Ghislain de Trêves
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6 août
L'homme sauvage et le levraut
Saint Ghislain ou Schetzelon, ou Gocelin ou Joscelin
Il y avait une fois un homme nommé Ghislain, qui vivait nu dans les forêts allemandes au 12ème siècle. Il errait et vagabondait dans les solitudes de la forêt et de la montagne. Il ne se nourrissait que de ce que les animaux mangent.
Il n'avait ni cellule ni maison mais allait d'un désert à l'autre en se cachant dans les trous et les cavernes. il mangeait des herbes sauvages et des racines.
Il vécut ainsi dix ans, courant par tous les temps, subissant le froid et le chaud, sans chercher à rencontrer d'autres hommes.
Pendant les quatre dernières années de sa vie, au moment de l'hiver, il s'approchait de temps à autre des fermes où il savait que de pauvres gens lui avaient mis, dehors, un peu de paille pour se coucher et un croûton de pain pour se nourrir. Il n'y allait que la nuit et partait avant le jour. Une "lumière divine et prophétique" lui indiquait quelles étaient les maisons où il trouverait de l'aide.
Les gens n'osaient pas l'approcher, sauf de temps à autre où ils lui demandaient la permission de lui parler. Ils jetaient alors un haillon pour qu'il couvre sa nudité. Être nu ne lui posait pas de problème mais il se recouvrait du haillon par déférence pour ceux avec qui il allait parler. Il acceptait alors un peu de nourriture qu'il emportait au désert.
Sa réputation se répandit jusqu'en France et parvint aux oreilles de Saint Bernard. Comme Bernard avait envoyé Achard fonder l'abbaye du cloître de la Vierge dans le diocèse de Trêves, il lui demanda d'aller trouver Ghislain afin de lui proposer son amitié et lui offrir un habit de religieux de Cîteaux afin qu'il s'en revêtisse.
Achard s'informa du lieu où il pourrait trouver le solitaire et s'y rendit accompagné d'autres religieux.
Mais Ghislain, par une révélation, fut averti de la visite d'Achard et de ses intentions. Il connaissait la réputation de Bernard. Il se vêtit donc d'un haillon et se rendit au lieu où il put rencontrer les moines.
Quand Achard et ses compagnons virent le bienheureux solitaire, ils furent remplis d'un merveilleux étonnement. Ils offrirent à Ghislain quelques cadeaux de la part de Bernard, puis il lui donnèrent l'habit de Cîteaux. Ghislain s'en revêtit en bénissant Bernard. Puis il le quitta en disant qu'il s'en était revêtu par obéissance mais qu'il ne pouvait le garder davantage.
Achard, voyant la douceur de Ghislain, lui demanda s'il n'était pas tourmenté par les tentations du démon de la chair.
Ghislain sourit et répondit :
"Il y a longtemps que, par la grâce de Dieu, je me suis délivré de la révolte des passions. Mais la vie est une tentation continuelle. Je vais vous dire quelle fut la plus forte tentation que j'aie eue depuis de nombreuses années.
"Un jour d'hiver que le froid était plus vif et la gelée plus forte, je m'étais couché nu sur le sol en ayant les membres transis. Dieu fit tomber de la neige comme de la laine, et cela me fit un habit de l'épaisseur d'une coudée. Tout mon corps était recouvert, mais à l'endroit de ma bouche, il y avait un peu de chaleur qui fit une petite ouverture.
"Il arriva qu'un levraut, courant ça et là pour trouver un gîte, rencontra par hasard cette ouverture et, étant attiré par le peu de chaleur qu'il y ressentait, il s'y arrêta et se mit doucement sur mon visage. Cet accident me fit sourire. Je perdis ma gravité ordinaire et me laissai aller à quelque vaine joie. Il me vint même à l'esprit de mettre la main sur l'animal et de le prendre, non pas pour le retenir, mais pour le flatter et me récréer, sans craindre d'employer en ce vain divertissement le temps qui doit être consacré aux louanges de Dieu.
"Cependant, après avoir longtemps résisté à la violence de cette tentation, je la surmontai enfin et la dissipai. De sorte que, demeurant immobile, je laissai reposer sur moi cet animal sans le toucher jusqu'à ce qu'il s'en allât de lui-même.
"Voila la plus grande tentation qu'il me souvienne avoir eue depuis longtemps.
"Après que Saint Ghislain eut récréé l'abbé Achard et ses religieux par ses entretiens pleins d'innocence, il les conjura de le recommander aux prières de Saint Bernard. Ensuite, il leur donna sa bénédiction, et, sans s'arrêter davantage, il s'enfuit promptement dans le désert, comme une biche qui s'est échappée des toiles des chasseurs et un oiseau qui s'est tiré du filet de l'oiseleur. (Petits Bollandistes T. IX, p. 361)
Un peu plus tard, il lui fut révélé l'heure de sa mort. Il vint à l'église la plus voisine pour y recevoir le viatique, après quoi, sans que personne s'en aperçut, il s'endormit paisiblement dans le Seigneur le 6 août, jour de la Transfiguration de Notre-Seigneur.
Il fut enterré dans l'église où il avait reçu les derniers sacrement. Ensuite, comme il faisait des miracles, il fut transporté au château de Luxembourg, où il repose dans l'Église Notre-Dame.
On le représente quelquefois retiré de la neige dans laquelle il avait été englouti.
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