à condition qu'ils aient au cou une petite
sonnette. D'où l'on disait que les parasites allaient de porte en porte
comme cochon de Saint Antoine.
En
outre, sa statue est souvent placée dans un
feu : le feu Saint Antoine que l'on a reconnu comme étant la maladie de
l'ergot de seigle. Il s'agit d'une sorte de lèpre qui provoque le
pourrissement des parties du corps - C'était un terme assez
général qui désignait toutes les maladies telles
l'érésipèle, les dartres ou psoriasis, les herpès
et les zonas, qui avaient des caractères très douloureux - On
disait aussi Feu sacré : feu qui ronge. L'ergotisme se manifestait par
des manifestations convulsives et gangreneuses.
A |
ntoine est en rapport constant
avec les âmes
carnavalesques qui s'échappent du feu des enfers. Dans le tableau de
Brueghel intitulé "Combat de carnaval et de
carême", un
groupe de gens atteints de la lèpre ou du feu de Saint Antoine sont
représentés à gauche dans la partie signifiant janvier,
entre Noël et Carnaval.
On le représentait quelquefois, avec un visage effrayant, sur les murs des églises, faisant peur au chieurs qui profitaient des recoins. Il les menaçait du "feu saint Antoine" très douloureux en la partie concernée. Rabelais, évoquant les torcheculatifs (I,13) fait référence aux écrits des cabinets :
Foireux
Péteur
Breneux
Fécal
en cavale
tu
t'étales
sur nous
répugnant
puant
dégoûtant
Le
feu saint Antoine puisse te rôtir
si tous
tes trous
ouverts
tu ne torches avant de partir
Antoine est associé à Saint Blaise (2
février) à cause du cochon dont la graisse donne la chandelle de
la chandeleur ainsi qu'à Cucuffat et sa lanterne qui guide Saint
Christophe au 25 juillet. Il est souvent représenté, dans les
diptyques, en face de Saint Christophe.
Il est associé aussi à Saint Patrick
à cause de son bâton en forme de Tau. Bâton qui ouvre les
trous des enfers (Cf Patrick au 17 mars)
Retour
Saint Antoine était analphabète. Il ne
savait donc pas lire. Bonne prédisposition pour être un conteur.
Pourtant, il a laissé des lettres. Qu'il faisait
écrire par d'autres moines.
De plus, il est mort à 105 ans, nous dit Saint Athanase qui a écrit sa vie. L'analphabétisme, ça conserve !
A |
Il était de parents nobles. Ils ne le mirent pas
à l'école de peur qu'il ne se pervertisse !
Par contre, il aimait bien écouter des contes et
des lectures. Mais il n'apprit jamais "les lettres" sauf oralement,
en les entendant. Il était d'un naturel paisible, doux et
débonnaire.
Vers l'âge de dix-huit ans, ses parents moururent.
Il se retrouva seul avec une jeune soeur. Il s'en occupa six mois. Puis, un
jour, à l'église, il entendit un prêtre qui lisait le texte
de l'évangile : "si tu veux être parfait, vends tout ce
que tu as, donne-le aux pauvres et suis -moi." C'est ce qu'il fit. Il garda
quand même quelque chose pour sa soeur, qu'il confia à une sainte
femme dans le voisinage, puis il partit vers le désert.
A cette époque, il n'y avait pas encore de
monastères. Il y avait seulement quelques ermites ça et
là; Antoine rencontra un vieillard avec qui il se lia tout en courant
à gauche et à droite visiter les moines qu'il pouvait trouver
afin d'apprendre "le miel de la dévotion". Mais aussi, il
travaillait de ses mains afin de pouvoir manger.
Il finit par arriver à un tel degré de
perfection que les autres moines l'appelaient leur père et lui donnaient
le titre de Déicole : "celui qui aime et honore Dieu."
Mais le démon était jaloux et il entreprit
de l'effrayer afin de le décourager.
Il fit d'abord resurgir
en lui des souvenirs anciens évoquant sa soeur et l'agréable vie familiale. Puis il passa aux
tentations de la chair par des pensées obscènes. Quelquefois, la
nuit, le diable prenait l'apparence d'une femme afin de le séduire.
Comme le démon n'y arrivait pas, il lui apparut
sous la forme d'un petit noir extrêmement laid et horrible à voir
et lui avoua qu'il en avait séduit bien d'autre mais qu'il ne parvenait
pas à le vaincre.
Ce fut la première victoire d'Antoine.
P |
uis, Antoine étant allé habiter dans un
sépulcre, le diable l'attaqua physiquement avec cruauté de telle
façon qu'il le laissa évanoui et comme mort. Un ami qui lui
apportait à manger le découvrit inanimé et le transporta
au village voisin. Quand Antoine revint à lui, il demanda à
être retransporté dans son sépulcre.
Quoi qu'il fut blessé à tel point qu'il ne
pouvait pas remuer, il défia le démon qui fit appel à tous
ses comparses.
Ils firent un tel chahut
que l'on croyait que le sépulcre allait tomber. En même temps, Antoine vit
apparaître des formes fantastiques d'animaux féroces. Les
démons s'étaient métamorphosés et occupaient les
murs. Toute la pièce fut remplie de serpents, d'aspics, de scorpions, de
loups. Les lions rugissaient et voulaient l'assaillir, les taureaux essayaient
de l'encorner, le loup s'élançait mais, à l'instar des
autres animaux, il était comme retenu. Antoine restait calme au milieu
de ce chaos de bêtes qui n'arrivaient jamais au bout de leurs intentions.
C'est qu'ils étaient joués par Antoine.
Puis le toit du sépulcre parut s'ouvrir et un rai
de lumière vint du ciel. C'était Dieu qui venait à son
secours pour le réconforter.
Antoine, qui alors avait
trente cinq ans, décida
de partir pour la montagne. Sur le chemin, il tomba sur un grand disque
d'argent puis sur une belle quantité d'or. Mais il passa sans trop y
faire attention, sachant qu'il s'agissait de tentations démoniaques.
Puis il trouva un vieux
château habité par
des reptiles et s'y fixa. Les reptiles impressionnés quittèrent
le lieu.
Il y resta vingt ans en
butte à toutes ces
fantasmagories continuelles qui ne lui laissaient pas de repos. Ceux qui
venaient rendre visite à Antoine l'entendait se disputer avec les
démons. Les diables lui faisaient des reproches et l'injuriaient parce
qu'Antoine était venu les chasser de leur ancien logement. Il avait, en
effet besoin de nouvelles grottes pour loger ses visiteurs. Mais il sortait
toujours radieux et victorieux de ces querelles.
Il avait pour principe
de ne jamais se laisser impressionner par les démons. De toutes manières, ils mentaient.
Il ne faut pas craindre les démons "s'ils avaient
du pouvoir, ils ne viendraient pas en masse et ne feraient pas de prestige...
Ne pouvant rien, ils jouent comme sur la scène, changent de formes, effraient
les enfants par des apparitions en masse sous divers masques." (Athanase 28)
A |
I |
l s'installa au pied de
cette montagne tellement impressionnante qu'elle en était effrayante. Il
logea dans une petite grotte, cultiva un petit jardin. Un jour des animaux
vinrent lui saccager son jardin. Il les rattrapa et les semonça
vivement. "est-ce que que je vous fais du mal, moi
?" "Je vous
défend de revenir ici !" Ils obéirent.
De plus, il fabriquait
des nattes pour éviter
l'oisiveté. C'est fou ce que les ermites des montagnes d'Egypte ont
fabriqué comme nattes. Ils les fabriquaient avec des feuilles de
palmier. Ils travaillaient en alternance avec des temps de prières. En
les vendant aux visiteurs, ils pouvaient acheter de quoi survivre.
Puis il installa un autre
logement sur la montagne intérieure. Pour lui rendre visite dans son monastère de
l'intérieur, il fallait plusieurs jours à dos de chameaux. Un
diacre nommé Baisan gagnait sa vie en louant des chameaux au bas de la
montagne.
Mais le démon revint avec sa faune afin de
l'effaroucher. Il rangea nombre de bêtes devant Antoine dans une attitude
qui montrait qu'elles étaient prêtes à le dévorer.
Tranquille, Antoine leur dit : "si Dieu vous a donné quelque
puissance sur moi, mangez-moi; mais si vous êtes venues par le mouvement
du démons, sortez d'ici car je suis serviteur de
Jésus-Christ." (PB)
Les bêtes s'évanouirent.
Une autre fois, Antoine
fut ravi vers le ciel par les anges, mais les démons se mettaient devant pour l'empêcher de
monter. Les anges demandèrent s'ils avaient quelque chose à
reprocher à Antoine. Il rappelèrent toutes les fautes qu'il avait
commises depuis sa naissance. Les anges répondirent que ces péchés
avaient été effacés et qu'on ne pouvait rien lui reprocher
maintenant. Alors les démons le laissèrent tranquille.
Une nuit, il entendit une
voix qui l'appelait dehors. "Antoine, viens dehors et tu verras !" Il sortit et vit un
géant immense dont la tête touchait aux nues. Il étendait
les bras pour arrêter des gens qui montaient vers le ciel. Elles
retombaient à terre, mais d'autres réussissaient à grimper
quand même, c'étaient les plus saintes.
Un jour, alors qu'il travaillait
dans son jardin, il vit une bête "d'apparence
humaine jusqu'aux cuisses mais ayant des jambes et des pieds comme un âne". Antoine se signa en priant. La
bête détala si vite qu'elle tomba et mourut.
A propos de la prière, il semblait toujours
être dans le ravissement. Il disait d'ailleurs que la prière ne
pouvait pas être parfaite si l'on s'apercevait que l'on était en
train de prier.
A |
ntoine fut appelé par saint Athanase à se
rendre à Alexandrie afin de soutenir ceux qui étaient victimes de
la persécution des Ariens. Au bout de quelques jours, il voulut
retourner à sa montagne. Comme on le pressait de rester il dit :
"Un moine, c'est comme un poisson : l'un meurt s'il quitte l'eau et
l'autre s'il quitte la solitude."
Il rentra donc dans sa montagne.
Il recevait des lettres
des rois, entre autre de Constantin le Grand. Il se les faisait lire et y faisait
répondre sur
les instances de ses frères. Mais il disait qu'il n'avait que faire de
ces lettres, et, de toutes façons, il ne pouvait y répondre selon
le style. Il exhortait les frères à ne pas se laisser
éblouir par la dignité des rois.
Il accéda à
une haute réputation et c'est pourquoi on le surnomma Le Grand.
Il ne permit à personne de vivre en permanence
sur sa montagne. Ceux qui l'avaient rejoint devaient vivre à douze
lieues de là, à Pispir où, un peu plus tard, Saint Macaire
gouvernera cinq mille moines.
Sentant sa mort prochaine,
il fit promettre à ses
frères de ne pas suivre la coutume propre aux égyptiens
d'embaumer les corps. Il pensait que c'était une coutume superstitieuse.
Il voulait être enterré dans la bonne terre.
Il mourut le 17 janvier
356 à l'âge de 105
ans.
Ce n'est pas lui qu'on
invoque pour les objets perdus, c'est Saint Antoine de Padoue au13 juin.
Il y a 69 saints qui portent le nom d'Antoine et
6 saintes qui portent le nom d'Antoinette.