Pendant les 12 jours qui vont de Noël à
l’Épiphanie, les loups errent - la queue levée, le cul
ouvert - et se nourrissent de vent.
Un loup passant par
un désert
la
queue levée le cul ouvert
il vit le trou d’un chien pelé
et courut y mettre le nez.
Au 31 Sylvestre nous emmène dans la forêt, la sylva,
celle qui sauve. Il est normal que l’on ne s’y retrouve pas dans
ces enchevêtrements compliqués et ténébreux. On est
au plus bas en ce jour qui précède la remontée, qui sera
marquée par une circoncision au 1er. La forêt est régénérante
même si elle nous confine à la confusion. Ce n’est pas pour
rien qu’autrefois sorciers et sorcières, ces grands
médecins, y trouvaient ce qu’il fallait pour guérir.
En ce jour, l’homme à la peau d’ours est au
plus bas de sa descente aux enfers. Souvent, à minuit, les
réveillonneurs éteindront la lumière pendant deux secondes,
juste de quoi rappeler le chaos avant la résurrection.
Les Bretons, qui savent tout, disent que
Sylvestre était frère de Saint Gildas.
Anatole Le Braz raconte que dans
la vallée du Roscoat, il y avait nombre de Seigneurs qui terrorisaient
la contrée avec leurs chiens. Ceux-ci ravageaient les moissons et
mordaient les paysans. Les gens de Plouzélambre en appelèrent
à leur prince : Mélar, qui fit paraître un édit
selon lequel les paysans avaient droit de tuer les chiens à coups de fourches.
Mais les Seigneurs, sous la direction de Rivod,
oncle de Mélar, et qui convoitait ses terres, réglèrent
son compte à Mélar et lâchèrent leurs chiens
auxquels ils avaient donné la rage.
On fit appel alors à Saint Gildas de
Tonquédec. Comme Gildas avait trop de travail, il envoya un message
à Rome à son frère le pape Sylvestre.
Quinze jours plus tard, tout fut
réglé et la paix régna sur la contrée.
Les chiens des Seigneurs n’osaient plus
entrer dans la terre de Plouzélambre. Si leurs maîtres les y
obligeaient, les chiens se retournaient contre eux et leur sautaient à
la gorge.
Quant à Rivod, il devint enragé et
se déchira de ses propres dents. Il fut condamné à errer
sous la forme d’un chien noir.
La Légende Dorée nous raconte que Sylvestre, dont la
mère s’appelait Juste, accueillit chez lui un certain
Thimothée qui prêchait pour les chrétiens. On accusa
Sylvestre d’héberger un chrétien. Thimothée fut
martyrisé et Sylvestre fut mis en prison par le préfet
Tarquinius. Sylvestre lui prédit qu’il mourrait dans la nuit.
Tarquinius qui avait été invité à un festin,
s’étouffa avec une arête de poisson en travers de la gorge.
Sylvestre fut donc délivré.
Peu de temps après il fut nommé
évêque. Il institua le jeûne du quatrième et du
sixième jour et du samedi, ce qui fit réserver le jeudi comme le
dimanche. Les grecs prétendaient cependant qu’on devait
célébrer le samedi de préférence au jeudi. Mais
Sylvestre rétorqua qu’on devait compatir à la
sépulture du Seigneur. Les grecs lui dirent, jamais le dimanche, et
qu’il y avait un samedi pour lequel on vénérait la
sépulture. Sylvestre leur dit que le dimanche était fait pour la
résurrection et le samedi pour la sépulture. Les grecs cédèrent
donc pour le samedi mais résistèrent fort pour le jeudi car le jeudi tombait avant le samedi
qui, lui, tombait avant le dimanche. Bien sûr, on aurait pu envisager
aussi le mercredi puis le vendredi, mais tout de même, le samedi sied
mieux puisqu’il passe après le jeudi qui lui même tombe le
lendemain du mercredi.
Enfin, c’est comme ça qu’on
commence un schisme ! J’espère que vous avez compris ?
Constantin (le mari-fils-frère
d’Hélène) persécutait encore les chrétiens.
Il fut puni et devint lépreux.
Pendant ce temps, par prudence, Sylvestre s’était
caché dans la montagne avec d’autres disciples.
Pour guérir Constantin, les prêtres
décidèrent qu’il devait se baigner dans le sang de trois
mille enfants. On fit donc arrêter les enfants. Mais les mères
éplorées, habillées de noir, les cheveux
dénoués, vinrent avec force de hurlements pitoyables essayer de
toucher le coeur de l’empereur.
N’empêche que ça a marché. Constantin
qui était prêt à “péter les plombs“ a
fait arrêter le compte à rebours et la marque de
l’inexorable à disparu. Il rendit donc les enfant à leurs
mères et tout le monde alla se coucher, un peu égosillé
sinon éméché.
Constantin fit alors un rêve. Saint Pierre et Saint Paul lui
apparurent et lui ordonnèrent d’aller chercher Sylvestre qui le
guérirait.
Au saut du lit, il envoya des soldats sur le Mont Socrate
où était caché Sylvestre. Celui-ci crût sa
dernière heure venue.
Mais dès qu’il fut rassuré sur les intentions
de Constantin, il le fit plonger trois fois dans une piscine d’eau
miraculeuse et le guérit de sa lèpre. (Il faut toujours se
plonger trois fois dans une piscine pour guérir d’une maladie.
Rappelez-vous Sainte Énimie)
Ainsi baptisé, Constantin se convertit et permit aux
chrétiens la liberté de culte... et l’embourgeoisement.
Il fit partie des catéchumène. S’ensuivit une
longue dispute avec douze personnages plus ou moins sages, sur le
bien-fondé de la sainte Trinité et sur la folie de la croix.
Le dernier des douze s’appelait Zambri et prétendait
connaître parfaitement le nom du Dieu Tout-Puissant. “dont la
force est plus grande que les rochers et aucune créature ne saurait
l’entendre.“ Il demanda qu’on lui amène un taureau
puissant. “dès que le nom du Tout-Puissant aura sonné
à son oreille, tout aussitôt, le taureau mourra.“ On amena le taureau
et dès que Zambri eut chuchoté un nom à l’oreille du
taureau, celui-ci expira. Alors tout le monde acclama Zambri et insulta
Sylvestre. Mais celui-ci répondit : “Zambri a prononcé
le nom du pire des démons, c’est pour ça qu’il a fait
mourir le taureau. Mais le nom de mon Dieu le fera revivre.” Alors il
prononça le nom de Dieu dans l’oreille du taureau qui ressuscita.
Tout le monde acclama Sylvestre et insulta Zambri. Bravo les veaux !
Un peu plus tard, on vint trouver Sylvestre pour lui demander
s’il ne pourrait pas délivrer le pays des méfaits
d’un dragon qui logeait au fond d’une fosse mais qui, par son
souffle malsain, tuait plus de trois cents personnes par jour.
Sylvestre accepta. La nuit, Saint Pierre lui apparut pour
l’encourager. Le lendemain, accompagné de deux prêtres,
Sylvestre, portant une lanterne à la main, descendit les quarante
marches de l’escalier qui conduisait au fond de la fosse où se
trouvait le dragon. La puanteur était si forte que les deux
prêtres en étaient malades. Seul Sylvestre était à
l’aise. - pas étonnant, c’est un homme sauvage. -
Arrivé devant le dragon, Sylvestre prit un lien et lia la gueule du
dragon malgré ses protestations, ses cris et ses sifflements.
Puis ils remontèrent par les quarante marches - ce qui fait
quatre-vingt et ça nous mène à la chandeleur depuis la
saint Martin, émule des hommes sauvages.
Après ça, tout le monde se convertit.
Après avoir recommandé à ses collègues
de préserver leurs troupeaux de la morsure des loups, Sylvestre
s’éteignit en 330.
Ainsi disparut Sylvestre, homme sauvage, copain
d’Élie, copain des chiens, émule de Sylvain dieu romain.
Peut-être est-il encore, comme Jean de fer, rouillé au fond de son
marécage, dans la forêt interdite ?
Les feuilles sont mortes, vivent les nouvelles feuilles.
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