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PETIT JACQUES et le HARICOT MAGIQUE

Je vais vous raconter l’histoire d’un jeune garçon qui s’appelait JACQUES et d’un pied de haricot magique. Je vais vous la raconter comme je m’en souviens, comme ci, comme çà, à l’envers et à l’endroit.

Il était une fois de jeunes mariés qui habitaient un château. Après quelques années de mariage, leur naquit un bel enfant, blond et dodu. Ils l’appelèrent “Petit-JACQUES” et l’entourèrent de soins attentifs.
Petit-JACQUES avait une nourrice qui le gâtait beaucoup, et sa chambre était remplie de jouets. Dans l’écurie, un poulain attendait que le garçon fut assez grand pour sauter en selle et galoper avec lui dans le parc.
Quand Petit-JACQUES eut deux ans, son père mourut subitement. En peu de temps la fortune de la famille fut mystérieusement épuisée, et, aussitôt après, les amis prirent la fuite. La mère et l’enfant se retrouvèrent démunis et abandonnés de tous. La pauvre femme fut obligée de vendre son château et, avec l’argent qu’elle en tira, elle acheta un logis à la campagne.
Petit-JACQUES était encore si jeune qu’il ne s’aperçut guère du changement. Il jouait dans le pré, grimpait aux arbres, grandissait plein de santé et de gaieté. Sa mère, en revanche, habituée à vivre dans l’aisance, souffrait beaucoup des privations auxquelles elle était désormais soumise.
En plus, de la maisonnette, la jeune femme avait acheté une vache et des poules : aussi oeufs, lait et fromage ne manquaient jamais, et Petit-JACQUES put ainsi devenir un beau garçon robuste.

Par un hiver particulièrement rigoureux, la mère tomba très malade, et l’argent vint à manquer pour acheter les médicaments nécessaires. Un jour la pauvre femme appela son fils à son chevet et lui dit en soupirant :
- Petit-JACQUES, nous devons vendre la vache. Conduit la au marché et essaie d’en obtenir le meilleur prix possible.
Le jeune garçon tout désolé de devoir se séparer de la brave bête, répondit cependant qu’il ferait de son mieux.
-J’irais bien moi-même au marché, reprit la pauvre femme. Malheureusement, je n’en ai pas la force. Va Petit-JACQUES et que la chance t’accompagne.

Petit-JACQUES courut à l’écurie et passa un licol à la vache qui le regardait de ses grands yeux pleins de douceur.
- Nous devons nous séparer, tu sais ! dit-il à l’animal. Cà me fait de la peine, mais il n’y a pas d’autre solution.
Et, en tirant l’animal réticent, il prit le chemin du marché. De temps à autre, la vache mugissait tristement, comme si elle avait compris qu’elle allait changer de maître.

A mi-chemin, Petit-JACQUES rencontra un vieil homme qui se reposait au bord du sentier.
- Où vas-tu mon enfant ? demanda le vieillard
- Au marché, pour vendre ma vache.
- Si tu veux je te l’achète, et je t’épargne ainsi un bon bout de chemin.
- Combien m’en proposes-tu ?

Le vieux sortit de sa poche un sac de toile rouge.
- En échange de ta vache, je te donnerai ce sac de haricot.
- Mais ma vache vaut bien plus qu’un sac de haricots ! protesta Petit-JACQUES.
- Oh ! non, repartit le vieillard.  Ce sont des haricots magiques. Si tu les sèmes et que tu as    confiance, tu ne te repentiras pas de cette affaire, je te le garantis !
Petit-JACQUES réfléchit un moment. Des haricots magiques ? Devait-il accepter cette proposition ? Peut-être après tout, était-ce une excellente affaire ! Le marché fut conclu, et le jeune garçon revint chez lui très satisfait, serrant bien fort le sac entre ses bras.
- Maman ! c’est aujourd’hui un jour heureux. J’ai très bien vendu notre vache !
- Et combien en as-tu tiré, mon enfant ?
- Un sac de haricots magiques. Tu verras, bientôt nous serons riches ! Le vieil homme à qui j’ai vendu la vache l’a certifié. Il m’a dit qu’il fallait avoir confiance et...
Sa mère l’interrompit, très en colère :
- Tu es un sot, Petit-JACQUES. Tu t’es fait avoir ni plus ni moins ! Un sac de haricots pour une vache qui donnait des litres et des litres de lait !
- Mais Maman...
- Je ne veux rien entendre de plus ! En punition tu iras au lit sans dîner.
Tout en parlant, la mère du Petit-JACQUES, dans un accès de colère, attrapa le sac de haricots et le lança de toutes ses forces par la fenêtre.
Le garçonnet n’eut pas le courage de répliquer. Il monta dans sa chambre, une petite pièce située sous le toit de chaume, et se mit au lit.

Il demeura longtemps éveillé, regardant la flamme de la bougie, et il se sentait très triste. Il avait faim aussi, car il n’avait pas l’habitude de sauter un repas, et il se tournait et se retournait sous ses couvertures. Il pensait que sa mère avait été injuste, car il était sûr que le vieil homme ne l’avait pas trompé. Il avait l’air si honnête et gentil ! La vache serait heureuse avec lui, il en était certain.  Et les haricots magiques ?  Comment devenir riche en semant des haricots ?
Soudain, Petit-JACQUES se souvint que sa mère avait jeté le sac par la fenêtre et se dit :
- “Demain matin, je dois penser à, aller le chercher. Par bonheur il fait nuit, sinon les poules pourraient manger les haricots et alors, adieu richesses, adieu bonheur !”
Ce n’est qu’au milieu de la nuit que Petit-JACQUES, obsédé par ses pensées et la faim, finit par s’endormir. Un grand silence régnait alentour. La mère de Petit-JACQUES s’était endormie à son tour, regrettant un peu d’avoir envoyé son fils au lit sans manger.

Petit-JACQUES se réveilla. Le soleil était déjà levé, mais dans sa chambrette, pénétrait une étrange lumière verdâtre.
- “Qu’arrive-t-il donc ?”  se demanda le jeune garçon en se frottant les yeux.
Il sauta à bas du lit, courut vers la fenêtre et demeura stupéfait, les yeux agrandis d’étonnement. Dans le jardin pendant la nuit, une énorme plante avait poussé.
Petit-JACQUES se pencha pour mieux voir et s’aperçut que c’était un plant de haricot, mais si haut que son sommet se perdait dans les nuages. Ainsi les haricots magiques avaient poussé sans même qu’il soit nécessaire de les semer !
Petit-JACQUES était très ému et son coeur battait la chamade.
Il se vêtit en hâte et revint examiner la plante. Le tronc était aussi gros et aussi solide que celui d’un arbre, et les feuilles auraient pu servir de parapluie.
Soudain, le petit garçon eut envie de découvrir où finissait la plante magique. Il avait beau pencher la tête, il n’arrivait pas à en voir la cime. Il enjamba silencieusement l’appui de la fenêtre, s’agrippa à la plante et commença à monter. Il n’éprouvait aucune difficulté, car il avait l’habitude de grimper aux arbres.

Au dessous de lui, la maison devenait de plus en plus petite, les poules semblaient des fourmis, et le toit de chaume un mouchoir.
Petit-JACQUES montait, montait sans s’arrêter. Il avait atteint une telle hauteur qu’il pouvait maintenant apercevoir les montagnes au loin et, là-bas, à l’horizon, ce devait être la mer.
Tout à coup, quelqu’un l’appela. Petit-JACQUES se retourna et vit une minuscule fée, toute bleue et même le petit sac de soie qu’elle serrait sur sa poitrine étaient couleur azur.
- Petit-JACQUES, lui dit la fée d’une voix très douce, je t’attendais. Ecoute-moi attentivement : prends ce petit sac et dirige-toi vers le château qui est dans les nuages.  Tu trouveras là ce qui, un jour, t’as été volé. Adieu Petit-JACQUES, bonne chance !
Le plan de haricot finissait juste devant un château dont le lourd portail s’ouvrit tout seul. Petit-JACQUES s’arma de courage et entra.

Tout dans ce château était énorme. Au milieu d’un salon, une table était dressée avec des plats aussi larges que les roues d’un chariot et des verres vastes comme des tonneaux.
Tandis que Petit-JACQUES observait tout cela ébahi, il sentit le sol trembler sous ses pieds et, épouvanté, alla se cacher derrière une colonne.
La porte s’ouvrit avec fracas et une affreuse ogresse apparu sur le seuil. Petit-JACQUES lui arrivait à peine à la cheville. Elle se mit à rire et l’attrapa entre le pouce et l’index, comme un papillon, en s’écriant
- Viens là petit bonhomme, j’ai justement besoin d’un mousticaillon comme toi pour enfiler mes aiguilles. Et Petit-JACQUES dut empoigner un fil aussi gros qu’une bûche et passer avec lui le chas d’une énorme aiguille.
- En récompense, dit l’ogresse, je vais te faire une omelette. Mais dès que tu auras mangé, il faudra t’en aller avant que ne revienne mon mari, l’affreux ogre mangeur d’enfants.
L’ogresse cassa un oeuf gros comme une barrique.
A ce moment, le sol trembla, Jacques se cacha sous une coquille. L’ogre apparut.
- Il y a une drôle d’odeur, dit-il ! çà sent la chair fraîche !
L’ogresse répondit.
- Tu as dans le nez l’odeur des cheminées de la terre !
L’ogre engloutit l’omelette avec la poêle puis se coucha sur le lit en commandant à sa femme de mettre auprès de lui une bourse pleine d’or. Clic et clac et clic et clac, cliquetaient doucement les pièces d’or.
Petit Jacques sortit avec précaution et s’empara de la bourse. Mais les pièces se mirent à crier :
- “Clic et clac et clic et clac, ogre réveille-toi, il nous vole petit Jacques !”
L’ogre se réveilla et se mit à la poursuite de Petit JACQUES. Mais Petit JACQUES dégringolait déjà le haricot en sautant de feuille en feuille et il fut rapidement au bas du haricot. 
Il courut aussitôt auprès de sa mère, qui pleurait depuis sa mystérieuse disparition. Elle le cacha et l’ogre ne put le trouver.
Le bonheur régna alors dans la chaumière.

Quelque temps plus tard, Petit-JACQUES sentit le besoin de remonter au sommet du haricot. Il l’escalada à nouveau. Une fois dans le château, l’ogresse lui demanda cette fois de trier les pois.
Il s’était à peine remis au travail que le géant arriva.
Petit-JACQUES se cacha sous une petite tasse. Dès que l’ogre eut fini de dîner, il se coucha, et se fit apporter une harpe d’or qui chantait des chants d’argent.
Dès que l’ogre ronfla, Petit-JACQUES sortit sur la pointe des pieds et s’empara de la harpe d’or.
-“Tra la la, cria la harpe, ogre, réveille-toi, il m’emporte le Petit-JACQUES !”
Mais le temps que l’ogre reprenne ses esprits, Petit-JACQUES était déjà dans sa maison.

Quelque temps plus tard, Petit-JACQUES sentit à nouveau le besoin de remonter au sommet du haricot. Il l’escalada à nouveau et retrouva l’ogresse qui lui demanda de retrouver son dé à coudre. Mais juste à ce moment, l’ogre entra. 
Le géant vêtu de rouge, serrait une poule noire sous son bras. Il la posa sur la table, dans un panier de paille, et cria :
- Allez, poule ! Ponds des oeufs !
Petit-JACQUES, plein de curiosité, jeta un coup d’oeil et vit avec émerveillement que les oeufs étaient en or. Le géant les attrapa, les mit dans sa poche s’étendit sur le lit pour dormir. La poule resta sur la table et se lissa les plumes avec le bec.
Soudain, Petit-JACQUES se souvint d’une histoire que sa mère lui avait racontée : naguère, son père avait possédé un poule magique qui pondait des oeufs d’or. Un jour un méchant géant l’avait volée et avait fait mourir son père.
- “Ainsi cette poule m’appartient, pensa le garçon, et j’ai le droit de la prendre !”
Il grimpa le long des pieds de la table, et attrapa la volaille qui sommeillait.
- Cot, cot, cot, codek, cria la poule, ogre réveille-toi, il m’emporte le Petit-JACQUES !
Petit-JACQUES réussit à l’enfermer dans son sac et s’enfuit en courant.
L’ogre entra dans la pièce juste pour voir Petit-JACQUES enjamber la fenêtre, s’accrocher au plant de haricot et commencer sa descente à toute vitesse.

Furieux, l’ogre étendit son grand bras pour essayer d’attraper le fugitif mais en vain.
Le sac sur l’épaule, tandis que la poule continuait à caqueter, Petit-JACQUES descendait le long du tronc du haricot. Il aperçut au loin la fée bleue qui le saluait en agitant ses ailes, et il lui répondit en faisant de grands signes avec le sac.
La poule protesta, caquetant de plus belle. Petit-JACQUES descendait aussi vite qu’il le pouvait.
Soudain, le tronc se mit à osciller comme s’il avait reçut une énorme secousse.
Petit-JACQUES leva la tête et vit le géant, qui le suivait en hurlant des menaces. Il accéléra sa descente, mais le géant gagnait du terrain.
- “ Vite, Petit-JACQUES, plus vite ! “ se dit le garçon affolé.
Maintenant il distinguait le toit de chaume de sa maison. Puis dans la cour, il vit les poules, qui ressemblaient à des fourmis. Pendant ce temps, le géant approchait, implacable et vociférant.
Finalement, Petit-JACQUES prit son élan et sauta à terre.
Il vit une hache appuyée contre le plan de haricot. Il la saisit et se mit à en frapper le tronc. La lame était tranchante et en quelques coups biens assenés, la plante s’effondra sur le sol avec fracas, entraînant avec elle le géant, qui criait encore plus fort que la poule enfermée dans le sac.
Là où tomba le géant, s’ouvrit une crevasse aussi profonde que les entrailles de la terre.
Petit-JACQUES se pencha sur le bord mais il ne vit rien : le méchant géant avait disparu dans le gouffre !

Petit-JACQUES raconta son aventure, puis sortit la poule noire du sac. Elle se mêla aussitôt aux autres et commença à picorer tranquillement. Un moment plus tard, il y avait un beau tas d’oeufs en or au milieu de la cour.

Depuis ce jour, grâce à la poule magique, la mère et le fils vécurent heureux et ne connurent plus jamais la misère.

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