Saint Christophe
25 juillet
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LA LÉGENDE DE SAINT CHRISTOPHE
D'après Jacques de Voragine, La Légende dorée - 1264
Christophe était Cananéen, il avait une taille gigantesque, il mesurait 6 mètres de haut et avait un aspect terrible. Un jour qu'il se trouvait auprès du roi des Cananéens, il lui vint à l'esprit de chercher quel était le plus grand prince du monde, et de demeurer près de lui. Il se présenta chez un roi très puissant qui avait partout la réputation de n'avoir point d'égal en grandeur. Ce roi l'accueillit avec bonté et le fit rester à sa cour. Or, un jour, un jongleur chantait en présence du roi une chanson où revenait souvent le nom du diable. Le roi, qui était chrétien, chaque fois qu'il entendait prononcer le nom du diable, faisait de suite le signe de croix sur sa figure. Christophe, qui remarqua cela, était fort étonné de cette action et de ce que signifiait un pareil acte. Il interrogea le roi à ce sujet et celui-ci ne voulant pas le lui dire, Christophe ajouta : - Si vous ne me le dites pas, je ne resterai pas plus longtemps auprès de vous. C'est pourquoi le roi fut contraint de lui dire : - Je fais ce signe quand j'entends nommer le nom de quelque diable dans la crainte qu'il ne prenne pouvoir sur moi et ne me nuise. Christophe lui répondit : - Si vous craignez que le diable ne vous nuise, il est évidemment plus grand et plus puissant que vous; la preuve en est que vous en avez une terrible frayeur. Je suis donc bien décu dans mon attente; je pensais avoir trouvé le plus grand et le plus puissant seigneur du monde; mais maintenant je vous fais mes adieux car je veux chercher le diable lui-même afin de le prendre pour mon maître et devenir son serviteur.
Il quitta le roi et se mit en devoir de chercher le diable. Or, comme il marchait au milieu d'un désert, il vit une multitude de soldats dont l'un, à l'aspect féroce et terrible, vint vers lui et lui demanda où il allait. Christophe répondit : - Je vais chercher le seigneur Diable, afin de le prendre pour maître et seigneur. Celui-ci lui dit : - Je suis celui que tu cherches. Christophe tout réjoui s'engagea pour être son serviteur.
Or, comme ils marchaient ensemble, ils rencontrèrent une croix élevée sur un chemin public. Aussitôt que le diable aperçut cette croix, il fut effrayé et prit la fuite en quittant le chemin et conduisit Christophe à travers un terrain à l'écart et raboteux. Ensuite, il le ramena sur la route. Christophe lui demanda pourquoi il avait manifesté tant de crainte. Le diable ne voulant pas lui en donner le motif, Christophe lui dit : - Si vous ne me l'indiquez pas, je vous quitte à l'instant. Le diable fut forcé de lui dire : - Un homme qu'on appelle Christ fut attaché à la croix; dès que je vois l'image de la croix, j'entre dans une grande peur et je m'enfuis effrayé. Christophe lui dit : - Donc ce Christ est plus puissant que toi puisque tu en as peur ! J'ai donc travaillé en vain et je n'ai pas encore trouvé le plus grand prince du monde. Adieu maintenant, je veux te quitter et chercher ce Christ.
Il chercha longtemps quelqu'un qui lui donnât des renseignements sur le Christ. Enfin, il rencontra un ermite qui lui parla de Jésus-Christ et qui l'instruisit de la foi. L'ermite dit à Christophe : - Ce roi que tu désires servir réclame la soumission : il te faudra jeûner souvent. Christophe lui répondit : - Qu'il me demande autre chose parce qu'il m'est absolument impossible de faire cela. L'ermite lui dit : - Il te faudra encore lui adresser des prières. Christophe lui répondit : - Je ne sais ce que c'est et je ne puis me soumettre à cette exigence. L'ermite lui dit : - Connaîs-tu ce fleuve où bien de ceux qui le passent risquent d'y perdre la vie ? - Oui dit Christophe.
L'ermite reprit : - Comme tu es grand et que tu es robuste, si tu restais auprès de ce fleuve et si tu passais ceux qui surviennent, tu ferais quelque chose de très agréable au Christ que tu désires servir et j'espère qu'il se manifesterait à toi en ce lieu. Christophe alla donc près du fleuve et s'y construisit un petit logement. Il portait à la main, au lieu de bâton, une perche avec laquelle il se maintenait dans l'eau; et il passait sans relâche tous les voyageurs.
Un jour qu'il se reposait dans sa maison, il entendit la voix d'un petit enfant qui l'appelait en disant : - Christophe viens dehors et passe-moi. Christophe se leva de suite mais ne trouva personne. Rentré dans sa maison, il entendit la même voix qui l'appelait : - Christophe viens dehors et passe-moi. Il courut dehors de nouveau et ne trouva personne. Rentré chez lui, une troisième fois il entendit la voix : - Christophe viens dehors et passe-moi. Il sortit et aperçut sur la rive du fleuve un enfant qui le pria de le passer. Il mit l'enfant sur ses épaules, prit son bâton et entra dans le fleuve pour le traverser.
Et voici que l'eau du fleuve se gonflait peu à peu. L'enfant lui pesait comme une masse de plomb. Il avançait et l'eau gonflait toujours. L'enfant écrasait de plus en plus les épaules de Christophe d'un poids intolérable, de sorte que celui-ci se trouvait dans de grandes angoisses et craignait de périr. Il échappa à grand peine.
Quand il eut franchi la rivière, il déposa l'enfant sur la rive et lui dit : - Enfant, tu m'as exposé à un grand danger et tu m'as tant pesé que si j'avais eu le monde entier sur moi, je n'aurais pas eu plus lourd à porter. L'enfant lui répondit : - Ne t'en étonne pas Christophe, tu n'as pas eu seulement le monde sur toi mais tu as porté sur tes épaules celui qui a créé le monde; car je suis le Christ ton roi. Et pour te prouver que je dis la vérité, quand tu seras repassé, enfonce ton bâton en terre devant ta maison. Le matin, tu verras qu'il a fleuri et porté des fruits. A l'instant, il disparut.
En arrivant, Christophe ficha son bâton en terre, et quand il se leva le matin, il trouva que sur sa perche avaient poussé des feuilles et des dattes, comme sur un palmier.
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Il vint ensuite à Samos, ville de Lycie, où l'on persécutait des chrétiens. Il ne comprenait pas la langue que parlaient les habitants mais Dieu lui en donna l'intelligence. Des juges voulurent l'arrêter. Le voyant en prière, ils le prirent pour un fou et le laissèrent. Christophe se couvrit alors le visage et vint à l'endroit où combattaient les chrétiens pour les affermir dans leurs tourments. Puis il ficha en terre son bâton qui reverdit aussitôt. 8.000 hommes devinrent alors croyants. Le roi envoya alors 200 soldats avec ordre d'amener Christophe, mais le voyant en prière, ils le prirent aussi pour un fou et le laissèrent. Le roi envoya encore 200 soldats pour arrêter Christophe. En voyant son visage, ils hésitaient à l'arrêter mais Christophe se fit lier les mains derrière le dos et conduire au roi. Arrivé devant le roi, il découvrit son visage. A sa vue, le roi fut effrayé et tomba à la renverse de son trône. Relevé ensuite par ses serviteurs, il lui demanda quel était son nom et quel était son pays.
Christophe répondit : - Avant mon baptême, je m'appelais RÉPROUVÉ mais aujourd'hui je me nomme Christophe. Le roi lui dit : - Tu t'es donné un nom idiot en prenant celui du Christ crucifié qui ne s'est fait aucun bien et qui ne pourra t'en faire. Maintenant, méchant cananéen, pourquoi ne sacrifies-tu pas à nos dieux ? Christophe répondit : - Ton nom, DAGNUS, est conforme à ce que tu es, car il signifie "damné" et parce que tu es la mort du monde; tes dieux sont l'ouvrage de la main de l'homme. Le roi lui dit : - Tu as été élevé au milieu des bêtes féroces, tu ne peux donc proférer que des paroles sauvages et des choses inconnues pour les hommes. Maintenant, si tu veux sacrifier, tu obtiendras de moi des grands honneurs, sinon tu périras dans les supplices.
Comme il ne voulut pas sacrifier, Dagnus le fit mettre en prison par les soldats. Mais dans la prison, il fit enfermer deux très belles filles. L'une s'appelait Aquilinie et l'autre Nicée. Il leur promit de grandes récompenses si elles parvenaient à le séduire. Christophe se mit en prière et comme les filles le tourmentaient avec des caresses et des embrassements, il se leva. Effrayées par l'éclat de son visage elles lui dirent : - Ayez pitié de nous, Saint Homme, afin que nous puissions croire à votre Dieu .
Alors, Dagnus, furieux, fit pendre Aquilinie puis on attacha à ses pieds une pierre énorme qui disloqua tous ses membres. Sa soeur Nicée, fut jetée dans le feu ; mais comme elle en sortit saine et sauve, elle fut décapitée. Après cela, Christophe fut fouetté avec des verges de fer; un casque de fer rougi au feu fut mis sur sa tête; puis il fut lié sur un banc de fer sous lequel on avait allumé du feu avec de la poix. Mais le banc fondit comme la cire et le saint resta sain et sauf. Ensuite Christophe fut lié à un poteau. 400 soldats tirèrent des flèches vers lui, mais les flèches restèrent suspendues en l'air et aucune ne put le toucher. Or, le roi, pensant qu'il avait été tué par les archers, se met à l'insulter. Tout à coup, une flêche se détache de l'air et se retourne contre le roi venant lui frapper un oeil qu'elle rend aveugle. Christophe lui dit : - Tyran, demain quand je serai mort, tu feras de la boue avec mon sang, tu t'en frotteras l'oeil et tu seras guéri. On trancha la tête de Christophe.
Le lendemain, le roi prit un peu de son sang, le mettant sur son oeil il dit : - Au nom de Dieu et de Christophe. Et il fut guéri à l'instant. Alors le roi crut et porta un édit par lequel quiconque blasphémerait Dieu et Saint Christophe serait aussitôt puni par le glaive.
Christophe est patron des voyageurs.