LE CHATEAU DE ROZAFÉ Albanie
Traduit par Kolë LUKA - Académie
des sciences de la RPS albanaise - Tirana 1983
Mis en forme de conte par Willy BAKEROOT avec l’aimable
concours de Zamir MUCA
Pendant trois jours, la brume avait enveloppé la montagne de la Bune. Puis, un léger souffle s’était levé et l’avait éloignée puis conduite jusqu’à Valdenuz. Là, travaillaient trois maçons, trois frères, trois chrétiens. Il construisaient un château : le château de Rozafé. Mais les trois frères étaient remplis d’inquiétude parce que ce qu’ils construisaient durant la journée s’écroulait pendant la nuit. Il ne savaient que faire pour remédier à cela.
Un jour, un Saint Homme passa par là.
- Ah, quel bon travail vous faites ! leur
dit-il.
Ils répondirent :
- Quel travail ?Ce que nous bâtissons le jour s’écroule
pendant la nuit. Mais toi, Ô Saint Homme ! peux-tu nous dire pourquoi
? Connais-tu le secret du bâtiment ?
Le saint Homme répondit
:
- Ce secret, je le connais, mais le dévoiler, c’est commettre
un grand péché !
Ils lui dirent :
- Peu importe, que ce péché retombe
sur nous.
Et le Saint de demander :
-Etes-vous mariés tous les trois, avez
vous tous trois vos femmes ?
- Oui, nous sommes mariés tous les
trois et nous avons toujours nos femmes.
Mais de grâce, dis-nous
comment ces murs pourraient tenir !
Le saint leur dit :
- Jurez-moi sur votre foi de ne rien en dire à vos épouses.
Tous
les trois jurèrent de ne pas en parler. Alors le saint reprit
:
- Pour faire tenir ces murs, il ne faut pas travailler le dimanche. C’est
la première condition. Ensuite, demain, celle de vos femmes qui vous
apportera le repas, vous devrez vous en emparer et l’emmurer dans la
base du château, alors, tout ce que vous construirez tiendra bien et
résistera.
Puis le Saint Homme s’en alla. Le soir, les frères rentrèrent à la
maison.
Mais l’aîné renia sa foi donnée et informa sa femme afin de la prévenir du danger.Le second, peu soucieux de ce qu’avait dit le Saint Homme, ne sut pas garder le silence. Mais le plus jeune, celui qui était le meilleur, tint sa promesse et ne dit pas mot chez lui. Le lendemain, les frères se réveillent de bon matin afin d’aller travailler. mais jusqu’à l’heure du repas, leur coeur bat à tout rompre.
Dans la maison, la mère appelle ses brus, l’une après
l’autre.
- Hé là-bas, ma grande fille, les maçons
doivent manger, ils ont besoin de boire du vin, ils en veulent une cruche.
Elle
répondit :
- Ah maman, je ne peux pas car ce matin, je suis souffrante.
Alors
la mère appela la seconde bru.
- Hé là-bas, ma seconde fille, les maçons
doivent manger, ils ont besoin de boire du vin, ils en veulent une cruche.
Elle
répondit :
- Ah maman, je ne peux pas car je dois aller chez mes parents.
Alors
la mère appela la cadette :
- Hé là-bas, ma petite fille, les maçons
doivent manger, ils ont besoin de boire du vin, ils en veulent une cruche.
-
Me voici mère, tout de suite, je pars à l’instant.
Peux-tu veiller sur mon petit !
- Pars ma fille, prends le repas et porte leur, je veillerai sur ton petit.
Elle prit le déjeuner et le broc de vin et dévala vers Rozafé.
Quand
elle approcha de l’enceinte, tous les marteaux s’arrêtèrent,
les coeurs cessèrent de battre et les visages devinrent blêmes. Lorsque
son mari la vit, il poussa un juron et lança son marteau avec force
contre les murs du château. Sa femme dit :
- Pourquoi lances-tu ainsi ton marteau ?
- Parce que c’est sur toi qu’est tombé le mauvais sort,
et ce sort nous oblige à t’emmurer.
Alors, pleine de tristesse, la fille dit :
- Longue vie à vous mes frères.
Mais laissez-moi dire mes derniers mots. Quand je serai dans le mur, laissez-moi
dehors une main, laissez-moi dehors un oeil, laissez-moi dehors un pied et laissez-moi
dehors un sein.Car
je quitte mon enfant et s’il se met à vagir, je veux pouvoir
le suivre d’un oeil, le caresser d’une main, le faire têter
d’un sein puis le bercer avec mon pied.
Puis elle ajouta :
- Que mon sein se pétrifie pour que le château reste fort
et que mon fils puisse en jouir, qu’il devienne un grand roi et qu’il
y fasse la guerre.
Puis les trois frères l’emmurèrent.
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