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n ne connaît
rien du lieu ni du temps où il vécut. Il fut élevé
par un des principaux officiers de l’armée de l’empereur
d’Orient. Dosithée reçut de son officier une
éducation mondaine un peu molle et relâchée. Il
était sensible et ne manquait pas de générosité.
Cependant, l’officier ne l’informa jamais de la vie des
chrétiens. C’était un très gentil garçon,
point.
Un jour, où
il discutait de choses et d’autres en buvant des doses de thé avec
ses copains et copines Eunucule, Antonine, Chantalia, Nympha, Eubule et autres
Diodores, il vinrent à parler de leurs dernières vacances.
Quelqu’un raconta qu’il avait visité Jérusalem et que
c‘était une belle ville à faire, que c’était
fabuleux, surtout qu’il fallait voir Gethsémani où
l’on pouvait acheter plein de souvenirs variés et tout et tout.
Habité tout
à coup par une pulsion touristique, Dosithée demanda à son
officier la permission d’aller en vacances à Jérusalem.
L’officier accepta. De plus, afin que le voyage soit bien organisé,
il demanda à un de ses amis intime d’accompagner Dosithée.
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ne fois à
Jérusalem, ils passèrent par Gethsémani. Là,
Dosithée se trouva tout à coup devant un tableau qui
représentait les supplices des damnés ? - Curieux car les
tableaux n’existaient pas à cette époque ? Dosithée
fut étonné puis effrayé par ces images.
Puis, il rencontra
une dame d’une beauté extraordinaire mais quasi effrayante. Elle
lui expliqua ce que signifiait tout ce qui était
représenté sur le tableau. Dosithée lui exprima sa crainte
de subir tous ces supplices. Alors
la dame lui dit que pour éviter cela, il devait jeûner et prier.
Puis elle disparut.
“Jeûner
et prier !” d’accord, mais “ce n’est pas mon
habitude se dit Dosithée.”
Toujours est-il
qu’il fut si troublé par cette rencontre qu’il changea
subitement de régime alimentaire et passa le plus clair de son temps
à genoux.
Son compagnon lui
fit remarquer qu’il avait adopté un curieux comportement pour un
homme du monde et que s’il voulait continuer, il ferait mieux de
s’enfermer dans un monastère.
Il demanda partout,
dans la rue, ce que c’était un monastère et quelqu’un
le conduisit jusqu’à celui de Gaza en Palestine, chez
l’abbé Séride.
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’abbé,
voyant un jeune homme si “bien fait, délicat, vêtu en
habit de cour” craignait que ce ne fut une passade, une
velléité de nanti.
Il fit donc examiner
Dosithée par saint Dorothée, un de ses moines un peu
médecin.
A toutes les
questions que posait Dorothée, Dosithée répondait
invariablement “je veux me sauver”. Un peu
décontenancé, Dorothée passa au rapport chez Séride
et lui confirma que si Dosithée n’était pas très
clair, il était indemne de vice mais qu’il fallait le
ménager tout de même.
Dorothée
conseilla alors à Dosithée de manger ce qu’il voulait et
autant qu’il voulait. Celui-ci lui répondit qu’il avait
mangé un pain de cinq livres, soit deux kilos et demi. Dorothée
lui dit “Et bien, ce n’est pas mal !”.
Mais deux jours
après, il lui conseilla d’en retrancher une partie et lui demanda
ensuite s’il avait assez mangé. Dosithée répondit
qu’il n’avait pas tout mangé mais qu’il s’en
trouvait bien quand même. Tous les jours, il lui demandait de retrancher
une partie du pain et finit par lui conseiller de ne manger que trois onces par
jour (125 gr.) ainsi que quelques petits restes de poisson ou d’autres
mets qu’on servait aux malades.
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omme Dorothée
était infirmier-chef, il prit Dosithée à son service, le
sachant doux, propre, soigneux et serviable.
Seulement, Dosithée,
quand il n’obtenait pas le résultat voulu, se fâchait et
certains mots un peu rudes lui échappaient. Les malades en prenaient un
coup pour leur tranquillité. Mais chaque fois que cela lui arrivait, il
filait en trombe dans sa chambre et fondait en larmes prosterné contre
terre.
Ses collègues
essayaient de le consoler mais ils finissaient toujours par recourir à
Dorothée qui venait alors le trouver pour le calmer puis lui rappeler
qu’il n’avait pas à crier contre les malades car c’étaient
des représentants de Jésus-Christ.
Après bien
des soupirs, Dosithée repartait travailler car il avait une confiance
absolue en son maître.
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ne fois ou
Dosithée s’était encore laissé emporter brusquement
à la suite d’une bêtise qu’il avait faite,
Dorothée lança “Ici, il ne manque plus qu’une
bouteille de vin, ça irait bien avec l’ambiance !”
Dosithée le finaud, obéit à la lettre et courut chercher
une bouteille de vin pour l’apporter à Dorothée. “Oh
insensé”, dit Dorothée, “j’ai dit ça
parce que vous parlez comme un Goth qui crie toujours pour rien, comme
s’il était ivre !” Dosithée fila doux et
reporta la bouteille dans la cave.
Dorothée
s’occupa alors à l’endurcir un peu. Malgré les
précautions qu’il prenait, Dosithée subissait difficilement
ces épreuves qui devaient servir à renforcer son humilité.
Un jour il cracha du sang, il était sans doute devenu tuberculeux.
Il déclina
très vite malgré sa jeunesse. Sa seule impatience allait vers le
jour de sa mort, jour où il pourrait “sortir de son exil”. A la
dernière extrémité, il demanda à Dorothée
“père permettez-moi de sortir de mon exil.”
Dorothée, la
larme à l’oeil lui dit : “allez en paix mon fils” Et
Dosithée expira en toute obéissance.
Un peu plus tard,
Dosithée apparut à Dorothée. Il était au milieu
d’une troupe de saints et resplendissait de lumière et de gloire.